RENAULT 18 TURBO - Le losange enfile le survêt'.

RENAULT 18 TURBO – Le losange enfile le survêt’.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire et ce que l’on a, d’ailleurs, souvent dit, les deux crises pétrolières qui ont secoué les années 70 n’ont pas (entièrement) tué les voitures sportives. Même s’il est vrai que la flambée des prix du baril de brut et (par conséquent) du litre d’essence à la pompe ont obligé de nombreux constructeurs a repenser leur manière de concevoir celles-ci. Surtout dans un pays doté (depuis la crise de Suez en 1956) d’une fiscalité défavorable aux voitures de grosses cylindrées.

Face aux ravages engendrés par ces deux chocs pétroliers, la direction ainsi que les ingénieurs d’un certain nombre de grands constructeurs comprennent que s’ils ne veulent pas voir s’éteindre la flamme du sport automobile (pas seulement sur les circuits, mais aussi sur routes ouvertes, en dépit de l’instauration des premières limitations de vitesse), il leur faut trouver, assez rapidement, une solution efficace. Celle-ci aura pour nom : turbo.

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Une technique dont la firme au losange deviendra le plus grand spécialiste en France et dont elle démontrera tout le potentiel en compétition (aussi bien sur les circuits, notamment en Formule 1 qu’en rallyes, à l’image de la R5 Turbo). Outre le surcroît de performances que celui-ci apporte, grâce au supplément d’air insufflé dans le moteur, il offre également un autre avantage non négligeable, surtout pour la clientèle. Celui de pouvoir s’offrir une vraie voiture sportive aux performances fort intéressantes, tout en conservant une cylindrée quasiment identique que les modèles « courants » et en profitant donc, ainsi, d’une fiscalité raisonnable.

Au sein de la grande famille du losange, tout le monde se souvient de la R5 Turbo, de la R5 Alpine (avec ou sans turbo) ainsi que de la R21 Turbo (pour ne citer que les modèles les plus emblématiques de la lignée). En revanche, s’agissant de la version éponyme de la Renault 18, celle-ci, aujourd’hui encore, ne jouit pas de la même aura. L’une des raisons essentielles de cet « oubli fâcheux » (pour ne pas dire de ce désamour injustifié) étant, justement d’être, d’abord et avant tout… une R18 !

Il faut, en effet, reconnaître que sa ligne en elle-même n’a rien de véritablement affriolant : enlever tous les attributs spécifiques à la version Turbo et vous comprendrez assez rapidement. A l’image de la première génération de la 305 chez Peugeot, la R18, surtout dans ses versions de base, incarne l’archétype de la voiture de l’instituteur ou du notaire de province dans la France des années 70 et 80. Autrement dit, le symbole même de la ringardise automobile par excellence. Il est vrai que dans la catégorie où elle s’inscrivait prévalait un certain « classicisme », souvent même élevé au rang de vertu cardinale. Les lignes des modèles présents au sein de ce segment étant donc conçues pour ne déplaire à personne et, au contraire, pour plaire au plus grand nombre.

Les dirigeants de Renault ayant probablement compris qu’un certain nombre de pères de famille ne souhaitaient pas seulement pouvoir disposer d’une voiture pour se rendre à leur travail, les jours de la semaine. Mais qui leur permettrait également de se prendre pour un pilote de course lors de leurs balades sur les routes de campagne le week-end. Cette image de « voiture de beauf », « de manouches » ou « d’habitants du bled » (ceci, pour se limiter aux stéréotypes les plus connus et courants) s’est fortement renforcée après qu’elle eut quitté la scène (au profit de la R21).

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Néanmoins, à son lancement, en 1978, son destin n’était, avant tout et surtout, que de servir de « bonne à tout faire » aux familles françaises de la classe moyenne. Autrement dit, rien de très valorisant. D’où la volonté de l’état-major de la Régie de coiffer la gamme de la R18 d’une version performante. Même si elle ne connaissait probablement qu’une diffusion assez « marginale » (tout du moins, en comparaison avec le reste des versions proposées au catalogue), elle n’en constituera pas moins un excellent « porte-drapeau » pour l’ensemble de la gamme L’aura de la version Turbo ne manquant sans doute pas de rejaillir sur les versions plus « plébéiennes ». Il en avait été ainsi avec la version Gordini sur sa devancière, la R12 (dont la R18 n’était d’ailleurs, à bien des égards, qu’une version « relookée »), il n’y avait donc pas de raison de penser qu’il n’en serait pas de même avec la Turbo sur la R18.

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C’est en septembre 1980 que la version Turbo est dévoilée au public (le premier millésime de production de cette dernière sera donc celui de 1981). Si elle conserve un quatre cylindres en ligne (issu de la R16 TL) à l’architecture archiclassique, avec sa culasse à huit soupapes et son arbre à cames latéral, c’est bien le montage du turbo d’origine Garrett qui va, ici, faire toute la différence. Grâce à celui-ci, la puissance atteint 110 chevaux à 5 000 tr/mn, transformant ainsi cette brave « berline de papa » en une vraie petite bombe, avec, outre une vitesse de pointe de 185 km/h, le 0 à 100 km atteint en 10 secondes. Au début des années 1980, ces performances n’avaient rien de ridicule, bien au contraire ! Il faut même rappeler que la R18 Turbo fut, non seulement, la première berline française équipée d’un moteur suralimenté, mais aussi la plus puissante de sa catégorie avant l’entrée en scène de la Citroën BX GTI.

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Comme on était dans les années 80, à l’image des tenues de sport que l’on portait à l’époque (en particulier aux sports d’hiver, mais pas uniquement), lorsque le faisait dans la performance, il fallait clairement que cela se voie. Les éléments extérieurs spécifiques à la Turbo ne sont, finalement, pas si nombreux que cela : spoiler sous le pare-choc à l’avant, béquet sur le coffre à l’arrière, larges bandes sur les bas de caisse, jantes Amil en aluminium, ainsi que les logos « Turbo » sur la calandre, les portières avant ainsi que la malle de coffre.

Il en est de même dans l’habitacle : sièges « pétale » (typiques des Renault sportives de l’époque), volant spécifique et gainé de cuir, ainsi que le pommeau de levier de vitesses ainsi qu’un manomètre de pression du turbo (d’origine Jaeger) en haut de la console centrale. En ce qui concerne les équipements de confort, on est, toutefois, loin de ses rivales allemandes, puisqu’elle n’offre, de série, que les vitres électriques, la centralisation des portes ainsi que les vitres teintées. C’est peu (pour ne pas dire plutôt « cheap ») et il n’y a donc pas grand-chose qui la distingue d’une R18 de base. S’il est vrai qu’à l’extérieur, cette tenue sportive apporte à la version Turbo, outre une touche d’agressivité, une sorte de « supplément d’âme », esthétiquement, cela ne suffit toutefois pas pour prétendre se mesurer aux références allemandes de la catégorie.

A l’occasion du millésime 1982 (fin 1981 donc), la R18 Turbo bénéficie d’un nouveau système d’allumage électronique intégral, plus efficace que l’ancien système transistoré. Côté esthétique : clignotants avant blancs remplaçant ceux oranges des premiers modèles, poignées de porte en plastique noir à la place des poignées chromées et autocollant « Turbo » sur les flancs plus discrets. Le millésime suivant (1983) verra la gamme s’enrichir d’une version break ainsi que la possibilité d’opter pour une transmission automatique.

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L’année-modèle 1984, quant à elle, verra le montage d’une nouvelle planche de bord, au dessin inspiré de celui du coupé Fuego et équipé d’un ordinateur de bord digital. A l’extérieur, toutefois, il n’y a guère qu’un spoiler de taille plus enveloppante qui permet, à l’oeil exercé de reconnaître la nouvelle version Turbo par rapport à la première série. Sous le capot, aussi, il y a du nouveau, avec un turbo dont la pression est portée de 0,58 à 0,63 bar et un nouveau carburateur, ce qui permet de faire grimper la puissance à 125 chevaux et la vitesse de pointe d’approcher la barre, fort symbolique, des 200 km/h (198, très exactement). Le système de freinage se voyant, lui aussi, optimisé, avec le montage de quatre freins à disques (aussi bien sur le break que sur la berline). Du point de vue sécurité, la R18 Turbo reçoit également un système de fermeture centralisée à distance. Peu demandée, l’option boîte automatique sera finalement supprimée avant la fin du millésime.

Au printemps 1984, le modèle connaîtra un ultime restylage, avec des retouches sur la calandre, ainsi qu’un pare-brise et une lunette arrière sensiblement retouchés (avec des angles plus arrondis) ainsi qu’un sticker « Turbo » sur toute la longueur des portières. La production prenant fin l’année suivante, la R18 étant alors arrivée en fin de carrière et cédera donc sa place à la nouvelle Renault 21 l’année suivante.

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Il y eut près de 2 029 000 exemplaires de la Renault 18 (toutes versions confondues) à être sortis des usines de Sandouville et de Flins. En revanche, l’on ignore, aujourd’hui encore, la production exacte de la Turbo, le constructeur n’en a (assez curieusement) jamais communiqué les chiffres. L’on peut, simplement, l’estimer à environ 10 000 exemplaires (parmi lesquels 2 500 pour la carrosserie break).

RENAULT 18 TURBO - Le losange enfile le survêt'.
RENAULT 18 TURBO - Le losange enfile le survêt'.

A l’image de la R18, la Renault 21 aura droit, elle aussi, à sa version Turbo. Cette dernière sera, toutefois, la dernière berline familiale sportive du losange. La marque décidant alors de tout miser, pour le sport automobile, sur les citadines et les compactes.

Philippe ROCHE

Photos Wheelsage

En vidéo https://www.youtube.com/watch?v=EW4Z78a-UFM&ab_channel=PetitesObservationsAutomobiles

Une autre Renault https://www.retropassionautomobiles.fr/2024/02/renault-6-le-losange-oublie/

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