MAZDA RX-7 – L'esprit du rotor (Ep3).

MAZDA RX-7 – L’esprit du rotor (Ep3).

Cette sorte « d’apogée » ou « d’âge d’or » que connaissent alors les constructeurs du pays du Soleil Levant se reflète d’ailleurs, d’une part, dans les nouvelles divisions de prestige lancées à la même époque par Honda (Acura), Toyota (Lexus), Nissan (Infiniti) et Mazda (Xedos) et qui remportent un succès fort enviable sur le marché américain. L’autre facette de cet apogée se reflète dans la panoplie de supercars, tous plus innovants et audacieux les uns que les autres, qui sont dévoilés au public lors de la grande messe de l’industrie automobile japonaise, au Salon de Tokyo, et où leurs ingénieurs et stylistes ont tout le loisir de démontrer toute l’étendue de leur créativité et de leur talent. Une véritable débauche qui laisse le public comme les constructeurs occidentaux littéralement bouche bée. Non seulement le Japon est le pays du Soleil Levant mais il semble bien près de devenir, pour reprendre une célèbre formule couramment utilisée au 19e siècle par les Anglais pour qualifier leur empire colonial, « l’empire sur lequel le soleil ne se couche jamais », tant le pouvoir de conquête économique des Japonais paraît alors presque sans limites.

C’est cette nouvelle « vague jaune », venue du Japon, qui donnera naissance (parmi de nombreux autres modèles emblématiques) à la troisième génération de la Mazda RX-7, qui restera sans doute comme la plus japonaise de la lignée, tant par son esprit que par sa ligne. Si elle reprend une grande partie des caractéristiques esthétiques de son aînée, (capot plongeant, phares rétractables, grande bulle vitrée formant le hayon et les grands feux arrière rectangulaires), en grandissant les angles (au sens propre, elle fait bien plus que remettre le style de sa devancière au goût du jour et a finalement réussi à trouver un style bien à elle, une personnalité bien à elle (un atout essentiel pour une voiture de sport au caractère si singulier et avant-gardiste et qui, de l’avis de la plupart des observateurs, avaient toujours fait défaut aux deux premières générations du modèle). Si les RX-7 « FB » et « FC » pouvaient encore se prévaloir d’être des coupés (plus ou moins) populaires et « familiaux », avec leurs lignes assez consensuelles et leurs quatre places, la RX-7 « FD », elle, rompe délibérément et radicalement avec la personnalité (peut-être, par certains côtés, un peu trop lisse) de ces dernières et s’affiche, sans détour, comme une véritable voiture de sport, non seulement par son physique et par ses performances mais aussi par le fait qu’il s’agit, désormais, d’une stricte deux places.

MAZDA RX-7 – L'esprit du rotor (Ep3).

Outre la puissance respectable et même fort enviable de son birotor, sa fiche technique a de quoi faire saliver plus d’un amateur, avec une suralimentation séquentielle à deux turbos (une petit pour les bas régimes et un plus gros qui entre en action lorsque le conducteur passe à la vitesse supérieure). Les trains roulants, eux aussi, ont bénéficié d’une profonde remise à niveau, la transmission se voyant, quant à elle, équipée du fameux « power plant frame », constitué d’une poutre en aluminium ajouré qui permet de relier le moteur central avant, ultra-compact, avec le différentiel des roues arrière (un système inauguré sur le roadster MX-5). Avec cette RX-7 troisième du nom, Mazda affichait clairement ses ambitions et, à l’instar de ses confrères, entendait montrer que l’automobile japonaise, aussi bien dans le domaine de la voiture de sport comme dans tous les autres segments du marché, avait atteint sa maturité et que les constructeurs américains comme européens devraient désormais, et de manière définitive, compter avec eux. Indéniablement, tant par sa ligne et par ses performances que par sa fiche technique, cette nouvelle RX-7 montre bien qu’elle est ce que l’on appelle, dans le jargon, une « voiture de connaisseurs ». Sur le plan du style comme sur celui de la vitesse, elle n’a, en tout cas, plus grand-chose à envier aux productions de Stuttgart ou de Maranello.

Le fait que tous les modèles présentés dans les catalogues destinés aux marchés occidentaux soient tous revêtus de la même teinte rouge vif (à mi-chemin entre les rouges écarlate et carmin) n’est évidemment pas du tout un hasard et, même pour le lecteur ou l’automobiliste lambda, une signification très claire et toute particulière. Comme une sorte de pique envoyée en direction de la firme au cheval cabré (même si cela vaut aussi pour l’allemande) et un message tout aussi explicite envoyée à la clientèle pressée (et fortunée) à laquelle s’adresse une telle monture. Celui que les conducteurs, comme les constructeurs japonais, n’auront désormais jamais plus peur de se mesurer à leurs rivaux (et rivales) venus de l’occident, que ce soit sur la route, lors des runs improvisés aux feux rouges comme, partout dans le monde, sur les circuits. (C’est d’ailleurs grâce à une Rx-7, profondément modifiée et adaptée pour la circonstance, que Mazda réussira à remporter, en 1991, la course mythique des 24 Heures du Mans. Les ingénieurs d’Hiroshima ayant créé pour elle un trirotor développant plus de 300 chevaux. Une victoire éclatante, qui a dû blesser l’orgueil de plus d’un constructeur occidental et que le constructeur ne se privera évidement pas d’exploiter dans ses publicités, mais qui, étrangement ou ironiquement, aura plus de retentissement (et surtout d’effets sur les ventes) au Japon et aux Etats-Unis (ce qui n’est d’ailleurs pas vraiment étonnant, puisqu’il s’agit des deux principaux marchés de la RX-7) qu’en Europe, où (plus encore que ses devancières), elle ne connaîtra toujours, tant du point de vue de l’image de marque que sur le plan commercial, qu’une carrière des plus  confidentielles et en France sans doute plus qu’ailleurs. Seuls 1 152 exemplaires seront en effet vendus sur le Vieux Continent et, sur ces derniers, il n’y en aura, en tout et pour tout, que… 45 vendus dans l’hexagone.

MAZDA RX-7 – L'esprit du rotor (Ep3).
rrem

Même si les dirigeants de Mazda se doutaient, probablement dès le départ que, au vu des scores assez moyens (pour dire le moins) qu’y avaient réalisé les deux premières générations, cette troisième mouture ne réaliserait sans doute pas chez nous des scores éclatants, on peut aisément imaginer qu’ils espéraient sans doute bien mieux que cela. Outre un marché qui, dans ce domaine, se trouvait alors presque entièrement saturé, l’autre raison principale de l’échec commercial de celle qui sera la dernière génération de la RX-7 réside sans doute, une fois de plus, dans les préjugés « culturels » (pour dire autre chose) et autres clichés qui, au sein de la clientèle des voitures de sport et de prestige plus encore qu’au sein du grand public, demeuraient, manifestement, fort tenaces qui collaient à la peau (ou, plutôt, à la tôle) des voitures japonaises. Il est aussi évident que le fait d’être (depuis plus de douze ans alors) la seule et unique voiture à moteur rotatif produite en série (en tout cas la seule qui soit vendue sur les marchés occidentaux) s’il en constituait toute la singularité et l’attrait auprès des amateurs de mécaniques d’avant-garde, constituait aussi, sans doute, l’un des principaux handicaps aux yeux de la grande majorité des automobilistes, bien conscients, dès le départ, qu’il n’existait, dans tout l’hexagone, aucun réseau digne de ce nom spécialisé dans les moteurs Wankel et qui soit donc capable d’assurer comme il se doit l’entretien et la réparation d’une mécanique aussi pointue et atypique. Sans compter que, comme mentionné aussi plus haut, son prix de vente (qui la plaçait au niveau des plus élitistes des sportives européennes), les chiffres de sa consommation (qui, en mode urbain, dépassait facilement les 20 litres/100 km, soit autant que celle des plus gros 4×4 américains) ainsi, accessoirement, le fait qu’elle n’offre que deux places représentaient autant d’handicaps assez rédhibitoires pour la plupart des acheteurs potentiels. Même sur le marché américain, qui avait pourtant été (avec sa terre natale) le principal marché de la Mazda RX-7 et avait largement plébiscité les deux précédentes générations, étrangement, l’accueil se révélera, cette fois-ci, assez tiède.

Au total et au niveau mondial, il ne sera produit qu’un peu plus de 68 000 exemplaires 568 589, très exactement) de cette troisième et dernière génération de la RX-7. Ce qui, de prime abord, peut apparaître comme un score assez honorable pour une sportive de ce niveau (beaucoup de modèles des firmes de Stuttgart et de Maranello ne pouvant, en effet, se prévaloir de chiffres de vente comparables), dans les faits, et avec le recul, cela reste peu par rapport aux résultats engrangés par ses devancières, qui, réunies, avaient été produites à plus de 843 000 exemplaires. On peut donc bien parler, pour cette troisième et ultime mouture, d’un véritable échec commercial. Ce qui, en tout état de cause, n’enlèvera rien au fait qu’avec plus de 811 000 exemplaires produits en près de vingt-cinq ans, la Mazda RX-7 reste, bel et bien, non seulement la plus célèbre mais aussi la plus produite de toutes les voitures à avoir été équipées du moteur rotatif Wankel. Même si la France n’aura jamais été pour elle un marché prioritaire, elle y sera, en tout cas, toujours négligée ainsi que sous-estimée, puisque moins de 800 exemplaires (toutes générations confondues) y auront été vendus neufs à l’époque.

Il apparaît aussi, assez clairement, que l’évolution, progressive mais bien visible, à chaque génération, du coupé Mazda vers le haut de gamme fut probablement, à certains égards, une erreur de la part des dirigeants du constructeur nippon. Pour donner une idée assez claire de l’évolution de la RX-7 entre la version originelle, présentée en 1978, et la troisième génération des années 90 ainsi que de son image auprès du public (et pour faire un parallèle avec les voitures allemandes), c’est quasiment, comme si, au sein d’une même marque, on était passé de la Ford Capri à la BMW Motorsport ou la Mercedes AMG. Autant dire, tant en ce qui concerne les performances que les tarifs et le positionnement sur le marché, entre la première et la dernière génération, la RX-7 avait fait le grand écart. Face à cette évolution, assez radicale, il n’est guère surprenant qu’une partie du public (et donc de ses acheteurs, à ses débuts) ait été assez dérouté et ait fini par s’en détourner.

MAZDA RX-7 – L'esprit du rotor (Ep3).

Après n’avoir connue en France qu’une carrière aussi confidentielle qu’éphémère (d’avril 1993 au courant de l’année 1996), la RX-7 quittera la scène de l’hexagone, malheureusement pour elle, dans la plus extrême discrétion et presque, même, dans l’indifférence générale. Hormis les (rares) nostalgiques de l’aventure (sans doute trop) éphémère du moteur rotatif ainsi que les amateurs de voitures originales et avant-gardistes, au sein de la clientèle française de la marque comme du public, peu nombreux furent, en effet, ceux qui regrettèrent le départ du marché européen de ce coupé qui, malgré sa ligne et ses performances fort désirables, était toujours demeuré, à cause de sa mécanique si particulière, trop déroutante aux yeux de l’automobiliste lambda. Au même moment où elle disparaît du marché français, la Mazda RX-7 quitte aussi, non seulement, le Vieux Continent mais aussi le reste des marchés occidentaux (les derniers exemplaires exportés aux Etats-Unis étant vendus au début de l’année suivante). Celle qui demeure, à présent, la dernière Mazda à moteur rotatif, ainsi (par là-même) que l’ultime voiture équipée d’une mécanique Wankel produite dans le monde (le constructeur d’Hiroshima étant, il faut le rappeler, le dernier a continué d’utiliser sur ses voitures de sport l’invention de Félix Wankel, la Cosmo, de son côté, ayant vue sa production arrêtée à la même époque) se replie alors sur sa terre natale, le Japon.

N’ayant pas réussie, malgré tous ses atouts, à trouver son public dans les pays occidentaux et à séduire ni les Européens ni les Américains, la RX-7, même si (comme mentionné plus haut) ne parviendra jamais à connaître un succès comparable à celle de ses devancières, rencontrera toutefois (même si ce ne fut probablement pour Mazda qu’une maigre consolation) un accueil ainsi qu’un succès nettement meilleur sur le marché nippon. Les Japonais, contrairement aux acheteurs occidentaux, ayant, eux, manifestement, su réaliser et apprécier à sa juste valeur tout le potentiel et les qualités du moteur imaginé à la fin des années 50 par un ingénieur allemand autodidacte et novateur dont l’ambition était, finalement, de simplifier le fonctionnement de la mécanique automobile. Une ambition, ou un rêve que ni son inventeur ni, après lui, les ingénieurs de Mazda, en dépit de leurs recherches et de leurs efforts menés durant plusieurs décennies, pour tenter d’effacer ses défauts les plus criants (sa durée de vie limitée ou encore sa voracité en carburant) ne sont jamais véritablement ou entièrement parvenus à corriger. Après avoir « disparu de la circulation » sur les routes occidentales au milieu des années 90, la Mazda RX-7 poursuivra et terminera sa carrière, tranquillement et imperturbablement, jusqu’à son retrait total et définitif de scène en juin 2002.

MAZDA RX-7 – L'esprit du rotor (Ep3).

L’échec commercial de cette troisième et dernière génération du coupé RX-7 a prouvé (une fois de plus) aux constructeurs japonais combien il était difficile et aussi risqué (en tout cas, au sein de la « vieille Europe ») de vouloir, obstinément et constamment ainsi que presque à tout prix, l’égal complet de leurs rivaux allemands et italiens et, plus encore, tenter de les détrôner de leur piédestal, où ils étaient pourtant fermement ancrés depuis des décennies et d’où ils dominaient si ostensiblement la scène et le marché des sportives, condamnant presque leurs confrères et concurrents nippons à n’y être que « tolérés » et à rester, presque en permanence, dans leur ombre. Ayant vu, d’abord avec étonnement et incompréhension et ensuite avec aigreur, voire avec une colère à peine dissimulée, ainsi qu’un ressentiment qui ne fit que grandir au fil des temps, au fur et à mesure qu’ils voyaient leurs parts de marché leur filer, tel du sable, entre les doigts et les clients (qui, auparavant, n’auraient sans doute jamais imaginé rouler au volant d’une voiture venue d’Asie) déserter leurs show-rooms au profit de ceux des constructeurs nippons, les grandes marques germaniques et transalpines n’auraient pas, en plus, accepter (sorte de « cerise sur un gâteau » qui, à leurs yeux, était pourtant déjà suffisamment empoisonné comme cela) de voir ses « jaunes » (comme, au début, ils surnommaient couramment les Japonais, avec une pointe de racisme à peine voilée) leur ravir leur clientèle d’élite. Si la « vague » nippone, en dépit de sa puissance et de sa force, ne parvint jamais jusque -à, comme la Mazda RX-7, ainsi que d’autres modèles emblématiques l’ont montré (de manière souvent brillante), ce ne fut, en tout cas, pas faute d’avoir essayé.

Malgré des efforts réels, et même substantiels, pour parvenir à faire jeu égal avec les sportives américaines et surtout européennes les plus renommées, chez nous, la RX-7 dut, malheureusement, toujours se contenter d’un rôle de figuration. Celui d’une douce « curiosité exotique ». Un rôle qui avait, certes, certains côtés assez brillants mais cette étiquette « d’OVNI sur roues » qui lui collera toujours à la tôle, quasiment dès son lancement, l’empêchera toujours de trouver, sur le marché européen, la place qu’elle aurait pourtant méritée. Aurait-elle connue, chez nous, un meilleur destin si Mazda avait revu ses ambitions « à la baisse » et s’était contentée de l’équiper d’une mécanique « classique », comme les autres modèles qu’elle proposait à son catalogue ? Pas sûr. Si les acheteurs, en France comme dans le reste de l’Europe, (pour qui le rotatif ne représentait, chez la plupart d’entre-eux, qu’un gouffre à carburant impossible à faire entretenir) lui aurait sans doute réservé un meilleur accueil, elle n’en aurait, probablement, pas été, pour autant, un best-seller dans sa catégorie. Le succès assez mitigé (pour dire le moins) qui fut réservé dans l’hexagone aux Nissan 200 SX et 300 ZX, à la Honda Prelude, à la Toyota Supra ou aux Mitsubishi Eclipse et 3000 GT, ayant bien démontré, une fois de plus, que, lorsqu’il s’agit de jouer la carte de la performance et du prestige, les acheteurs vont toujours (et parfois même, pour certains d’entre-eux, uniquement) voir du côté des marques européennes, les nippones étant, décidément (définitivement?) trop « plébéiennes » à leur goût.

MAZDA RX-7 – L'esprit du rotor (Ep3).

Ces « gaijins » de la « Vieille Europe », se montrant résolument réfractaire à un moteur qui, à son lancement, sur les premières NSU, était pourtant considéré comme révolutionnaire et qui fut inventé par un des leurs, n’empêchera pourtant pas, en 2003, le constructeur d’Hiroshima de remettre le couvert avec un nouveau coupé de sport accueillant sous son capot un moteur Wankel. Baptisée (en toute logique) RX-8, cette Mazda reste, aujourd’hui encore, la dernière représentante des voitures à moteur rotatif. Depuis sa fin de production, en 2012, Mazda annonce régulièrement l’un ou l’autre projet d’un nouveau coupé à moteur rotatif, qui, toutefois, aujourd’hui encore, se fait toujours attendre.

Thomas URBAN

Photos WIKIMEDIA

Les autres épisodes https://www.retropassionautomobiles.fr/2023/10/mazda-rx-7-lesprit-du-rotor-ep2/

En vidéo https://www.youtube.com/watch?v=EZ28f-_FDyU&ab_channel=BenAutos

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici