Musée de l'ingénierie automobile d’Ekaterinburg, le n°1

Musée de l’ingénierie automobile d’Ekaterinburg, le n°1

Jamais on n’aurait pensé voir un tel endroit en Russie, et encore moins à Ekaterinburg. Pourtant, à l’intérieur d’un immeuble de 4 étages flambant neuf, entouré de véhicules militaires, se cachent 130 ans d’histoire de l’automobile Russe, et certainement un des plus beaux musées auto au monde.

“La plus grande collection de véhicules de Russie”

Un endroit tout nouveau

Après avoir pénétré à l’intérieur, on se rend compte que tout ici est neuf, avec certains halls encore en cours de finition. Ce musée reprend la collection du musée de l’équipement militaire, transportée dans ce nouveau lieu. Le Musée de l’ingénierie automobile UMMC “XX Century Auto” est la plus grande collection de voitures, motos ou vélos de toute la Russie. Installé depuis 2016 dans un endroit temporaire, le musée a inauguré ses nouveaux locaux le 8 mai 2018.

Ce sont plus de 160 voitures et au moins autant de motos et de vélos qui sont présentés ici.

Les pionniers

Le premier étage est dédié aux voitures de la fin du XIXe et début du XXe siècle. C’est une réplique de la toute première voiture créée par Karl Benz qui accueille les visiteurs.

Le luxe n’était pas oublié à cette époque où seuls les nantis pouvaient accéder à la locomotion. Les visiteurs peuvent voir les véritables chefs-d’œuvre de l’industrie automobile mondiale. Parmi ceux-ci la Rolls-Royce « Silver Ghost » 40/50 HP, un modèle qui jette les bases de la légendaire marque Britannique.

Plus près d’ici, on apprend que l’empereur Nicolas II aimait rouler en Delaunay-Belleville. La production Russe est moins représentée à cet étage, les pionniers étant plutôt européens ou américains. Le Musée leur rend hommage, avec une belle brochette de Cadillac V12, Packard, Pierce-Arrow, Auburn, etc.

L’URSS, un immense continent à l’histoire automobile riche

Les second et troisième étage du musée sont consacrés à l’histoire de l’industrie automobile nationale. Les premières voitures sortent de l’usine automobile de Gorky au début des années 1930. L’exposition regorge également de modèles réduits ou de prototypes expérimentaux.

A la fin de la seconde guerre mondiale, il devient urgent de proposer des engins abordables et faciles à fabriquer.  Le musée de l’ingénierie nous replonge dans cette époque avec les cyclecars SMZ-S12 à 3 roues, puis les premiers quadricycles SMZ-53A, tous les deux fabriqués par l’usine motocycliste de Serpukhov. Une première incursion dans l’automobile populaire, encore loin de la production de masse. Avec une vitesse maxi de 55 km/h et leur gabarit, on pourrait les comparer aux premières voitures sans permis.

Au détour d’une allée au décor léché et à la mise en scène soignée, nous tombons nez à nez avec un de nos coups de cœur du musée. Phénomène rare de l’industrie automobile Soviétique, la “Start” n’est construite ni par GAZ, ni par Avtovaz, ni par aucun grand groupe industriel de l’ex-URSS. On doit ce mini van au design attachant, à un petit garage situé à Severodonetsk, la SARB. Basé sur un châssis de GAZ 21, cet imposant van de 5.53 m de long vous emmènera à 110 km/h de Paris à Vladivostok. Un engin délicieusement hippie, contrairement au GAZ 69 qui, loin de l’année érotique était surtout vendu à l’armée. On apprend d’ailleurs que celui-ci était exporté dans 56 pays et même construit sous licence dans les pays amis de Corée du Nord et de Roumanie.

“Un engin délicieusement hippie capable de transporter une famille de Saint-Pétersbourg à Vladivostok à 110 km/h”

Musée de l’ingénierie automobile d’Ekaterinburg, le n°1

Les voitures des élites du parti

Une belle place est réservée aux “voitures de grande classe”. Toutes les voitures utilisées par les dirigeants de l’URSS des années 1930 au début des années 1990 sont présentées. Les véhicules blindés, mais également les motos d’escorte du gouvernement. Cette collection est sans équivalent, avec des pièces inestimables car souvent uniques. Au choix l’unique “Phaeton” ZIS-110P, fabriquée en un seul exemplaire en 1956 pour Khrouchtchev. Un modèle qui ouvrira la voie aux véhicules spéciaux destinés aux dirigeants.

C’est un pan entier de l’histoire de l’URSS que l’on traverse, au milieu de ces grosses berlines noires aux épaisses banquettes. Armée d’un moteur V8, la GAZ-13 Chaika et ses 5.60 m de long reprend les codes des berlines américaines et passerait inaperçue dans un Drive In américain. La ZIL-111G nous rappelle que c’est à cette époque que le fossé entre production US et Russe s’est creusé. Quand les constructeurs américains proposaient de nouvelles versions à chaque millésime, changeant les modèles souvent tous les 3 ou 4 ans, les productions russes étaient soumises à l’aval du Parti Communiste. Si les idées ne manquaient pas, elle ne dépassait pas toujours le stade de la maquette faute de volonté politique et de budget. Chaque constructeur de l’ex URSS se voyait confier un créneau bien défini, et devait s’en tenir au plan du parti.

Une ambition mondiale

Une interminable lignée de Moskvitch aux couleurs pastel nous fait changer d’époque. Des années 70 à la fin des années 90, la production Russe est répartie entre entreprises d’état.  Le géant Avtovaz, qui produit la Lada à Togliatti, Moskvitch, le constructeur de Moscou, ou encore GAZ, mère de la cossue Volga. L’ambition de rivaliser avec les productions européennes est bien présente dans les allées, avec des modèles bien connus chez nous. La “VAZ Sputnik 2109”, plus connue en France sous le nom de Lada Samara représentait un énorme bond en avant en 1984. Avec sa traction, ses lignes modernes, et sa conception réalisée chez Porsche, elle impose de nouveaux standards à une industrie automobile Russe sclérosée par l’administration et le manque cruel de moyens.

La star mondiale Niva n’est pas en reste, elle qui inventera le 4×4 de loisir abordable, tout comme la première Lada, inspirée de la FIAT 124, érigée au rang de voiture nationale. 

Chute de l’URSS, le tournant

 Une Moskvitch version Export est fièrement exposée sur un podium estampillé “Avtoexport”. C’est le nom de l’organisme d’état basé à Moscou, responsable des exportations à travers le monde. Le catalogue “Avtoexport” comprenait évidemment des voitures, mais aussi des motos, des vélos, engins de chantier, autobus ou encore machines à coudre !

Jusqu’au début des années 90, Avtoexport éditait même une revue du même nom. Une merveille de propagande Communiste avec de magnifiques illustrations et publicités vantant les produits de la grande Russie, traduite en Anglais, Allemand, ou encore Français. C’était la revue posée sur la table basse des concessionnaires Lada du réseau Poch.

Le musée revient également sur la fin de l’URSS, rimant avec la chute brutale de plusieurs monuments automobiles nationaux. Les dernières Moskvitch de l’allée seront les tristes témoins d’une entreprise à bout de souffle s’accrochant à son passé, sans avoir les moyens de regarder l’avenir. L’Aleko, un temps vendue chez nous devient 2142 “Ivan Kalita” et “Kniaz Vladimir », grimée d’une énorme calandre et d’un style baroque, comme un ultime sursaut d’une marque empêtrée dans la corruption et le désespoir.

La Tavria Ukrainienne, s’accrochera pendant de nombreuses années avant de lâcher prise sans être jamais vraiment remplacée.

“Avtoexport éditait une revue, merveille de propagande Communiste”

Une richesse incroyable

Même en étant un peu au fait de l’histoire automobile russe, difficile d’imaginer une telle diversité. Les véhicules utilitaires sont autant de bonbons pastel aux formes souriantes, loin de l’image des berlines soviétiques sombres. L’intelligence d’une Tatra, la compacité d’un petit 4×4 Luaz ou le luxe rassurant d’une Volga vous feront changer d’avis sur une nation automobile souvent mal perçue chez nous.

Un des plus beaux musées qu’on ai eu le plaisir de visiter. Et ce n’est pas fini. En ressortant, on aperçoit un chantier géant, avec deux bâtiments en train de sortir de terre. Le Musée sera bientôt 3 fois plus grand. Il va falloir revenir… Merci à Roland Crouzet

Texte Nicolas Laperruque https://www.road-story.com/

D’autres musées https://www.retropassionautomobiles.fr/2020/04/musee-porsche-stuttgart/

Retrouvez Roland et Xavier Crouzet sur Mobil Classic https://www.classic-mobil.fr/

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