MAZDA RX-7 – L’esprit du rotor (Ep2).

Dès le début de sa carrière, la RX-7 sera engagée en compétition et des deux côtés du Pacifique (aussi bien au Japon qu’aux Etats-Unis) et y engrangera un très beau palmarès (notamment aux USA, dans le championnat IMSA). Des victoires dont la notoriété restera toutefois cantonnée à l’Amérique et à l’Extrême-Orient. Au printemps 1984, de nouvelles retouches esthétiques apparaissent : de nouvelles ouïes de refroidissement pour les freins sur le pare-chocs avant, de nouvelles jantes de 14 pouces qui abandonnent (malheureusement peut-être) les motifs en forme de rotor pour un dessin sans doute jugé plus consensuel un nouveau guidage plus perfectionné de l’essieu arrière rigide ainsi qu’un tableau de bord à nouveau légèrement retouché. Si les catalogues insistent à nouveau sur la ligne « racée » et le caractère sportif de la voiture, ainsi que la parfaite répartition des masses (garant d’une très bonne tenue de route), en ce qui concerne le chapitre touchant à la mécanique, assez « curieusement », non seulement le nom du moteur Wankel n’est quasiment, jamais mentionné dans les brochures (en tout cas celles destinées au marché français). Probablement parce que l’importateur Mazda dans l’hexagone avait sans doute conscience (ou, en tout cas, avait la conviction) que, en ce milieu des années 80, où le souvenir des crises pétrolières de la décennie précédente était encore bien présent dans les mémoires, plus que son avant-gardisme, ou, en tout cas, son caractère atypique, sur le plan technique, l’image que la plupart des gens avaient avant tout retenue du Wankel était celle d’un moteur qui se montrait particulièrement vorace en carburant. Ce qui explique, assez logiquement, que le service marketing de chez Mazda France ait, là aussi, préféré faire l’impasse sur cette question qui, ils le savaient, ne manquerait pas de fâcher plus d’un client potentiel.

Aux Etats-Unis, qui, comme mentionné précédemment, était, avec le Japon, son principal marché, ce défaut était beaucoup moins rédhibitoire, le prix du litre d’essence (même s’il avait connu une augmentation assez significative avec le choc pétrolier) y restant nettement meilleur marché qu’en Europe. Malgré un prix de vente assez compétitif, la Mazda RX-7 n’a jamais vraiment joué dans la même cour que la Renault Fuego ou la Ford Capri, sa mécanique atypique ne pouvant guère séduire qu’une clientèle assez « élitiste », qui, d’ordinaire, roulait plutôt en Mercedes, Porsche ou Jaguar. Ce qui n’empêche pourtant pas la marque (sans doute afin de gommer, en partie, cette image trop élitiste et aussi, peut-être, d’élargir son offre pour tenter une clientèle plus « populaire ») de proposer, là aussi au printemps 1984, une version d’entrée de gamme baptisée DX (qui correspond, en réalité, à l’ancien modèle) et une version plus cossue baptisée SDX (incluant les sièges en cuir, la climatisation, le toit ouvrant, etc).

Après sept ans de carrière et moins de 550 exemplaires seulement vendus en France (543, très exactement), sa remplaçante, la seconde génération de la RX-7, arrive dans l’hexagone en mars 1986 (après avoir été dévoilée au Salon de Tokyo l’année précédente). Esthétiquement parlant, en tout cas, cette RX-7 deuxième du nom (nom de code en interne : FC) n’est toutefois en rien une révolution. Avec elle, au contraire, Mazda a fait, semble-t-il, le choix de la prudence en jouant la carte de la continuité. Sans aller jusqu’à dire que l’on pourrait presque les confondre (même si cela serait probablement le cas pour un oeil non exercé), la ressemblance entre la nouvelle RX-7 et la précédente génération est aussi évidente qu’indéniable. L’orientation prise par Mazda dans ce domaine étant similaire à celle opérée par Porsche en remplaçant la 924 par la 944 : celui du changement dans la continuité. Par rapport à ses devancières, elle présente ainsi, simplement, des lignes légèrement plus massives, notamment au niveau de la face avant et des flancs (qui, maintenant, ne sont plus lisses mais présentent un profil en trois parties, avec des nervures parcourant le haut et le bas de caisse de la voiture sur toute sa longueur), des montants de pare-brise plus épais et peints de la couleur de la carrosserie ainsi qu’un pare-chocs arrière redessiné et moins proéminent. Bien qu’elle ne soit donc, sur ce plan, guère plus qu’une simple RX-7 FB modernisée, elle affiche une ligne parfaitement dans le vent, taillée et bien apte à séduire son coeur de cible, qui reste, encore et toujours, la clientèle américaine. Les capots plongeants et les phares rétractables étant alors d’ailleurs très à la mode, notamment sur certains des modèles les plus emblématiques de la production américaine de l’époque, comme la Corvette et la Firebird, dont on peut penser que les designers de Mazda se sont, peu ou prou, inspirés pour créer les lignes de cette nouvelle RX-7, même si on peut aussi y trouver un air de ressemblance (comme dit plus haut) avec les Porsche 924 et 944. Si l’on a déjà vu bien pire comme sources d’inspiration, c’est probablement là que (outre la gourmandise et les difficultés d’entretien du moteur rotatif) réside le principal point faible de cette RX-7 « Mk 2 » : si son style a sans doute tout pour plaire à une grande partie de la clientèle visée, avec des lignes à la fois sobres et agressives, qui lui donnent un petit air de « vaisseau spatial », ou, en tout cas, d’un avion de chasse sans les ailes, elle manque pourtant d’une personnalité propre, surtout aux yeux de la clientèle européenne.

Au milieu des années 80, même si la « conquête » japonaise des marchés occidentaux est déjà bien avancée, les Japonais (dans l’automobile comme dans beaucoup d’autres domaines) sont encore considérés par certains (notamment au sein de la clientèle haut de gamme) comme de vulgaires copieurs, ne sachant souvent que « voler » les idées et les inventions (techniques et esthétiques) de leurs confrères occidentaux. Sans doute y avait-il là une certaine forme de préjugés racistes de la part de certains acheteurs (européens comme américains) mais toujours est-il que même les spécialistes de la presse automobile s’accordent à dire qu’avec une carrosserie au style plus personnel (plus « japonais » en somme), elle y gagnerait sans doute une réputation mieux établie ainsi qu’un succès commercial plus large sur le marché européen. Un constat, ou un jugement, qui apparaît, non seulement, assez réaliste mais aussi d’autant plus regrettable qu’avec sa fiche technique et ses performances, elle n’a rien à envier aux meilleures références de sa catégorie.

Sur le plan technique, justement, le moteur à carburateurs (type 12A) qui équipait la précédente génération cède ici sa place à nouveau birotor de plus grosse cylindrée (2 x 654 cc), équipé ici d’un nouveau système d’alimentation à injection électronique, ainsi que d’un circuit d’admission d’air entièrement redessiné. Avec une puissance nette de 150 chevaux, la RX-7 abandonne alors son étiquette de « coupé populaire » (même si le caractère particulier de sa mécanique lui conférait aussi un caractère assez exotique) pour, maintenant, acquérir, progressivement, mais de manière assez visible, celui d’un coupé de sport haut de gamme. Après s’être inspiré, de manière à peine voilée, des voitures de sport européennes (à l’image des Porsche 924 et 944) pour ses lignes, avec son nouveau moteur birotor, elle s’en donne également les performances (les 105 ou 115 ch de la première génération s’étant toujours montré un peu « justes » pour que la Mazda puisse réellement se mesurer avec les références de sa catégorie). Pour accompagner cette montée en puissance et offrir à cette seconde génération une tenue de route à la hauteur de ses performances, celle-ci reçoit également un essieu arrière à roues indépendantes et braquage passif, une direction à assistance variable savante ainsi que des amortisseurs pilotés. Une sérieuse remise à niveau technique que ne manquent d’ailleurs pas de détailler, avec de nombreux schémas et détails, les catalogues d’époque. Dans un segment où la concurrence était aussi nombreuse que féroce et aussi face aux préjugés (encore tenaces à l’époque) à l’encontre des voitures japonaises, une telle argumentation n’était pas inutile et même bien nécessaire pour faire vendre.

Etant donné le statut auquel aspire la nouvelle RX-7, ainsi que la clientèle visée, les brochures mettent évidement en avant la version haut de gamme GLX, qui bénéficie d’une présentation plus « affriolante » que la LX d’entrée de gamme (qui, à titre d’exemple, ne reçoit même pas d’enjoliveurs en série et doit se contenter de simples jantes en tôle), qui ne connaîtra d’ailleurs qu’une diffusion assez confidentielle. La marque a beau usée d’un argumentaire assez étudié dans ses catalogues, parlant ainsi de « l’inoubliable et rare sensation de faire corps avec une voiture » et d’un habitacle aux « harmonies subtiles », tout comme sa devancière, sur le marché européen, la RX-7 devra, malheureusement pour elle, toujours se contenter d’un simple rôle de figuration et ne parviendra jamais à ravir, un tant soit peu, la vedette aux constructeurs allemands et italiens, comme Alfa Romeo et BMW. De l’autre côté de l’Atlantique, en revanche, elle y rencontre un succès assez enviable, le marché américain absorbant, à lui seul, les trois quarts de la production. Au pays du Soleil Levant, où elle connaît aussi une belle carrière, elle bénéficie d’ailleurs d’un régime fiscal assez favorable, étant classée dans la même catégorie des voitures de moins de deux litres (ce qui est d’ailleurs juste, puisque, si l’on s’en tient aux données de sa fiche technique, les deux rotors de sa mécanique n’affichent, réunis, qu’une cylindrée d’un peu plus de 1,3 l). Bien souvent avec les constructeurs japonais, ces derniers réservent souvent les motorisations les plus puissantes montées sur leurs modèles au marché, ainsi (bien entendu) qu’à leur propre marché. Ce fut aussi le cas, au début de sa carrière, avec la RX-7 « FC », qui, là-bas, était également disponible avec un turbo, qui, avec une turbine à double entrée, porte la puissance du birotor à 200 chevaux. Une version qui fait finalement son entrée sur le marché français à l’été 1989, en même temps qu’une élégante version cabriolet.

C’est aussi à ce moment-là que (suivant une habitude alors bien ancrée chez les constructeurs nippons, qui était d’offrir un (léger) lifting à leurs modèles en milieu de carrière) la RX-7 est légèrement redessinée. Les modèles produits à partir de cette époque se distinguant par la disparition des bandeaux en plastique noir disposés auparavant sur les pare-chocs et sur les flancs, nouveau dessin des jantes, feux arrière, volant et aérateurs du tableau de bord retouchés, ainsi qu’une large prise d’air à l’avant, destiné, à la fois, à offrir un refroidissement optimal au moteur rotatif (qui a vu sa puissance quasiment doublée par rapport à la version originelle de 1978) et aussi (et surtout) afin de conférer à la ligne un supplément d’agressivité à la ligne et de rappeler (à son propriétaire comme aux autres conducteurs) qu’il s’agit bien là d’une véritable voiture de sport qui n’a rien (ou, en tout cas, pas grand-chose) à envier à ses rivales européennes ou américaines.

Malheureusement pour les responsables de Mazda France, malgré des catalogues qui ont enfin choisi d’abandonner les prises de vues, ternes et froides, effectuées en studios, présentant les voitures sur un fond noir assez ténébreux, avec (sur certaines d’entre-elles) un effet « miroir » au sol, au profit de photos prises en milieu urbain ou sur des routes de campagne (sans doute sur la côte Sud-Ouest américaine), dans des ambiances de soleil levant (normal, probablement, s’agissant d’une voiture japonaise) ou couchant, accompagné de slogans accrocheurs : « Pour décrire un certain style, une certaine audace, un sens de la perfection », manifestement, cela n’aura pas suffi à convaincre la clientèle française de se laisser séduire par les charmes (sans doute un peu trop « exotiques » à leur goût) de la RX-7. Lorsqu’elle quitte l’hexagone, en février 1992, la « FC » ne sera parvenue à séduire, en tout, qu’un peu plus de 200 amateurs, alors que sa devancière, la « FB », de son côté, était largement parvenue à franchir la barre des 500 exemplaires.

Au début des années 90, la conquête des marchés occidentaux, entamée par les constructeurs japonais au début des années 70, si elle n’est pas, à présent, entièrement achevée, est, en tout cas, une réalité que, désormais, les constructeurs occidentaux (que ce soit en Europe ou aux Etats-Unis) ne peuvent plus nier. Après avoir accueilli leur arrivée sur les marchés de l’Ancien et du Nouveau Continent sous les éclats de rire et les quolibets, ceux-ci ont bientôt fait place à l’incrédulité et à l’incompréhension lorsqu’ils ont vu, peu à peu et ensuite de manière de plus en plus importante et inquiétante pour eux, la clientèle leur filer entre les doigts comme du sable et affluer presque par masses entières au sein des show-rooms des constructeurs nippons. Depuis les petites citadines jusqu’aux tout-terrains, en passant par les compactes et les berlines familiales, au sein du marché européen, presque tous les segments du marché automobile sont tombés entre leurs mains. Ou, à tout le moins, Nissan, Toyota, Mitsubishi, Honda et Mazda en sont devenus des acteurs incontournables, avec lesquelles les marques européennes et américaines sont bien obligées de tenir compte. Une concurrence qui, outre-Atlantique, est à ce point devenue importante que les grands constructeurs de Detroit, comprenant (ou étant, en tout cas, convaincus) que la lutte contre ces « envahisseurs » venus d’Asie était sans doute vaine, ont décidé de conclure des partenariats commerciaux avec ces derniers (tels Ford avec Maeda ou Mitsubishi avec Chrysler). En Europe, les firmes nippones sauront également profiter de l’affaiblissement ou de la déliquescence de l’industrie automobile nationale dans certains pays pour mieux récupérer ainsi les parts de marché laisser vacant par la disparition d’un grand nombre de constructeurs, comme au Royaume-Uni, avec le naufrage des groupes Rootes et British Leyland. (On verra ainsi, dans les années 80, les nouvelles Rover emprunter la base technique, ainsi qu’un grand nombre d’éléments de carrosseries des Honda). Les seules catégories au sein desquelles (en Europe, tout au moins) les marques japonaises peinent encore à s’imposer étant celles des berlines de prestige et des voitures sportives.

C’est pourtant bien avec ces dernières que les constructeurs venus du pays du Soleil Levant se sont fait connaître, dans les années 60, auprès du public et de la presse automobile occidentale et ont aussi acquis une partie de leurs lettres de noblesse auprès d’un public de connaisseurs. Malgré des fiches techniques qui, dans la plupart des cas, soutenaient sans peine la comparaison avec les plus prestigieuses sportives européennes (et parfois même de tenir la dragée haute à ces dernières), ce n’était, toutefois, manifestement, pas suffisant pour convaincre une clientèle dont les exigences étaient à la mesure de la taille de leur chéquier, de laisser tomber leurs Jaguar, leurs Porsche ou leurs Ferrari au profit d’une Nissan 330 ZX, d’une Honda NSX, d’une Toyota Supra ou encore d’une Mazda RX-7. Même si (en tout cas vu avec le regard d’aujourd’hui), cela peut apparaître absurde, la raison principale de ce dédain manifesté par une grande partie de la clientèle visée dans les pays d’Europe reste sans doute cette absence d’une noble ascendance dont peuvent s’enorgueillir leurs rivales de Stuttgart, Browns Lane et Maranello. Sur les marchés occidentaux, il n’y a guère qu’aux Etats-Unis que les voitures de sport japonaises (populaires ou plus élitistes) connaîtront un véritable succès.

En ce qui concerne la Mazda RX-7, outre son appétit en carburant, le fait d’être (à l’exception de la Cosmo) la seule voiture à moteur rotatif alors produite en série dans le monde ne valorise pas toujours nécessairement son image sur le marché européen. En France, au sein même du réseau Mazda, elle a d’ailleurs toujours (dès le lancement de la première génération, en 1978) fait figure « d’OVNI », la plupart des concessionnaires français n’ayant, en outre, ni l’équipement adéquat ni le personnel qualifié pour assurer l’entretien d’une telle monture dotée d’une mécanique aussi pointue, étant plus habituée à réparer de modestes et « plébéiennes » berlines 323 et 626 qu’une voiture de sport à la mécanique aussi avant-gardiste. On imagine ainsi sans mal le désarroi du propriétaire d’une RX-7 si, par malchance (pour ne pas dire par malheur) le moteur Wankel de sa voiture tombait en rade sur une route de campagne au fin fond de la Lozère. Autant de difficultés concernant l’entretien et le service après-vente de la voiture (sans même parler des pièces de rechange, souvent hors de prix, qu’il fallait faire venir directement du Japon, avec les délais d’attente souvent extrêmement longs que cela supposait) qui avaient de quoi faire hésiter et même renoncer la plupart des candidats acheteurs. Tout comme le prix de vente auquel était affichée cette sportive si atypique.

MAZDA RX-7 – L'esprit du rotor (Ep2).
rrem

Au fil des années et de ses évolutions, le coupé Mazda, s’il voit la puissance de son birotor augmentée de manière significative, et même de plus en plus importante, au fil du temps, voit aussi la courbe de ses prix augmentée parallèlement à celle de ses performances. Si, avec les 240 chevaux que développe le birotor abrité sous son capot, la nouvelle et troisième RX-7 peut sans doute légitimement revendiquer les 390 000 francs demandés par son constructeur pour avoir le privilège de s’installer à son volant, un tel tarif (près de deux fois et demie celui de la première génération), la place au-dessus d’une Porsche 968. Or, déjà qu’à al fin des années 70 et au début des années 80, à l’époque où la RX-7 pouvait encore revendiquer un caractère et un tarif plus ou moins) « populaire », ce n’est plus du tout le cas ici. Après une bataille longue et parfois épique pour parvenir à conquérir, ou, en tout cas, à s’implanter réellement et de manière admirable sur les marchés occidentaux (en particulier sur le continent européen) et à y être considéré par le public avec autant de sérieux que les constructeurs français, allemands, italiens ou autres, les marques japonaises peuvent en grande partie, à juste titre, considérer qu’elles ont atteint leurs objectifs. Pour leurs concurrents de l’Ancien et du Nouveau Continent, la menace du « péril jaune » semble ne jamais avoir été aussi grande et réelle.

Maxime Dubreuil

Photos WIKIMEDIA

L’épisode 1 https://www.retropassionautomobiles.fr/2023/10/mazda-rx-7-lesprit-du-rotor/

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici