LASALLE - Cadillac « low-cost ».
LASALLE TYPE 40 CONVERTIBLE COUPE 1940

LASALLE – Cadillac « low-cost ».

A l’image du chevalier Antoine de la Mothe Cadillac, un explorateur français qui, au début du XVIIIème siècle, découvrit le site sur lequel sera bâti plus tard la ville de Detroit, et qui, en 1903, donnera son nom à l’un des plus célèbres constructeurs automobiles américains, c’est un autre explorateur français, René Robert Cavelier de La Salle qui léguera, lui aussi, (involontairement) son patronyme à la marque créée par la direction de Cadillac (qui est alors déjà devenue la division de prestige de General Motors).

La marque LaSalle voit le jour en 1927, même si sa genèse remonte à trois ans auparavant (en 1924), lorsque Lawrence Fisher devient le nouveau président de Cadillac. (Un poste qu’il occupera pendant dix ans, jusqu’en 1934). L’une de ses premières décisions est de mettre en place un vaste programme d’expansion visant à augmenter fortement les capacités de production ainsi que les ventes de la marque sur le marché des voitures haut de gamme, où, à cette époque, Cadillac est encore largement distancé par un certain nombre de ses concurrents, à l’image plus prestigieuse, comme Packard ou Pierce-Arrow. De son côté, Alfred Sloan, le président de General Motors estime alors qu’il est nécessaire de créer une nouvelle marque qui doit venir s’intercaler entre Buick et Cadillac, pour venir combler un « vide » ou un fossé qui existe alors entre les modèles de ces deux marques au niveau des tarifs et, ainsi, épauler la première citée sur le marché des voitures de gamme « intermédiaire ».

C’est à cette même époque qu’un jeune styliste (même si ce terme n’était pas encore entré dans le langage courant et que l’on employait plus volontiers, à la place, celui de dessinateur), Harley Earl, employé auparavant par le carrossier Don Lee en Californie, est engagé par General Motors et intègre alors le bureau d’études du groupe. La création des lignes des modèles de la marque LaSalle sera d’ailleurs le premier projet d’envergure sur lequel travaillera Earl pour son nouvel employeur. Bien qu’étant rattachée (de manière indirecte et non officielle) à Cadillac (les voitures des deux marques sont d’ailleurs vendues par les mêmes concessionnaires), la marque laSalle va toutefois jouir (en tout cas à ses débuts) d’un statut assez « privilégié » et indépendant des autres divisions du groupe GM (y compris Cadillac). Si les modèles dessinées par Harley Earl, pour Cadillac comme pour LaSalle, à la fin des années 1920 et au début des années 1930, sont aujourd’hui considéré comme des classiques de l’automobile américain de cette période, comme Earl le reconnaissait lui-même, à l’époque déjà, il avait été fortement influencé par les travaux des carrossiers français sur les châssis des grandes marques de prestige, en particulier le constructeur Hispano-Suiza.

La direction de General Motors est évidemment convaincue que la nouvelle marque LaSalle ne manquera pas de connaître, dès le départ, un très grand succès. De plus, étant donné que le marché automobile est alors en pleine expansion, ainsi que les moyens que les moyens dont disposent le groupe. Sloan et Fisher voient évidemment les choses en grand et organisent donc une immense réception pour célébrer comme il se doit, en mars 1927, la naissance de la marque LaSalle.

LASALLE - Cadillac « low-cost ».
LASALLE TYPE 345-C CONVERTIBLE COUPE 1933

Les voitures LaSalle se présentent, dès le début, comme des versions simplifiées des modèles de la gamme Cadillac et elles sont d’ailleurs bien perçues et considérées comme telles par la clientèle. Elles sont, en effet, construite sur les mêmes chaînes de production que les Cadillac et utilisent aussi un grand nombre de pièces en commun avec ces dernières. Si les LaSalle permettent aux acheteurs de pouvoir, grâce à elles, rouler dans une voiture qui soit en grande partie une Cadillac sans avoir les moyens de s’acheter une vraie Cadillac, cette image de Cadillac « low-cost », ou de « Cadillac du pauvre », si elle fera un temps son succès sera aussi, par la suite, la cause principale de son déclin.

Si les premières années sont encourageantes et même prometteuses pour LaSalle, avec 12 000 voitures produites pour sa première année de production et allant jusqu’à 23 000 voitures au terme de l’année-modèle 1929, la crise économique qui éclate à la fin de cette année-là va venir briser cet élan et même le faire voler complètement en éclats. Comme pour tous les constructeurs, les effets du krach de Wall Street ne vont pas tarder à se faire durement sentir pour LaSalle qui, en un an à peine, voit ses ventes s’effondrer de plus de moitié avec à peine plus de 10 000 voitures produites durant le millésime 1930. Si celles-ci se maintiennent à peu près au même niveau pour l’année-modèle 1931, la chute qui va suivre, avec seulement 3 200 voitures construites, en tout et pour tout, durant le millésime 1932, et à peine plus 53 380) pour l’année-modèle 1933.

A partir de 1934, sans doute, à la fois, grâce à des carrosseries aux lignes entièrement renouvelées et surtout au spectre de la crise économique qui commencent à s’éloigner, les ventes remontent alors progressivement. Alors qu’elles avaient atteint leur niveau le plus bas en 1932, elles vont plus que doubler durant le millésime 1934, avec un total de 7 218 voitures vendues à la clôture de l’année-modèle. Une progression qui se poursuit l’année suivante, avec plus de 8 650 exemplaires produits. L’année-modèle 1936 va même voir à nouveau, pour la première fois depuis cinq ans, les ventes de LaSalle passer à nouveau la barre symbolique des 10 000 voitures.

Au vu de ces chiffres, les responsables de Cadillac et les dirigeants de General Motors seraient donc en droit de se montrer à nouveau sereins, ou, en tout cas, optimistes pour l’avenir de la marque. Si les ventes des LaSalle sont alors à peu près égale à celles des Cadillac (qui produit, cette année-là, elle aussi, près de 13 000 voitures), il faut rappeler que, sur le plan commercial, ainsi que celui du positionnement tarifaire, elle se situe au même niveau que les Buick. Or, à la fin de l’année-modèle 1936 (et pour prendre un exemple à peu près comparable, du point de vue des chiffres de production, avec les LaSalle), celle-ci a produit un peu plus de 16 000 exemplaires de la Série Eighty à moteur huit cylindres. Sans même parler des ventes totales de la marque, qui, tous modèles confondus, dépassent les 179 000 exemplaires. Ce qui place d’ailleurs celle-ci à la troisième place des ventes au sein des divisions de la GM, la marque LaSalle, quant à elle, finissant à l’avant dernière place juste avant Cadillac.

Au sein du groupe, LaSalle a d’ailleurs perdue, entretemps, le statut « à part » dont elle jouissait à ses débuts au sein de General Motors et va même rapidement se voir affligé de l’étiquette ou du rôle de « vilain petit canard » ou de « mouton noir » du groupe. Comme les acheteurs et la presse automobile avaient fini par le réaliser, les modèles LaSalle n’étaient finalement que des « patchworks » assemblés avec des pièces provenant des autres marques de la GM (notamment le huit cylindres en ligne qui équipe les Oldsmobile). Les clients qui souhaitent de s’offrir une « vraie » voiture de luxe se tournent, assez naturellement, vers Cadillac, qui peut, elle, se prévaloir d’une image nettement plus prestigieuse et d’une réputation solidement établie, tout comme Buick. Même les Oldsmobile et les Pontiac, qui sont pourtant des voitures de gamme « intermédiaire » et qui sont donc situées en-dessous des LaSalle au niveau des tarifs, peuvent se targuer d’une meilleure image auprès du public. Sans même parler de la concurrence qui, elle aussi, a fourbie ses armes et proposent à présent un grand nombre de modèles qui se situent dans la même gamme de prix que les LaSalle, tout en bénéficiant d’une meilleure image de marque. Parmi ces dernières figurent notamment les Packard Junior (La Série One Twenty-Eight présentée en 1935 ainsi que la 115-C Six commercialisée en 1937 (qui ont permis à la marque au cormoran, en grande difficulté, comme tous les constructeurs de voitures de luxe depuis l’éclatement de la Grande Dépression, de redresser la barre grâce à des modèles moins élitistes et proposés à des prix plus attractifs).

L’un des problèmes de la marque LaSalle est que, en plus d’une identité trop floue, ses modèles, au niveau des tarifs, se situent dans un segment de marché qui (dans son cas) présente, à la fois, des « frontières » insuffisamment délimitées et qui est aussi trop restreint. L’une des erreurs des responsables de Cadillac et des dirigeants de General Motors fut probablement de ne pas avoir développé pour LaSalle, dès le lancement de la marque, un véritable modèle de « haut de gamme » qui, par un prix et un positionnement soigneusement étudié, aurait pu assurer, de manière claire aux yeux de la clientèle, la jonction, le lien, entre les LaSalle et les modèles de Cadillac. Les promoteurs de LaSalle n’ont toutefois pas juger nécessaire d’étudier ce projet lorsque la marque fut lancée sur le marché et, après l’éclatement de la crise, ils n’en auront, malheureusement, plus jamais l’occasion.

Conséquence de cette absence d’identité propre, aux yeux d’une grande partie du public, ainsi que de la stagnation des ventes, en 1937, LaSalle perd le statut à part et donc l’autonomie dont elle bénéficiait jusqu’ici au sein du groupe General Motors, devenant alors une simple filiale de Cadillac. A partir de cette date, les brochures, affiches et autres pages publicitaires seront d’ailleurs communes aux deux marques, les LaSalle y étant présenté aux côtés des Cadillac sur les mêmes supports publicitaires, apportant ainsi la « preuve par l’image » (que ce soit par les photographies ou, comme cela se faisait le plus souvent à l’époque, sous forme d’illustrations peintes), à ceux qui l’ignoraient ou en doutaient encore, que les LaSalle étaient étroitement dérivées des Cadillac et qu’elles en étaient, extérieurement, de purs et simples « clones », ne s’en différenciant, en effet, sur ce plan, que par leur calandre. Les publicitaires de Cadillac avaient certainement dû finir par comprendre que étant donné que les LaSalle n’étaient finalement rien d’autre que des versions meilleur marché des Cadillac, il ne servait plus à grand-chose d’essayer de donner le change.

Si les LaSalle de l’année-modèle 1937 peuvent se prévaloir d’un style fort élégant, ainsi que d’une nouvelle motorisation (le V8 de 5,6 litres emprunté à la Série 60, l’entrée de gamme du catalogue Cadillac). Malgré des qualités évidentes, celles-ci ne suffirent pas à offrir aux LaSalle le succès espéré, la production stagnant à un niveau similaire à celui du millésime précédent. La comparaison avec une autre des principales concurrentes des LaSalle, la Lincoln Zephyr, rend d’ailleurs bien compte de l’échec commercial des LaSalle, puisque, rien que le modèle de base de la Zephyr, la berline 5 places, s’est vendue à plus de 23 000 exemplaires. Même si les ventes montent à nouveau sensiblement en 1938, avec un peu plus de 15 500 voitures vendues, et font même un bon significatif lors du millésime 1939, avec plus de 23 000 unités (Un niveau qu’elle n’avait plus atteint depuis 1929 et qui représente même le meilleur score de son histoire). Des chiffres qui, malheureusement pour LaSalle, restent loin de ceux de la concurrence et, en tout état de cause, ne changeront en rien le destin de la marque. Dans les couloirs des bureaux et des ateliers de Cadillac comme au sein du siège de la General Motors, les rumeurs sur une suppression pure et simple de la marque commencent de plus en plus à courir. A cette époque, cela fait plusieurs années déjà que le budget alloué pour le renouvellement de la plastique et donc des carrosseries des LaSalle a été réduit à la portion congrue, pour ne pas dire qu’il diminuait fortement d’année en année, tout comme, d’ailleurs, le budget publicitaire. Les LaSalle se voyant souvent reléguer dans les recoins des publicités et des brochures. La plupart des concessionnaires eux-mêmes ne faisant d’ailleurs plus guère d’efforts pour les vendre.

Au moment où la marque était placée sous la tutelle de Cadillac, si sa disparition n’était peut être pas déjà programmée, elle était, en tout cas, sans doute déjà sérieusement envisagée. Ce qui sera chose faite à la fin de l’année-modèle 1940, qui restera donc dans l’histoire comme le dernier millésime de production des modèles de la marque LaSalle. Durant ses treize années d’existence, celles-ci auront été produites à un peu plus de 176 600 exemplaires, soit à peu près l’équivalent de ce que Buick a produit durant la seule année-modèle 1938 (un chiffre donné à titre de comparaison pour bien montrer, une fois encore, l’échec de la marque LaSalle à se positionner, surtout au sein de General Motors, comme constructeur de voitures de gamme intermédiaire.

LASALLE - Cadillac « low-cost ».
LASALLE TYPE 40 CONVERTIBLE COUPE 1940

Après la disparition de la marque, plus aucun autre modèle produit par General Motors ne portera le nom de LaSalle. On ne reverra celui-ci, après-guerre, que sur certains prototypes, comme, au début des années 60, sur celui de la future Buick Riviera (Bill Mitchell, alors designer en chef de la GM, songera alors à exhumer ce nom afin de mieux souligner, aux yeux du public, le caractère exclusif de ce coupé de prestige). Un peu plus tard, dans les années 70, lorsque, pour faire face à la flambée des prix de l’essence et de la récession économique engendrée par la crise pétrolière, le bureau d’études de Cadillac étudiera le projet d’une berline « compacte » (qui deviendra la Seville), la direction étudiera, là aussi, l’idée de la commercialiser sous le nom de LaSalle. Mais, là aussi, ce projet sera rapidement abandonné.

Philippe ROCHE

Photos DR

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