VOLVO 262 C - Char d'assaut en tenue de soirée
262 C

VOLVO 262 C – Char d’assaut en tenue de soirée

Au début des années 70, cela fait plus de dix ans déjà que les Etats-Unis sont devenus le premier marché d’exportation pour la firme suédoise Volvo, comme pour son concurrent national Saab. En conséquence et même si l’un comme l’autre ont désormais fait de la sécurité passive (et aussi active, même si ce dernier point vaut surtout pour le constructeur de Trollhattan) leur cheval de bataille, la conception des nouveaux modèles conçus par ses derniers dépend aussi fortement du marché US. C’est-à-dire non seulement de la clientèle américaine mais aussi de l’Agence pour la sécurité routière.

Au pays de l’Oncle Sam, les normes fédérales en la matière deviennent plus drastiques chaque année. Avec pour effets que les constructeurs, surtout ceux de Detroit, doivent alors se résoudre à brider la créativité des designers de leurs bureaux d’études, ces derniers devant désormais passer plus de temps à décrypter les nouvelles normes sécuritaires qu’à laisser s’exprimer leur créativité. L’une des premières mesures fédérales, parmi les plus significatives, qui viendra mettre un sérieux frein à la liberté de création des stylistes sera l’obligation, à partir du millésime 1973, du montage de pare-chocs devant pouvoir supporter des chocs à 8 km/h (la vitesse à laquelle on roule habituellement sur un parking) sans subir de déformations irrémédiables ni même de dégâts apparents.

Avec pour effet, sur les modèles de la production américaine, que les pare-chocs incurvés en leur milieu pour laisser toute la place requise à d’imposantes calandres en forme de boucliers ou d’étraves, vont devoir céder la place à de nouveaux pare-chocs, non seulement, rectilignes comme des rails de chemin de fer mais aussi garnis, sur leurs parties les plus proéminentes, de protections en caoutchouc. Les proues des grandes américaines, auparavant aussi proéminentes que la proue d’un paquebot, devant, elles, de leur côté, se rétrécissent et s’aplatirent, afin, là aussi, de respecter la nouvelle législation.

Ce nouveau contexte assez morose conduisant aussi, au sein des constructeurs européens, à la mise à la retraite de certains modèles emblématiques, faute de pouvoir les adapter aux nouvelles normes américaines, au risque de dénaturer leur style, qui représentait tout simplement leur identité. Chez Volvo, l’une des principales victimes en sera le superbe coupé P1800, ainsi que le (tout aussi superbe) break de chasse ES, un malheur d’autant plus grand concernant ce dernier qu’il disparaîtra sans laisser de descendance. Lorsque le premier cité quitte la scène, en 1973, il ne subsiste alors plus aucun coupé au sein de la gamme Volvo, celle-ci ne comportant, en effet, plus que des berlines et breaks. Ce n’est toutefois pas le lancement du coach 262, trois ans plus tard, qui va toutefois les consoler, celui-ci se présentant comme une simple version à deux portes de la Série 200 (dont les plus célèbres représentants sont, évidemment, la berline ainsi que le breaK 240), sans aucune prétention sportive ni luxueuse.

P 1800

Si la direction ainsi que le bureau d’études de la firme de Göteborg ont bien en préparation un autre plus puissant et beaucoup plus cossu, beaucoup, parmi les fans inconditionnels de la P1800, ne vont pas manquer d’être (à nouveau) déçus et de faire la grimace en découvrant le nouveau coupé « de grand tourisme » conçu par Volvo et qui sera dévoilé au public l’année suivante, à l’occasion du Salon de Genève en mars 1977. Si la clientèle de la marque suédoise, ainsi que le public en général (en Suède comme à l’étranger) doutaient encore que l’époque des rondouillardes PV444 et Amazon comme de l’élégante P1800 était bel et bien révolue, ils en ont sans doute, cette fois, bien eu la preuve en découvrant l’imposant et massif coupé 262C.

VOLVO 262 C - Char d'assaut en tenue de soirée
262 C

Plus encore peut-être que la berline 264 (version haut de gamme de la Série 200 à l’époque) dont il dérive, il symbolise parfaitement ce que l’expression « parpaing » ou « char d’assaut sur roues », employée aujourd’hui par de nombreux journalistes de la presse automobile de collection (y compris par certains amateurs des modèles en question, il faut le souligner) pour désigner les Volvo des années 70 et 80 veut dire ! Une impression encore renforcée par le fait que, sur le nouveau coupé 262C, le pavillon se trouve rabaissé d’une vingtaine de centimètres. Sur le plan esthétique, si le résultat lui donne une allure plus « racé », ou, tout du moins, « élancé » que la berline dont il dérive, cela n’en fait pas pour autant un premier prix de concours d’élégance ou de design et n’améliore sans doute guère son aérodynamique, probablement à peine meilleure que celle d’une armoire normande !

VOLVO 262 C - Char d'assaut en tenue de soirée
Volvo 262

Si d’aucuns ne manquent pas de s’étonner de découvrir l’emblème et le nom de Bertone au bas des ailes avant et ont certainement dû se dire que ce dernier n’avait sans doute pas signé là l’une de ses meilleures créations, il faut toutefois préciser (ce que la plupart des visiteurs du Salon de Genève ignoraient sans doute) que le célèbre carrossier italien n’est, en réalité, pour rien dans la création du style de cette « brique roulante »*. Celle-ci étant, en effet, due à Jan Wilsgaard, qui est alors le principal styliste du bureau d’études de Volvo, ce qui ne manquera toutefois pas d’interloquer ceux qui le savent quand ils sauront que ce dernier est également l’auteur de la berline Amazon et du break de chasse 1800 ES. Entre ceux-ci et le coupé 262 C, le designer suédois a véritablement fait ce que l’on pourrait appeler un fabuleux grand écart (« fabuleux », en termes de taille s’entend, même si certains parleraient plutôt, véritablement, d’un « fossé abyssal »).

A la décharge du coupé en question, son style s’inscrit, globalement, dans la nouvelle mode en vigueur au sein de la plus grande partie de l’industrie automobile, en Europe comme aux Etats-Unis ou même, bientôt, au Japon. L’Amérique se trouvant, justement, être la principale cible de ce massif coupé. En dépit des teintes pimpantes (or, cuivre ou bronze, alors très à la mode sur certaines voitures de prestige, surtout chez les constructeurs américains) dont seront revêtus un grand nombre des exemplaires qui seront vendus outre-Atlantique ainsi que des moulures chromés dont seront décorées sa proue et ses flancs, restent, aux yeux de beaucoup de ces contemporains aussi sexy que Rambo !

VOLVO 262 C - Char d'assaut en tenue de soirée
262 C

Sur les longues avenues des grandes villes ainsi que des highways que l’on trouve aux quatre coins des Etats-Unis, elle ne dépareille toutefois pas dans la circulation et au sein du paysage automobile local, au milieu  des coupés et berlines Cadillac et Lincoln à la silhouette toute aussi massive et aux dimensions encore plus imposantes. Comme il a été dit plus haut, les USA sont devenus un marché incontournable pour de nombreux constructeurs européens et il n’est pas guère étonnant qu’un grand nombre de ces derniers aient rapidement conçus un certain nombre de leurs modèles, avant tout et surtout, en fonction des attentes et des goûts de la clientèle du Nouveau Continent.

Si Nuccio Bertone a été mis à contribution par Volvo pour le coupé 262C, c’est, tout simplement, parce que celui-ci étant destiné à être produit en petite série et, en partie, selon des méthodes encore assez artisanales, l’usine de Göteborg (tout comme celles des autres sites d’assemblage du constructeur) ne dispose pas des installations adéquates pour ce genre de production. C’est pourquoi le carrossier italien est chargé d’en assurer l’assemblage, un choix qui, en plus de pouvoir mettre une « couche d’or » supplémentaire sur le blason de son nouveau « vaisseau amiral », apparaissait d’autant plus naturel aux yeux de l’état-major de Göteborg que Bertone assure déjà dans ses ateliers la production d’un autre modèle haut de gamme du constructeur suédois, celle d’une version rallongée de la 264, laquelle, outre d’être l’un des modèles fétiches des ministres du gouvernement et de la cour royale de Suède et aussi fort prisée de certains apparatchiks des régimes communistes, notamment celui d’Allemagne de l’Est. En parlant de patronage royal, si le coupé 262 C n’en reçu jamais, cela ne l’empêcha toutefois pas d’être surnommé « La Couronne » au sein des cadres de Volvo, ce qui explique sans doute l’emblème de style « royal » que celui-ci affiche sur les montants arrière du pavillon.

VOLVO 262 C - Char d'assaut en tenue de soirée
262 C

Comme sa dénomination (dont les chiffres signifient, tout simplement : Série 200, 6 cylindres, 2 portes, en plus du C pour Coupé… logique!) l’indique, cet opulent coupé est basé sur le « basique » coupé 262 « standard », dont les caisses sont expédiées depuis l’usine de Göteborg jusqu’aux ateliers du carrossier Bertone à Grugliasco. Arrivées là-bas, l’opération de « chirurgie esthétique » peut alors commencer, le point le plus important concernant la modification de la structure étant (comme expliqué plus haut) l’abaissement du pavillon. Les baguettes chromées placées au bas du pavillon, derrière les vitres de custode, servant à dissimuler les découpes de l’ablation du pavillon d’origine ainsi que les soudures de la greffe du nouveau toit rabaissé conférant, surtout vu de profil, au coupé suédois son allure rappelant celle des customs américains que l’on voit fréquemment circuler sur les routes de la côte californienne. Une allure assez décriée par certains, tant parmi les observateurs de la presse automobile qu’au sein de la clientèle de la marque, même si ce fut surtout en Europe.

VOLVO 262 C - Char d'assaut en tenue de soirée
262 C

Le travail de Bertone ne s’est toutefois pas limité au rabaissement du pavillon du coupé Volvo, mais a aussi (et surtout) dans la transformation complète de l’habitacle, lequel abandonne aussi complètement l’austérité (pour ne pas dire une certaine « froideur ») toute nordique et avec laquelle, dans ce domaine, seules les Allemandes pouvaient sans doute rivaliser. Une austérité et une froideur qui faisaient souvent ressembler l’habitacle des Volvo (qu’il s’agisse des versions de base sans aucune option comme celles des versions les plus puissantes et les mieux équipées) aux salles d’interrogatoire du KGB ! Ce qui n’est rien de vraiment exagéré : il n’y a qu’à comparer l’intérieur d’une berline 200 à celle d’une Volga soviétique pour s’en convaincre !

Ici, étant donné, à la fois, que l’on s’adresse à la clientèle américaine et aussi que le coupé 262 C entend incarner le haut de gamme de la marque suédoise, Bertone va se lâcher et offrir à ces « Yankees » un véritable boudoir de luxe, digne des plus riches demeures de Palm Beach ou Beverly Hills et, donc, tout à fait conforme à l’image que ces derniers se font d’une voiture de prestige européenne (qu’elle soit suédoise, allemande, anglaise ou italienne). Si les critiques de la presse spécialisée et du public avaient été assez acerbes concernant la ligne extérieure du coupé 262 C, ils seront, là aussi, unanimes… mais dans l’autre sens, car l’habitacle ne récoltera presque que des louanges. « Presque », car les stylistes de Bertone qui se sont occupés du relooking de l’habitacle ont malheureusement eu la mauvaise idée (ou était-ce une obligation du cahier des charges remis par les dirigeants de Volvo?) de conserver la planche de bord identique à celles des berlines et breaks 240 et 260.

VOLVO 262 C - Char d'assaut en tenue de soirée
262 C

Au sein d’un habitacle où, partout ailleurs, domine le cuir et le bois verni, ce tableau de bord aux lignes aussi massives et peu élégantes (qu’il s’agisse du dessin du volant comme du reste) qu’au plastique dur, il fait quelque peu le même effet et apparaît aussi incongru que celui d’un utilitaire Peugeot dans l’habitacle d’une Jaguar ou d’une Rolls-Royce ! Ce qui est d’autant plus dommage (et fait d’autant plus « tâche ») que tout le reste de l’intérieur de la 262 C mériterait sans doute un sans-faute. Outre les Rolls-Royce et Jaguar, l’intérieur évoque aussi, presque immédiatement et immanquablement, celles des américaines full-size (Cadillac, Lincoln et autres) de la même époque. Pour sûr, outre-Atlantique, la clientèle ne s’est sans doute absolument pas retrouvée dépaysée en prenant place à bord. Pour coller un peu plus à l’image des américaines de haut de gamme que ce coupé italo-suédois entendait concurrencer, celui-ci se trouvait reçu même, à son lancement, un pavillon recouvert de vinyle noir, lequel sera toutefois abandonné en 1980, après les deux premiers millésimes.

Afin de parfaire cet objectif de séduction du public américain, la dotation de série en matière d’équipement de confort est à l’avenant : climatisation ; vitres, rétroviseurs et antenne radio électriques ; direction assistée, radio, sièges chauffants et verrouillage centralisé. Celui-ci se trouvant d’ailleurs complété, à l’extérieur de la voiture, par des lave-phares et, pour parfaire l’esthétique, une peinture métallisée et des jantes en alliage léger. Des équipements que l’on retrouve aujourd’hui sur n’importe quelle berline japonaise ou coréenne de gamme moyenne mais qui, à la fin des années 70, représentait un vrai luxe réservé à des modèles de catégorie supérieure (ou « premium » pour reprendre l’expression en vigueur aujourd’hui).

VOLVO 262 C - Char d'assaut en tenue de soirée
262 C

S’il ne connut qu’une carrière fort courte (quatre ans à peine), le coupé Volvo 262 C connut toutefois pas moins de trois séries entre 1977 et 1981. La première série, celle des millésimes 77 et 78, se distinguant par sa malle de coffre plate, sa poupe concave, ses feux arrière étroits bordés de chrome ainsi que ses jantes à cinq branches. Pour l’année-modèle 79, le modèle hérite d’une malle enveloppante, de feux arrière de plus grande taille débordant sur les ailes arrière, d’un spoiler à l’avant ainsi que de jantes type « Turbine » (baptisées « Corona » dans le catalogue Volvo). Après être demeuré inchangé en 1980, le coupé 262 C héritera, pour l’année-modèle 1981 (son dernier millésime de production) de clignotants avant majorés, de phares dotés d’une surface lisse, de boucliers en plastique noirs (remplaçants ceux en inox) ainsi que d’une nouvelle planche de bord.

VOLVO 262 C - Char d'assaut en tenue de soirée
262 C

Concernant les teintes de carrosserie, le choix ne fut toutefois guère large (ce qui ne manque pas de surprendre pour un coupé « haut de gamme », surtout pour la clientèle américaine, habituée à un choix de coloris, intérieurs comme extérieurs, presque aussi grand que celui des équipements optionnels). Si le doré métallisé est sans doute la plus connue sur ce modèle, elle ne fera toutefois son apparition au catalogue qu’à partir du millésime 79, les autres teintes disponibles étant le noir, l’argent ainsi que le bronze deux tons et le bleu ciel métallisé pour le dernier millésime (uniquement sur certains marchés toutefois).

VOLVO 262 C - Char d'assaut en tenue de soirée
262 C

En ce qui concerne les motorisations, la 262 C reprend la motorisation de la berline 264, à savoir le (bien connu) V6 PRV, en deux versions successives : le type B27 de 2 664 cc, développant entre 140 et 148 ch (selon les marchés), que l’on retrouve également sous le capot des Peugeot 604 et Renault 30, pour les millésimes 77 et 79 et le B28 de 2 849 cc, d’une puissance de 155 chevaux. A noter que dans certains pays, le système d’injection cède sa place à une alimentation plus classique à carburateur. Concernant la transmission, ce qui apparaît assez paradoxal pour un modèle destiné en priorité au marché américain est que, là-bas, la plus grande partie des acheteurs optèrent pour la boîte de vitesses manuelle à quatre rapports et overdrive proposée en option ! Alors que chez nous, la 262 C ne fut proposée qu’avec la seule transmission automatique Borg-Warner à trois rapports. Allez savoir pourquoi ?!

En tout cas, l’objectif de séduire les Américains semblent avoir été (tout au moins en partie) atteint, puisque, sur les quelques 6 600 exemplaires du coupé 262 C qui sortirent des ateliers du carrossier Bertone, la plus grande partie d’entre-eux, c’est-à-dire environ 5 000 unités, furent expédiés aux USA. En France, en revanche, sa carrière fut assez anecdotique, pour ne pas dire confidentielle, puisqu’une centaine de voitures seulement y furent vendues neuves à l’époque. Au vu des chiffres mentionnés ci-dessus, on peut dire que l’opération ne fut sans doute qu’une réussite partielle (ou un « demi-échec », selon le point de vue).

VOLVO 262 C - Char d'assaut en tenue de soirée
262 C

Même si le constructeur suédois ne s’attendait sans doute pas à en vendre autant que les berlines et breaks 240, on peut penser que les dirigeants de Göteborg espéraient probablement des chiffres de vente sensiblement supérieurs. A titre de comparaison (et même si les coupés des constructeurs américains jouaient dans une catégorie sensiblement supérieure, en tout cas en termes de taille), Lincoln vendait alors six fois plus d’exemplaires des coupés Continental Mark V et VI chaque année. Ce qui explique sans doute, en grande partie, la carrière assez courte de ce coupé italo-suédois. A noter que la 262 « normal » dont dérive le coupé Bertone, dont dérive pourtant ce dernier, est encore plus rare puisqu’il n’en fut produit qu’un peu plus de 3 300 exemplaires sur deux millésimes seulement (1976 et 77).

Bien que sans doute quelque peu désappointé par ce demi-échec, celui-ci ne découragea pourtant pas les dirigeants de Volvo de vouloir concurrencer leurs rivaux européens et américains sur les terres de l’Oncle Sam. Quatre ans après la disparition de la 262 C, le constructeur suédois présentera ainsi son nouveau coupé de grand tourisme, la 780.

Maxime Dubreuil

Photos DR

D’autres histoires https://www.retropassionautomobiles.fr/histoire/

Nos vidéos https://www.youtube.com/channel/UCdnjRO4CUpmk_cUsI5oxs0w?view_as=subscriber

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici