MERCEDES CLASSE S W108/109 - L'étoile allemande.
MERCEDES 280 SE 3.5 COUPE

MERCEDES CLASSE S W108 – L’étoile allemande

Si ses lignes, qui ont, en partie, puisé leur inspiration dans les modèles de la production américaine de l’époque, notamment en ce qui concerne le dessin des ailes arrière et leurs ailerons, le style de la génération de la berline Sonderklasse apparue en 1959 commence néanmoins à être rapidement passé de mode.

Notamment lorsque sont présentés les versions coupé et cabriolet de ces dernières, dues au talent du coup de crayon du styliste français Paul Bracq, au début du printemps 1961. S’ils reprennent toute la partie avant, quasiment inchangée, des berlines W111/112, ils se distinguent toutefois de celles-ci par leur partie arrière redessinée, au style plus sobre et, surtout, dépourvue d’ailerons. Tous deux seront d’ailleurs si bien appréciés par la clientèle que leur carrière durera jusqu’au début des années 70. Ils quitteront, en effet, la scène en 1971, alors que les berlines, de leur côté, s’effaceront en 1965 pour laisser place à la nouvelle génération de la Mercedes Sonderklasse, la W108.

280 SE

Etant donné le succès remporté les versions deux portes de sa devancière, c’est évidemment à Paul Bracq qu’est confié la mission d’en tracer les lignes. Dans un premier temps, ce dernier envisagea d’adapter – tout du moins en ce qui concerne la 300 SE à châssis long, qui était alors la version la plus puissante de la gamme – la lunette arrière de forme panoramique ainsi que les ailes arrière du coupé, tout en conservant la partie avant ainsi que la cellule centrale de l’ancienne W112. Si un prototype roulant, reprenant toutes ses modifications, fut effectivement réalisé, cette idée sera rapidement écartée par la direction de la marque à l’étoile, qui lui préféra un modèle « entièrement » nouveau.

W111/W112

Entièrement est peut-être, toutefois, un bien grand mot car, avec la W108, le constructeur a, clairement, fait le choix, à la fois prudent mais aussi pragmatique, du changement dans la continuité. Si elle reprend, en effet, les grandes lignes du style de sa devancière, bien que retravaillées dans un style plus moderne et plus sobre, les deux générations de la Sonderklasse ne partagent toutefois aucun panneau de carrosserie en commun. Les W111 et 112 étant, en effet, déjà des voitures « bien nées », Mercedes avait jugé – à juste titre d’ailleurs – qu’il n’y avait qu’à en reprendre, en grande partie, la base en lui faisant subir un léger lifting afin de la mettre au goût du jour. Afin de la faire paraître plus fine, basse et élancé, le styliste français a, tout simplement, réduit la hauteur du pavillon ainsi que la ceinture de caisse. La nouvelle W108 affichant ainsi 6 cm de moins en hauteur que les modèles de l’ancienne génération. Par rapport à cette dernière, en plus de donner une impression de longueur accrue – alors que l’empattement demeure pourtant inchangé et que la longueur totale n’a été augmentée que de… 2,5 centimètres en tout -, elle paraît mieux poser sur ses roues. Un effet visuel dû, à la fois, à une hauteur de flanc plus réduite mais aussi à des roues au diamètre sensiblement plus grand – qui passent ainsi de 13 à 14 pouces. Il est vrai que – tout comme les modèles de la génération « ponton », bien que dans une moindre mesure – les berlines W111 et 112, vues de plein profil, paraissaient un peu « hautes sur pattes », avec des roues qui peinaient à remplir les ailes. En ce qui concerne la largeur aussi, Paul Bracq a su jouer sur les effets visuels, tout en ne touchant quasiment pas aux dimensions extérieures – la largeur augmentant d’à peine 1,5 cm comparé à l’ancienne génération -, avec des ailes avant et arrière qui adoptent des arches de roues saillantes.

Un trait de style que Paul Bracq avait déjà employé sur la SL « Pagode ». Le traitement de la face avant demeurant, de son côté, dans la droite ligne de la W112, avec la traditionnelle calandre chromée proméninente, arborant fièrement la mascotte à l’étoile – elle aussi chromée – à son sommet, ainsi que les imposants blocs optiques verticaux.

Si Paul Bracq expliquera, bien plus tard, qu’il avait également étudié plusieurs projets pour des phares horizontaux mais que Karl Wilfert, créateur des phares verticaux inaugurés par la W111 – et qui tenait à ce qu’ils soient conservés sur la W108, y opposa un refus catégorique. Si ceux-ci seront finalement adoptés sur la Sonderklasse, il faudra, pour cela, attendre la présentation de sa remplaçante, la W116, en 1972.

W116

A l’intérieur de l’habitacle, le principal changement concerne la disparition du tachymètre vertical au profit du retour des traditionnels cadrans circulaires. Est-ce également pour plaire à la clientèle traditionnelle de la marque que les appliques en bois verni décorent à nouveau la planche de bord ainsi que les contre-portes ? En tout cas – signe, probablement, que le style des années 60 se veut plus sobre que celui de la décennie précédente -, elles se font néanmoins plus discrètes par rappport aux modèles de la génération « ponton ». La nouvelle W108 entend, évidemment, faire honneur à la réputation de la marque à l’étoile, non seulement en matière de qualité de construction et de finition, mais aussi de robustesse et d’endurance, elle sera mise à l’épreuve sur les pistes d’essais de l’usine de Suttgart, où elle subira notamment une impressionnante série de crash-tests. – Un passage devenu, aujourd’hui, obligatoire pour n’importe quelle voiture avant sa commercialisation sur le marché européen mais qui, dans les années 60, n’était alors pas vraiment courant, y compris pour les modèles de prestige. – En plus de cela, les prototypes seront également envoyés poursuivre leurs essais sur les routes – ou, plutôt, les pistes -, souvent rudes, de l’Afrique subsaharienne, où les voitures parcoureront plusieurs milliers de kilomètres, sommairement déguisées avec des pahres ronds une calandre ovale évoquant, au  choix, un apsirateur ou un appareil de climatisation industriel ainsi que des ailerons dans le style de ceux de la génération précédente. En dépit du fait qu’ils soient – évidemment – dépourvus de tout emblème et que la grande majorité de la population africaine de l’époque soit sans doute dépourvue de toute véritable culture automobile, il n’y a toutefois guère de difficultés, pour qui connaît bien les modèles de la marque, à y reconnaître des Mercedes.

MERCEDES CLASSE S W108/109 - L'étoile allemande.
MERCEDES 280 SE W108

C’est – logiquement – à l’occasion de l’inauguration du Salon de Francfort, en septembre 1965, – qui est, aujourd’hui encore, le plus grand salon automobile en Allemagne – que le public la découvre en avant-première. Comme il a déjà été mentionné plus, cette nouvelle génération de la Sonderklasse – « classe supérieure » en allemand – ne bouleverse pas les habitudes de la clientèle traditionnelle de la marque – c’est le moins que l’on puisse dire. Il est vrai que le public auquel elle s’adresse – composé majoritairement de cadres supérieurs, de banquiers, d’hommes d’affaires, de chefs d’entreprises ainsi que d’hommes politiques et de diplomates – n’est guère adepte ni de l’avant-gardisme ni de la gaudriolle. S’il fait donc preuve d’un « clacissime assez orthodoxe », le style de la nouvelle W108, grâce au talent de Paul Bracq, a su préserver les fondamentaux de ce qui constitue alors le style Mercedes tout en le modernisant. La preuve est que ce que l’on peut, raisonnablement, appeler le « style Paul Bracq » – et que l’on retrouvera sur quasiment tous les modèles de la gamme Mercedes des années 60 sera maintenu durant une dizaine d’années sans presque aucun changement durant une dizaine d’années.

MERCEDES CLASSE S W108/109 - L'étoile allemande.
MERCEDES 280 SE 4.5 intérieur

Au moment de son lancement, trois versions et motorisations sont proposées au catalogue : la 250 S – qui reste fidèle à l’alimentation classique à carburateurs ainsi que la 250 E et la 300 SE, qui, elles, adoptent toutes deux un système à injection. Ces trois chiffres faisant, évidemment, référence à la cylindrée du moteur de chacune des versions : 2,5 l pour les 250 et 3 litres pour la 300. Si les deux premières reprennent, simplement, la motorisation des anciennes 220 de la précédente génération – dont la cylindrée est passée de 2,2 l à 2,5 litres grâce à une augmentation de l’alésage -, la version haut de gamme 300, de son côté, bénéficie du moteur six cylindres emprunté aux limousines de la série 300 « Adenauer ». Une mécanique qui, si elle est réalisée entièrement en aluminium, est toutefois réputée très coûteuse non seulement à produire mais aussi à entretenir. Concernant le reste de l’architecture mécanique, là aussi, la clientèle se retrouve en terrain connu, avec des trains roulants reprennant les mêmes solutions techniques que sur les séries précédentes, les seuls changements notables consistant, à l’arrière, dans le montage d’un nouveau compensateur hydraulique installé sur le train arrière à essieu brisé ainsi que celui de freins à disques sur les quatre.

Si la nature spécifique et complexe de sa mécanique explique que la 300 SE soit affichée à un prix de vente nettement plus élevée que les deux autres séries  – même si celle-ci, surtout concernant les version haut de gamme, dispose généralement d’un portefeuille assez bien garni -, pour justifier pleinement le tarif en question auprès de la clientèle, celle-ci, en plus de la direction assistée, montée ens érie, est également proposée avec plusieurs options spécifiques, telles que la boîte de vitesses à cinq rapports et le pont autobloquant.

Des perfectionnements – qu’ils soient optionnels ou de série – qui ne sont pas inutiles pour mieux différencier la 300 des 250, car, en terme de finition, celle-ci reste toutefois fort semblable à celles des autres versions. Aussi cossues et bien finies qu’elles soient, les Mercedes – quelles que soient leurs motorisations – sont souvent assez pingres en ce qui concerne l’équipement de série. En conséquence, la liste des options est – logiquement – assez longue, celle-ci comprenant ainsi la boîte de vitesses automatique, la climatisation, les vitres électriques, le toit ouvrant – à commande entièrement électrique -, le verrouillage centralisé, l’accoudoir central avant – qui permet de joindre les deux sièges et, accessoirement, de former une troisième place à l’avant – des sièges de type « orthopédiques » – à l’ergonomie plus travaillée -, ainsi qu’une sellerie en simili Tex ou entièrement en cuir. A tout cela s’ajoute un nuancier comportant un vaste choix en matière de teintes de carrosserie.

La berline W108, quelque soit ses versions, pouvant également reçevoir – cette fois, sans supplément de prix – d’un levier de changement de vitesses au plancher à la place de la commande au volant. La réputation de la marque à l’étoile, que ce soit en terme de qualité de construction et de fiabilité n’étant – depuis longtemps déjà – plus à faire, il n’est donc guère surprenant que les commentaires venant de la presse automobile soit assez élogieux, que ce soit au sujet des lignes comme de ses performances. A l’exception de certains essayeurs, qui ne jurent sans doute que par les sportives, et qui auront voudront à tout prix tester les limites de la voiture, en oubliant sans doute que la conduite sportive n’a jamais été sa vocation.

La nouvelle Sonderklasse W108 arrivant, quasiment, en terrain conquis – les générations précédentes ayant déjà, en grande partie, « préparé le terrain » et assis l’image de la marque dans cette catégorie, non seulement sur le marché allemand mais aussi à l’exportation, sa carrière commerciale démarre, dès le départ, sous de très bons auspices.

Plus étonnant, de prime abord, sur le marché français, la grande Mercedes connaîtra également un succès honorable. Etonnant car il ne faut, cependant, pas oublier et prendre en compte que – même s’ils remontaient alors à plus de vingt ans – les souvenirs liés aux événements de la guerre étaient toujours vivaces dans l’esprit d’une grande partie de la population. S’afficher au volant d’une voiture allemande pouvait donc relever d’une sorte « d’inconscience » ou de « provocation » et risquait donc d’attirer les regards noirs et même la vindicte de certains. Ce qui n’empêchera toutefois pas un nombre assez important de chefs d’entreprise ainsi que des membres des professions dites « libérales », aux yeux desquels la guerre représentait déjà une page définitivement tournée, à passer outre ces considérations.

Une raison supplémentaire qui les poussent à franchir le pas est que les modèles proposés par la production française de l’époque ne leur permettent guère d’y trouver leur bonheur. Notamment en ce qui concerne les voitures de prestige à six ou huit cylindres, en particulier depuis la disparition de Facel Vega l’année précédente – en 1964. Lors de l’arrivée sur le marché de la Mercedes W108, la voiture la plus puissante et la plus cossue des voitures françaises de l’époque est la DS 21 Pallas, affichée à près de 17 000 F. Par comparaison, la moins chère des berlines Mercedes de la gamme Sonderklasse de l’époque – la 250 S – est vendue pour la « coquette » somme de 26 000 F, alors que pour avoir le privilège de s’offrir la 300 SE, l’acheteur devait signer un chèque dont le montant atteignant pas moins de… 36 500 Francs, soit plus de deux fois le prix d’une DS ! Un tarif qui la plaçait au même niveau qu’une BMW 2800, une Jaguar XJ – en version d’entrée de gamme -, une Opel Diplomat ou une Rover P5. Il faut néanmoins noter que la commercialisation de la nouvelle W108 n’entraîne pas, pour autant, la disparition immédiate de l’ancienne génération, celle-ci subsistant encore quelques temps au catalogue de la marque sous l’appellation 230 S, vendue 22 500 F.

Afin de remplacer la 300 SE Lang – à empattement long, donc – qui représentait, au sein de l’ancienne génération W112, le vaisseau amiral de la gamme, celle de la W108 accueille en son sein, au printemps 1966, une nouvelle version haut de gamme, la 300 SE L. Comme l’indique la dernière lettre de son appellation, celle-ci bénéficie d’un empattement allongé d’une dizaine de centimètres, qui profite évidemment à l’habitacle. A la fois plus spacieuse mais aussi recevant aussi une finition encore plus luxueuse et un équipement encore plus complet que sur la 300 SE à « châssis court », elle est aussi – sans surprise – affichée à un prix encore plus élevé : 49 500 Francs, ce qui la place au même niveau qu’une Jaguar Mark X ou que la plupart des américaines « full-size » comme la Buick Electra – dont le moteur à huit cylindres en V affiche pourtant une cylindrée deux fois plus importante !

W108 300 SEL

Si la nouvelle 300 SEL conserve une mécanique identique à celle de la 300 SE « normale », elle est, en revanche, la seule version de la W108 à être équipée d’une suspension pneumatique – inspirée, en tout cas en partie, de la suspension hydraulique que l’on retrouve sur la Citroën DS. Extérieurement, la version L ne se différencie guère que par des portières sensiblement rallongées – ce qui ne se remarque toutefois que de profil -, ainsi que les moulures chromées sur les montants du pare-brise et cexu des portières. A l’intérieur de l’habitacle, les contre-portes sont décorés de boiseries de plus grande taille, une sellerie en velours ras – qui peut toutefois être remplacée, sans supplément de prix, par une sellerie en cuir) recouvre les sièges et la banquette arrière ainsi qu’une moquette en velours sur le plancher. Il faut signaler, sur ce dernier point, que les berlines à empattement normal doivent encore se contenter de simples tapis en caoutchouc. Un « détail » de présentation qui paraît assez « pingre » sur une Mercedes, même – voire surtout – sur un modèle des années 60, surtout au vu de la catégorie où elle se situe ainsi que de son prix de vente.

La première série importante de changements – techniques et esthétiques – qui concerne l’ensemble des modèles de la gamme est présentée au public en janvier 1968, à l’occasion du Salon de Bruxelles. Si les derniers représentants de l’ancienne génération de berlines « à ailerons » disparaissent du catalogue, les principaux changements techniques apportés sur cette deuxième série la W108 – baptisée « série 8 » – concerne l’apparition d’une nouvelle version 280 SE, équipée – comme l’indique sa numérotation – d’un 6 cylindres de 2,8 – toujours équipée d’une distribution à simple arbre à cames en tête comme sur les autres motorisations – mais qui bénéficie toutefois de toute une série d’améliorations qui profiteront à sa fiabilité.

Si l’ancienne 250 S occupe toujours le rôle de modèle d’entrée de gamme, elle cédera toutefois ce rôle à la 280 S lorsqu’elle sera supprimée de la gamme en mars 1969. La version à injection de cette dernière, la 280 SE, prenant, de son côté, la succession de la 250 SE dès le début de l’année 68. Quant à la 300 SE L, bien qu’elle conserve son appellation – pour des raisons « hiérarchiques » -, hérite, elle aussi, au mois de février de la même année, de ce nouveau moteur, bien que – étant donné son statut de version haut de gamme – sa puissance soit légèrement augmentée, passant ainsi de 160 à 170 chevaux. La production de la précédente 300 SE à « châssis court » et équipée du moteur « tout alu » provenant de l’ancienne 300 Adenauer quittant, elle aussi, la scène ayant, elle, déjà pris fin en décembre de l’année précédente. Parallèlement à la 280 SE apparaît aussi sa version longue – qui ne recevra toutefois la dénomination « L » que plusieurs mois après sa commercialisation -, qui vise les clients désirant plus d’espace sans ostentation – celle-ci combinant l’empattement rallongé, la suspension classique – à ressorts donc et non pneumatique comme sur l’ancienne 300 SE L -, ainsi que la finition des berlines « standard ».

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MERCEDES 300 SEL 3.5

C’est également à partir de cette date que l’habitacle des berlines Mercedes va devoir commencer à se plier aux nouvelles règles en matière de sécurité passive qui font leur apparition, à l’époque, dans un certain nombre de pays – en particulier aux Etats-Unis, un marché fort important – voire capital – et dont le constructeur allemand ne peut donc ignorer la législation. Au vu du coût important – y compris pour un grand constructeur comme Mercedes -, la marque à l’étoile préféra donc, dans un choix pragmatique – celui de la rationalisation des coûts de production -, celle-ci préférera monter cet habitacle « à l’américaine » sur l’ensemble des voitures produites – y compris celles destinées au marché européen. Celui-ci voit, notamment, la disparition des boiseries sur les montants intérieurs du pare-brise. Si ces premières modifications « sécuritaires » sont encore assez discrètes, surtout par rapport à celles qui seront apportées sur la génération ultérieure.

Est-ce le signe d’un début de « chasse au gaspillage » qui commence à se faire jour chez le constructeur ou, plus « simplement », que l’accastillage entièrement en métal commence à apparaître démodé et que le plastique commence alors à la mode ? Toujours est-il qu’une série d’accessoires intérieures, auparavant réalisés en acier inoxydable ou chromé, sont désormais fabriqués en plastique Là encore, cela n’est rien, toutefois, quand on compare cela à l’intérieur de la Sonderklasse des années 70, qui, elle, cédera à la mode du « plastique à tous les étages » ! Il n’empêche que, à l’époque, cela apparaissait néanmoins – aux yeux de la presse automobile comme d’une partie de la clientèle – comme une sorte de « pingrerie » assez malvenue ! Une simplification des fabrications, notamment dans les matériaux employés, qui ne touchent d’ailleurs pas que l’habitacle mais qui touche aussi certains éléments de l’accastillage extérieur comme les baguettes latérales ainsi que les enjoliveurs.

Si les nouvelles versions équipées du six cylindres 2,8 litres avaient été saluées pour leur nervosité, d’aucuns leur reprocheront toutefois que leurs performances soient à peine plus élevées – voire quasiment identiques – qu’avec le moteur 2,5 l. La direction ainsi que le bureau d’études de Mercedes en étant conscient, sans doute dès le départ et souhaitant que la Sonderklasse W108 devienne une référence sur le marché des berlines de prestige, non seulement en terme de confort, d’agrément de conduite et d’équipement mais aussi de performances, la marque décide alors de frapper un grand coup.

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MERCEDES 300 SEL 6.3

À l’occasion du Salon de Genève, en mars 1968, celle-ci dévoile, en effet, celle qui deviendra le nouveau vaisseau-amiral de la gamme et que l’on pourrait tout-à-fait qualifier de « super-Sonderklasse » : une version très spéciale de la 300 SE L équipée du V8 de 6,3 litres provenant de l’imposante et exclusive limousine 600 ! Fort de sa puissance de 250 chevaux, cet imposant bloc de 6 526 cc, équipé d’une distribution à 2 x 1 ACT, elle se différencie aussi des autres W108 à six cylindres par son alimentation à injection – laquelle reste encore, toutefois, mécanique – et qu’elle n’est proposée qu’avec la transmission automatique à quatre vitesses. Une manière de confirmer, malgré la taille du moteur qui se trouve sous son capot, que la conduite sportive n’est, résolument pas sa vocation ; de mieux encore asseoir son statut de version haut de gamme et aussi, sans doute, que c’est bien le marché américain qui est, avant-tout, en ligne de mire. Il est vrai que la nouvelle 300 SE L « big block » peut alors s’enourgueillir de posséder l’un des plus gros moteurs de la production européenne. Seuls les modèles full-size ainsi que les muscle cars proposés par les constructeurs de Detroit qui offre des motorisations d’une cylindrée équivalente – voire, parfois même, supérieure !

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MERCEDES 300 SEL 6.3

Avec un aussi gros bloc sous son capot, il va sans dire que les performances font un véritable bond en avant : alors que la 280, même nantie de l’injection, doit se contenter de 190 km/h – dans des conditions de conduite optimales -, alors qu’avec le V8 6.3, elle affiche fièrement une vitesse de pointe de… 220 km/h – et encore, celle-ci étant volontairement limitée, mais elle est probablement capable de plus encore ! Tout comme la boîte de vitesses, la suspension pneumatique ainsi que les freins ont, évidemment, été adaptés afin d’encaisser, non seulement, le supplément de puissance mais aussi de poids que ceux-ci doivent encaisser. Car si les versions « ordinaires » de la W108 n’affichaient, en effet, qu’un peu moins de 1,8 tonnesur la balance – ce qui représente, à l’époque, un poids relativement « mesuré » pour une voiture de ce gabarit, celle équipée du V8 de la 600 avoue, quant à elle, pas moins de… 2 265 kg à vide ! Un supplément de poids évidemment dû, en grande partie, au « big block » que l’on retrouve sous son capot et qui, en dépit de sa robustesse, mettra toutefois quelque peu à mal, sur le long terme, les différents éléments du train avant.

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MERCEDES 300 SEL 6.3

Extérieurement, toutefois, seul le sigle portant l’inscription « 6.3 » est là pour renseigner sur sa cylindrée et pour indiquer clairement à l’automobiliste lambda qu’il n’a pas à faire à une Mercedes comme les autres. Comme une invitation très claire, également, faite à ce dernier de se ranger sur le bas-côté et céder le passage. Les éléments qui différencie la 300 SE L à moteur V8 d’une « simple » W108 à six cylindres se comptent quasiment sur les doigts d’une main et différencier les deux versions s’apparente donc un peu à jouer au jeu des sept erreurs. La différence la plus marquante se situant au niveau des phares, où les optiques en un seul bloc céderont la place à doubles phares circulaires. Conçus à l’origine pour les voitures vendues sur le marché américain, en Europe, s’ils seront, dans un premier temps, réservés à la 6.3, au vu du succès qu’ils remporteront auprès de la clientèle, ils finiront par intégré le catalogue des options proposées par le constructeur et équiperont alors, par la suite, une part importante des autres versions de la W108. L’autre différence qui permet de reconnaître une SEL 6.3 vue de l’avant est la présence des phares longue portée additionnels placés entre les phares et la calandre. Un équipement qui n’est pas superflu, étant donné ses performances ! Dans l’habitacle, toutefois, la seule différence importante avec les autres versions, en tout cas concernant le tableau de bord, est le compte-tours qui vient se placer à l’emplacement de la montre – la 6.3 étant d’ailleurs le seul modèle qui en sera équipé.

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MERCEDES 300 SEL 6.3

Au vu de son statut exclusif ainsi que de la taille comme de la puissance du moteur que l’on retrouve sous son capot, ainsi que des performances que celui-ci lui confère, il n’est guère étonnant que le prix auquel elle soit vendue soit assez exorbitant : pas moins de 65 000 Francs, soit près du double de celui d’une 300 SEL à six cylindres ! Un tarif qui la place au niveau des plus puissantes et prestigieuses berlines qui sont alors proposées sur le marché, telles que la Maserati Quattroporte*, mais qui ne l’empêchera toutefois pas de rencontrer un large succès, puisque plus de 6 500 exemplaires en seront produits. Outre les PDG d’entreprises – en Europe comme en Amérique – ainsi que les vedettes du cinéma, de la télévision et de la chanson ; plusieurs pilotes de Grand Prix, séduits par les performances hors du commun – pour une berline, même de prestige – de la W108 6.3 en feront, eux aussi, l’acquisition. Outre l’Allemagne et les Etats-Unis, l’autre marché où elle rencontrera le plus de succès sera celui du Royaume-Uni. Les gentlemen drivers britanniques ayant, en effet, su, eux aussi, apprécier en connaisseurs l’alliance entre le plaisir ainsi que le confort de conduite et les performances, lequel leur rappelait sans doute, sur bien des points, celle des Bentley de la grande époque.

Si le lancement de la 300 SEL équipée de l’énorme V8 de la 600 est, évidemment, un événement de taille au sein de la gamme Mercedes, il a, toutefois, aussi pour effet de créer un « fossé » assez important – tant en termes de prix que de performances – entre celle-ci et les W108 six cylindres. Afin de combler celui-ci, une nouvelle version équipée d’un moteur moins imposant et affichant donc une cylindrée – comme une consommation – plus « raisonnable ». C’est ainsi qu’est présentée, au Salon de Francfort de 1969, un V8 de 3,5 litres que l’on retrouve sur les versions coupé et cabriolet de la 280 SE ainsi que sur la berline 300 SE L – contrairement à ce qui avait été le cas lors du montage du V8 de 6,3 litres, la présentation de la berline 3,5 l reste identique à celle des versions à moteur six cylindres. Ce V8 « small block » – pour reprendre la terminologie qu’utilise les Américains pour distinguer les moteurs suivant la taille de leur cylindrée – présente toutefois l’avantage d’être équipée d’un système d’injection de type électronique – D-Jetronic -, un perfectionnement auquel n’aura – étrangement – jamais droit celle avec le V8 « big block ». Bénéficiant également d’un poids nettement plus contenu – près de 500 kg en moins sur la balance -, elle affiche donc une consommation bien moins gargantuesque que celle ave le V8 6,3 litres. De plus, contrairement à cette dernière, elle peut aussi être équipée d’une boîte de vitesses à commande manuelle – laquelle, tout comme pour la transmission automatique, reste toutefois équipée de seulement quatre rapports. Si, concernant les berlines de la gamme W108, il reste, dans un premier temps, réservé à la version 300 SE L à suspension pneumatique, il deviendra également disponible, à partir du printemps 1971, sur les 280 SE et SE L, lesquelles, de leur côté, restèrent fidèles, jusqu’au bout, aux suspensions classiques à ressorts – ainsi que, concernant les versions à deux portes, sur le cabriolet 350 SL.

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Au début des années 70, le client intéressé par la Mercedes Sonderklasse n’a que l’embarras du choix, puisque ce ne sont pas moins de spet versions différentes, suivant le type d’empattement – normal ou long -, de finition et de motorisation – 6 cylindres ou V8 -, qui lui sont proposées ! A partir de l’automne 1970, la 300 SE L n’est, toutefois, plus disponible qu’avec un V8, la version « small block » de 3,5 litres ayant, en effet, supplanté, sur le plan commercial, celle équipée du six cylindres en ligne, cette dernière, dont les ventes étaient devenues presque confidentielles, disparaît alors, à cette date du catalogue. Une troisième version à moteur V8 de la 300 SE L, d’une cylindrée de 4,5 litres, fera également son apparition mais qui sera toutefois réservée au marché américain – ayant, en effet, été conçue afin de pallier la perte de puissance que subissent les voitures vendues aux Etats-Unis à cause des nouvelles normes antipollution mise en place par le gouvernement fédéral ainsi que par certains Etats américains, notamment la Californie.

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MERCEDES 280 SE 4.5

Il s’agit toutefois de la dernière évolution notable que connaîtra la génération W108/W109, qui arrive alors au crépuscule de sa carrière. Sa remplaçante, la W116, sera dévoilée à l’automne 1972, – une fois n’est pas coutume – non pas au Salon automobile de Francfort, comme cela était jusqu’ici la tradition pour presque tous les modèles de la marque à l’étoile – notamment les berlines de haut de gamme – depuis l’après-guerre mais à celui de Paris, qui ouvrira ses portes un mois après le Salon allemand, en octobre 1972.

Première génération de la lignée des Sonderklasse à porter officiellement l’appellation Classe S, la nouvelle Sonderklasse des années 70 n’est, cette fois, plus due au crayon de Paul Bracq – qui continuera néanmoins sa carrière de styliste en Allemagne, chez BMW, où il signera notamment les premières générations des Série 5, 6 et 7 – mais au styliste « maison » Friedrich Geiger – entrée au bureau de style Mercedes dans les années 1930 et dont les premiers furent sur les carrosseries des célèbres 500 et 540 K ainsi que la « Grosser Mercedes » 770.

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MERCEDES 280 SE 4.5

Si elle reprend les grandes lignes de sa devancière – en tout cas dans le traitement de la cellule centrale – elle s’avère néanmoins beaucoup plus massive – succombant ainsi, comme beaucoup d’autres berlines de prestige des années 70, européennes comme américaines d’ailleurs, à la mode du style carré. A tel point que, vu sous certains angles, ses lignes apparaissent à peine plus « fines » que celle des Cadillac et des Lincoln auquelle elle fait concurrence sur le marché américain et, comme ces dernières, fera aussi un peu fugure de « coffre-fort » ou de « char d’assaut sur roues ».Elle sera aussi la première génération à inaugurer les phares horizontaux, une caractéristique que conserveront, par la suite, toutes les générations successives de la Classe S.

MERCEDES CLASSE S W108/109 - L'étoile allemande.
MERCEDES 280 SE 4.5

Etant donné son statut de modèle incontournable dans la catégorie des berlines haut de gamme de l’époque, il était logique qu’un certain nombre de carrossiers en tous genres – non seulement en Allemagne mais aussi à l’étranger – s’intéressent à la Mercedes Sonderklasse et pas uniquement pour la transformer en limousine. Si certains breaks – notamment ceux de la version W123 – pouvaient afficher une finition assez cossue jusque dans les années 80, aux yeux des dirigeants de la marque à l’étoile – comme de presque tous les constructeurs de voitures de prestige ou de « standing » -, les breaks – à trois comme à cinq portes – présentaient une vocation essentiellement – voire exclusivement – utilitaire. A cette époque, les breaks Mercedes étaient donc avant tout destinés à servir au transport de familles nombreuses et aussi – occasionnellement – pour effectuer des déménagements ou la tournée des brocantes. Quand elles ne servaient pas de base à la réalisation d’ambulances et de corbillards. Sur le marché allemand, plusieurs carrossiers spécialisés comme Binz, Miesen ou IMA Universal réalisèrent ainsi un certain nombre de véhicules de secours sur la base de la W108. Autant dire que, dans les années 60 et au début des années 70, le concept du « break de luxe » n’était pas encore vraiment entré dans la culture maison.

De l’autre côté de la Manche, au contraire, – inspirés sans doute par les réalisations similaires sur les Aston Martin, Bentley, Rolls-Royce et autres -, plusieurs carrossiers assez talentueux eurent l’idée de transformer la berline W108 en « shooting brake » ou « estate car », c’est-à-dire en break à trois ou cinq portes de prestige. Parmi celles-ci, l’un des plus réussis fut celui réalisé par le carrossier Crayford, présenté au Salon de Londres 1971, réalisé sur la base d’une 280 SE. Parmi les six autres exemplaires qui en furent réalisés, un seul fut toutefois équipé du V8 3,5 litres.

MERCEDES CLASSE S W108/109 - L'étoile allemande.
MERCEDES 280 SE 3.5 COUPE

Parmi les réalisations hors-série les plus célèbres et les plus prestigieuses réalisées sur cette génération de la Sonderklasse figurent, indéniablement, les limousines réalisés pour l’Etat du Vatican. Le Saint-Siège commanda ainsi deux 300 SE L qui passèrent toutes deux par les ateliers spécialisés du constructeur – dont l’activité principale étaient la réalisation des prototypes des futures nouvelles versions ou modèles du constructeur. La première, une berline, fut transformée en landaulet – avec une partie découvrable au-dessus des places arrière – ; la seconde étant traitée en limousine à l’empattement fort rallongé, équipée de strapontins ainsi que d’une séparation intérieure avec glace descendante. Ces deux Mercedes spéciales étaient toutefois avant-tout destinées aux transport des personnalités en visites – officielles ou privées -, plus qu’aux déplacements du souverain pontife.

Une autre carrosserie hors-série, au style assez atypique et, surtout, très différent des modèles de série, est le coupé réalisé par Pininfarina sur une V8 6,3 litres. Exposé au Salon de Genève de 1970, le carrossier italien s’en inspirera par la suite pour réaliser la Rolls-Royce Camargue.

Maxime Dubreuil

Phottos DR

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