PEUGEOT 505 TURBO INJECTION – Les griffes du lion.

Au moment où elle fait son apparition, en 1979, la Peugeot 505 n’affiche encore aucune véritable ambition en matière de sport ni même de prestige. Sa mission première et essentielle étant d’assurer (en tout cas, à terme) la succession de la vieillissante 504 (laquelle affiche alors déjà onze années de bons et loyaux services au compteur, même si sa production ne cessera, tout du moins en France, qu’en 1983).

Lors de son lancement, elle n’est donc proposée qu’avec des motorisations tout ce qu’il y a de plus placide, aussi bien s’agissant des versions essence que de celles roulant au gazole. Il est vrai qu’en cette année 79 qui vient de voir éclater un nouveau et second choc pétrolier (conséquence de la révolution iranienne, six ans après le premier, qui, lui, avait été causée par la guerre du Kippour), l’heure n’est pas vraiment à l’euphorie au sein des constructeurs français, que ce soit du côté de PSA (Citroën, Peugeot et Simca/Talbot) que de Renault. De prime abord, le paysage automobile française, dans son ensemble, étant à l’image de l’économie française : elle fait clairement grise mine. Une sorte de « gueule de bois » ou, tout du moins, de morosité nettement perceptible qui n’incite donc pas vraiment ni les chevrons, ni le lion ou le losange à verser dans la frivolité ou la gaudriole.

Même si un examen un peu plus attentif des gammes des différents constructeurs montre que ceux-ci sont, pourtant, bien décidés à refuser la fatalité et apporter une dose (certes subtile, surtout en termes de quantité, mais, néanmoins, bien présente) d’épices en tous genres afin de pimenter quelque peu le quotidien des automobilistes français.

Un exemple assez illustratif étant sans doute la (très) bodybuildée R5 Turbo, conçue pour aller truster les podiums en compétition. Ainsi, l’automobiliste lambda de Belleville ou Cergy-Pontoise sait (ou, en tout cas, pressent) fort bien qu’il n’aura jamais la possibilité d’en conduire (ou, plutôt, d’en piloter) une (faute de moyens, mais aussi faute d’avoir le talent de pilote de Jean Ragnotti). Ce dont il se console, toutefois, en se disant (ou, tout du moins, en étant convaincu) que sa brave R5 TL (ou Alpine, s’il a un tant soit peu de chances ainsi que des économies assez importantes) en est un peu la (lointaine) cousine.

A Sochaux, fief historique de la marque au lion, là aussi, les dirigeants ont bien conscience que ce sont les « plébéiennes » (et parfois anémiques) versions essence et surtout Diesel (la flambée des prix du pétrole contribuant largement à convertir la clientèle française aux « bénéfices » du gazole) qui assure leur « pain quotidien ». Ce qui ne les empêche toutefois pas de nourrir certaines ambitions et de vouloir ainsi se doter d’un modèle qui puisse reprendre le rôle de « porte-drapeau » de la gamme Peugeot. Tant il est vrai qu’au vu de ses chiffres de vente assez décevants, le modèle haut de gamme de celle-ci, la 604, ne semble plus vraiment pouvoir prétendre avoir encore la légitimité nécessaire pour continuer à assurer celui-ci.

La direction du groupe PSA grince de plus en plus les dents et fronce, également, de plus en plus les sourcils en voyant ceux qui, au sein du public français, disposent encore de ressources financières un tant soit peu substantielles priser, de plus en plus ouvertement, les berlines allemandes. D’aucuns, au sein de l’état-major de PSA, voient donc quasiment, à certains égards, comme une sorte de « devoir national » de concevoir et lancer un nouveau vaisseau amiral arborant fièrement le logo du lion. L’heure étant toutefois au serrage de la ceinture, il n’est donc, d’emblée, pas question de partir d’une feuille blanche et donc de créer un modèle entièrement nouveau.

D’autant que les comptables de la marque ne manquent pas de se rappeler, à intervalles réguliers, aux bons souvenirs des dirigeants en leur glissant sous le nez les bilans financiers de la marque, lesquels, à chaque nouveau trimestre, plongent un peu plus dans le rouge. Il est vrai que le rachat, en l’espace de quatre ans à peine, de quatre constructeurs différents (Citroën en 1974 et, ensuite, les anciennes filiales française, anglaise et espagnole du groupe américain Chrysler en 78) a pesé très (voire même, à terme, trop) lourd sur les finances de PSA.

Ayant toutefois assez bien l’habitude d’être dans la nécessité de devoir faire beaucoup avec pas grand-chose, les ingénieurs du bureau d’études de Peugeot décident alors de recourir à une solution qui a déjà fait ses preuves lorsqu’il s’agit de booster les performances de mécaniques qui, à l’origine, n’avaient pas du tout été conçues pour brûler de la gamme au feu rouge. La solution en question ? Le turbo. Renault l’ayant déjà adopté (avec le succès que l’on sait, surtout en compétition) sur la R5 Turbo susmentionnée, ils n’avaient donc guère de raisons de douter que ce qui a (très bien) marché pour le losange ne puisse pas marcher aussi pour la marque au lion.

En ce début des années 80, certaines (mauvaises ?) langues au sein de la presse automobile n’hésitent plus, désormais, à parler ouvertement, dans les pages de celle-ci des risques de faillite, pure et simple, du groupe PSA.

La plus grande partie des efforts des ingénieurs et stylistes de ces deux principaux constructeurs (Peugeot et Citroën donc) se focalisant sur les deux modèles qui devront rien moins qu’assurer leur sauvetage (à savoir les futures 205 et BX, lancés à un an d’écart). Pour autant, la petite équipe qui s’occupe de la supervision du projet 505 Turbo est convaincue que la portée de celle-ci, non seulement en termes d’image pour le constructeur de Sochaux mais aussi sur le plan commercial. Lorsque l’on évoque les Peugeot sportives du début des années 80, si l’on pense immédiatement (et assez logiquement) à la 205 GTI, ce serait toutefois oublier (de manière assez injuste) que celle qui endossa le rôle de « première de cordée » fut bien la 505 Turbo.

Les circonstances dans lesquelles celle-ci fut dévoilée au public illustrent assez bien, toutefois, qu’une voiture (en particulier s’il s’agissait d’un modèle produit par un constructeur français) affiche ouvertement sa sportivité paraissait encore « politiquement incorrect ». (Conséquence, là aussi, des deux crises pétrolières qui ont secoué la décennie précédente). C’est, en effet, sans tambour ni trompette et donc sans le moindre tapis rouge qu’eut lieu sa première présentation publique, lors du Salon Automobile de Paris, en octobre 1982. Une autre raison étant aussi que, bien que les ingénieurs ainsi que les dirigeants de Peugeot, étaient convaincus du potentiel de cette nouvelle 505 vitaminée sur le plan des performances, ces derniers étaient, probablement, aussi quelque peu « dubitatifs » en ce qui concerne le succès qu’elle connaîtrait auprès de la clientèle visée.

Outre le contexte mentionné plus haut, l’origine de ses doutes venant aussi du fait qu’à cette époque et sur le marché des berlines sportives, les constructeurs allemands tenaient déjà le haut du pavé. Ce qui n’empêcha pas une partie des membres de l’état-major de Sochaux, assumant ouvertement leur goût pour la conduite sportive, d’être persuadés qu’il y avait, bel et bien, une demande concrète, de la part de la clientèle française, pour une berline familiale spacieuse, confortable, bien équipée et disposant d’une belle cavalerie sous le pied droit.

Preuve du potentiel du turbo, une fois celui-ci accouplé au moteur de la 505, les voitures d’avant-série qui furent confiées aux journalistes de la presse auto pour une série d’essais, en mars 1983, (et dont la puissance « officielle » s’établissait à 150 chevaux), s’avéreront (bien qu’a posteriori) plus puissantes que les exemplaires de la nouvelle version « 160 » qui sera commercialisée début 1984. Ce que le service presse du constructeur ne reconnaîtra d’ailleurs que sous la pression de certains essayeurs (lesquels avaient rapidement compris, en prenant le volant, qu’il y avait sans doute plus sous le capot que les 150 ch qui avaient été officiellement annoncés. Ce qui fut, en effet, confirmé par le service en question, qui avoua que le moteur turbo sur les voitures concernées délivrait, en tout, 174 chevaux ! Les clients (ou, en tout cas, l’entièreté d’entre-eux) qui passèrent commande pour l’une des premières 505 Turbo le savaient-ils ?

En tout état de cause, comme ses concepteurs en avaient la conviction, dès le début du projet, celle qui sera (avec la version équipée du V6 PRV) la plus puissante des 505 n’aura guère de difficultés à trouver son public. Même si, pour être tout à fait précis et objectif, il est vrai que l’absence de véritables concurrentes au sein des autres constructeurs français lors de son lancement lui a sans doute, quelque peu, facilité la tâche. (La CX GTI chez Citroën et la R25 Turbo chez Renault ne feront leur entrée en scène respective que l’année suivante pour la première et deux ans plus tard pour la seconde).

Sous le capot de la Peugeot 505 Turbo, ce n’est, toutefois, pas un bloc conçu par la marque au lion qui fut choisi par les ingénieurs de Sochaux mais celui d’origine Chrysler, apparue au début des années 70, sur la Chrysler 2 Litres (version de haut de gamme des Chrysler 160 et 180). Si ce bloc en fonte (surmonté ici, toutefois, par une culasse en alliage léger) n’avait, à l’origine, aucune vocation sportive, sa robustesse ainsi que la simplicité de sa conception technique offraient, toutefois, un très bon potentiel de développement. (On le retrouvera d’ailleurs également sous le capot de l’ultime version de la Matra Murena ainsi que sous celui de la Citroën BX 4 TC).

Pour apporter à ce bloc « franco-américain » le supplément de cavalerie nécessaire, le choix des techniciens de Peugeot se porta sur un turbo Garrett T3, réglé ici pour délivrer une pression maximale s’établissant à 0,66 bar. Du côté de la transmission, celle-ci est confiée à une boîte de vitesses empruntée à la 604, dans sa version STI, qui a, toutefois, été revue afin de pouvoir s’adapter à une conduite plus sportive et permettre ainsi au conducteur de tirer le meilleur parti possible de la mécanique. En plus d’un nouvel étagement des rapports, celle-ci a également bénéficié d’un embrayage renforcé ainsi que d’un autobloquant d’origine ZF.

La voiture ayant aussi été sensiblement rabaissées (20 mm de moins à l’avant et 25 mm de moins à l’arrière) et renforcée par le montage d’une barre stabilisatrice à l’avant ainsi que d’une nouvelle sensiblement plus longue que celle d’origine à l’arrière (18 mm contre 16 initialement). Les amortisseurs provenant, eux aussi, de la grande soeur 604, tout comme les disques de freins ventilés montés à l’avant.

En ce qui concerne la partie esthétique, la version Turbo se différencie, extérieurement, des autres versions de la 505 par le spoiler à l’avant ainsi qu’à l’arrière par le pare-chocs spécifique ; le becquet, équipé de déflecteurs verticaux, bordant les feux ; les logos « Turbo » placés sur les montants de custode ainsi que l’inscription « Turbo Injection » apposée sur le becquet, ses entourages de vitres teintés peints en noir ainsi que ses filets de caisse bicolores.

Concernant la puissance développée par sa motorisation, (comme expliqué précédemment) à partir de février 1984, celle-ci se voit sensiblement augmentée, passant ainsi de 150 à 160 chevaux, grâce à un rapport volumétrique revu (passant ainsi de 7,5 à 8 : 1) (bien que la pression développée par le turbo se voit, de son côté, légèrement réduite, à 0,5 bar seulement). Cette nouvelle version voyant également sa puissance fiscale sensiblement baissée, en passant de 11 à 10 CV. Le refroidissement de la mécanique se voyant, quant à lui, optimisé avec le montage d’un échangeur air-air placé au-dessus du moteur. Le réservoir d’essence voyant, de son côté, sa capacité augmentée, de 63 à 70 litres.

Dans l’habitacle, le tableau de bord se voit, à présent, équipé d’un ordinateur (placé au-dessus du rétroviseur intérieur) et les passagers à l’arrière bénéficient, désormais, eux aussi, de vitres électriques. Alors qu’à son lancement, la 505 Turbo ne proposait comme seule et unique option que la sellerie en cuir, la liste des équipements optionnels s’enrichit, avec le millésime 84, du régulateur de vitesse ainsi que du toit ouvrant électrique.

C’est à la fin de ce millésime, en mai 1984, plus précisément, qu’apparaîtra celle qui sera la version la plus puissante de la Peugeot 505 Turbo. Equipée d’un kit conçu par le préparateur Danielson, comprenant une culasse spécifique, elle profite également d’un turbo (toujours le Garrett T3) dont la pression de suralimentation a, ici, été portée à 0,72 bar, lui permettant ainsi, lorsque celui-ci entre en action, d’atteindre la barre (aussi importante sur le plan des performances que sur celui de l’image de marque). Cette nouvelle version « 200 » recevant, en outre, équipée d’une assiette abaissée de 15 mm, des ressorts et des amortisseurs durcis, un embrayage renforcé ainsi qu’une nouvelle pneumatique spécifique.

La version 150 ch « d’entrée de gamme » disparaît de la gamme avec l’année-modèle 1985, ne laissant donc plus au sein de celle-ci que celles de 160 et 200 chevaux. Concernant la première des deux, celle-ci se voit, à présent, dotée d’un nouveau plafonnier temporisé et peut aussi être, à présent, équipée, en option, de l’air conditionné. Toujours en ce qui concerne les options, l’option sellerie en cuir inclut désormais, également, le garnissage de la jante du volant ainsi que du soufflet sur le levier de vitesses.

Lors de la présentation des modèles de la gamme Peugeot du millésime 86, l’ensemble de la gamme 505 (berline et break, toutes versions confondues) subit un léger lifting, suffisamment important, toutefois, pour mériter, aux yeux du constructeur, l’appellation « Série 2 ».

Présentées en juillet 1985, les nouvelles 505 se différencient de leurs devancières par leurs pare-chocs plus enveloppants, des baguettes de protection latérales plus larges, de nouveaux rétroviseurs redessinés, leurs feux arrière agrandis, le support noir entre les feux où vient se fixer la plaque d’immatriculation ainsi que la calandre retouchée (avec des contours plus anguleux). L’habitacle bénéficiant, quant à lui, d’une nouvelle planche de bord, équipée d’un volant à quatre branches, ainsi de sièges avant et d’une banquette elles aussi redessinées. S’agissant des évolutions propres à la version Turbo, celui-ci voit sa pression de suralimentation sensiblement revue à la baisse (0,67 bar), le turbocompresseur était, désormais, équipé d’un système de suralimentation par eau. Du côté de la transmission, la boîte de vitesses voit ses rapports réétagés.

Extérieurement, la 505 Turbo perd toutefois une partie de ses spécificités, voyant ainsi sa présentation extérieure s’uniformiser avec celles des autres versions de la gamme. Les teintes de carrosserie bicolores, le pare-chocs arrière (devenant identique à celui des versions atmosphériques), les déflecteurs bordant les feux ainsi que les logos « Turbo » sur les montants derrière les portières arrière passant ainsi à la trappe. Lors du millésime suivant (1987), la Turbo se voit dotée d’un système d’antiblocage ABS de marque Teves (qui remplace donc l’ancien autobloquant ZF), un équipement dont bénéficiera aussi la version V6. Une autre évolution technique notable est le montage d’une direction à assistance variable mise au point par la firme Bendix. L’équipement de série se voit réduit, avec la suppression de la télécommande de verrouillage centralisé (qui ne sera restée qu’un an à peine au catalogue) ainsi que des glaces électriques arrière et de la temporisation du plafonnier.

Pour ce qui sera son avant-dernier millésime de présence au sein de la gamme Peugeot (tout du moins en Europe), la Turbo se voit, à nouveau, équipée d’un système autobloquant, avec un différentiel d’origine Torsen sur l’essieu arrière (celui-ci présentant l’avantage, non négligeable, d’être compatible avec le système de freinage ABS).

Si, en France ainsi que sur le reste des marchés européens, la 505 Turbo quitte la scène au début de l’été 1989, de l’autre côté de l’Atlantique, en revanche, elle se verra accorder une prolongation (ou un « sursis ») de deux ans, jusqu’en 1991. Date à laquelle la marque au lion, qui était le dernier constructeur français encore présent au pays de l’oncle Sam depuis le retrait de Renault, en 1987, décidera, à son tour, de quitter le marché américain.

C’est aussi cette même année 1991 que les dernières versions de la Peugeot 505 disparaîtront à leur tour du catalogue français, celle qui restera dans l’histoire comme le dernier modèle à propulsion de la marque faisant alors valoir ses droits à la retraite. Désormais, l’intégralité des Peugeot sportives (qu’il s’agisse des berlines familiales comme des citadines, des compactes ainsi que des coupés) adoptera la traction avant.

Philippe ROCHE

Photos Wheelsage

En vidéo https://www.youtube.com/watch?v=O_nRGWsIeOM&ab_channel=OptionAuto

Une autre Peugeot sportive https://www.retropassionautomobiles.fr/2022/10/peugeot-405-t16/

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