MATRA RANCHO - Faux tout-terrain mais vrai véhicule de loisirs.

MATRA RANCHO – Faux tout-terrain mais vrai véhicule de loisirs.

Les débuts du groupe Matra en tant que constructeur automobile trouvent leurs origines dans le rachat, en 1964, de l’artisan-constructeur René Bonnet (dont le dernier modèle, la petite berlinette Djet, continuera alors sa carrière sous ce nouveau nom), suivi, quatre ans plus tard, du premier vrai modèle de la marque, la 530.

Ces deux modèles ne connaîtront, toutefois, sur le plan commercial, qu’une carrière assez marginale, c’est pourquoi Matra décide alors de « passer à l’échelle supérieure », en lançant alors l’étude d’un coupé aux lignes cunéiformes (devenues à la mode sur les voitures sportives en ce début des années 70), baptisé Bagheera. Celui-ci, outre des lignes plus modernes, se distingue de ses concurrentes par une caractéristique inédite jusqu’ici en ce qui concerne l’agencement de l’habitacle, avec trois places de front (un siège séparé pour le conducteur et une banquette à deux places pour les passagers). En ce qui concerne son architecture technique, exit le moteur V4 Ford de la 530, le moteur (ainsi que le reste des organes mécaniques) provenant désormais de la banque d’organes de Simca (le nouveau coupé Matra étant d’ailleurs vendu au sein du réseau de la marque, ce qui explique que la voiture soit vendue sous le nom de Matra-Simca Bagheera).

BAGHEERA

Si Matra peut alors miser sur ses nombreux succès remportés en compétition pour asseoir l’image de son nouveau modèle auprès de la clientèle visée, la firme décide toutefois, peu de temps après, de se retirer du monde de la course automobile. Bien que la Bagheera rencontra un beau succès commercial pour un coupé au caractère encore « semi-artisanal » et qui s’inscrivait sur un marché de niche, surtout dans un contexte où l’éclatement de la première crise pétrolière rendait, aux yeux de beaucoup, les voitures de sport « politiquement incorrectes ». (Même si la Bagheera n’avait, en réalité, que l’apparence d’une sportive, son quatre cylindres ne délivrant, dans sa version la plus puissante, que 90 chevaux ne lui permettant guère en effet, de prétendre à battre des records de vitesse).

Si la Murena, qui prend sa succession en 1980, reprend la même recette, tant en ce qui concerne son style que sur le plan technique, Matra a toutefois bien pris conscience qu’entretemps, le paysage automobile français a bien changé. La compétition n’est désormais, pour Matra, qu’un beau mais déjà lointain souvenir et, outre un prix du litre d’essence qui a de quoi refroidir les ardeurs des amateurs de performances, une nouvelle catégorie de sportives populaires menace désormais les coupés traditionnels. Celle-ci portant un nom se résumant en trois lettres qui deviendront bientôt mythiques et seront à l’origine d’un phénomène qui prendra rapidement de l’ampleur en ce début des années 80 : GTI.

MURENA

Menacé de se retrouver très vite dans une impasse, Matra décide alors de délaisser ce segment, sur lequel il avait pourtant bâti toute (ou, en tout cas, une grande partie) de sa notoriété mais où il n’y avait, à présent, sans doute plus guère d’avenir pour lui. La firme de Romorantin partant alors vers des terres jusqu’ici, en grande partie, « inexplorées » (tout du moins par les constructeurs de l’Hexagone). Un créneau, certes encore au stade embryonnaire, semble, toutefois, porteur d’un véritable potentiel aux yeux de Philippe Guédon, le responsable de la division automobile du groupe Matra : celui de ce que l’on surnomme alors les « voitures vertes ».

Entendons-nous bien : il n’est encore nullement question ici de voitures hybrides et, encore moins, entièrement électriques (lesquelles relèvent encore, quasiment, en cette fin des seventies, du domaine de la science-fiction). Cette appellation désignant alors des véhicules tout-terrains (même si tous ne sont pas, pour autant, équipés de quatre roues motrices) ou qui en ont l’apparence et qui sont destinés aux loisirs tels que les balades à la campagne durant le week-end ou les vacances. Un créneau qui a commencé à émerger en Europe au début des années 70 avec l’arrivée du Range Rover mais qui reste encore assez marginal.

(L’une des raisons étant que, sur le Vieux Continent, ce dernier reste encore le seul dans sa catégorie, son premier véritable concurrent européen, le Mercedes Classe G, ne faisant son apparition qu’en 1979. A la même époque que les tout-terrains japonais tels que le Toyota Land Cruiser Station-Wagon, le Nissan Patrol ainsi que le Mitsubishi Pajero. Même s’il est vrai que ces trois derniers, bien qu’ils fassent presque figure, en ce qui concerne le confort et l’équipement, de « limousines » par rapport aux tout-terrains « originels », tels que le mythique Land Rover, seront plus souvent utilisés, lors de leurs débuts chez nous, comme des « bêtes de somme » plutôt que pour se promener avec la famille lors de la belle saison).

MATRA RANCHO - Faux tout-terrain mais vrai véhicule de loisirs.

Comme cela avait déjà été le cas, s’agissant de la partie mécanique du coupé Bagheera, Matra, en dépit de l’inventivité des ingénieurs ainsi que des stylistes de son bureau d’études, ne disposant pas de moyens comparables à ceux des géants de l’industrie automobile française (Citroën, Peugeot, Renault et Simca, pour ne pas les nommer) va devoir (même s’il est vrai qu’elle a souvent l’habitude) réaliser son nouveau véhicule de loisir « à l’économie ». C’est-à-dire en empruntant et en recyclant un maximum d’éléments déjà existants. En ce qui concerne les motorisations, la transmission et tout le reste des organes mécaniques, les hommes de Matra savent déjà qu’ils pourront se fournir, sans difficulté, au sein de la banque d’organes (assez bien fournie) de Simca (ou, plus exactement, de Chrysler France, puisqu’il s’agit du nouveau nom officiel de Simca depuis que le groupe américain est devenu le seul actionnaire de la marque en 1970).

Toutefois (et, là aussi, pour faire au moins cher), comme une partie de la carrosserie devra aussi provenir d’un modèle déjà existant, Guédon et ses hommes jugent que la fourgonnette VF2 (la version utilitaire de la Simca 1100) fera très bien l’affaire. C’est ainsi toute la partie avant (y compris les portières) qui sera utilisée, en se voyant greffer une cellule arrière inédite, laquelle, si elle utilise une structure métallique, se voit habillée de panneaux réalisés en polyester. Cette cellule rallonge nettement le porte-à-faux à l’arrière afin d’offrir la meilleure habitabilité pour les occupants arrière ainsi qu’un espace suffisant pour les bagages (l’empattement restant, quant à lui, identique à celui de la fourgonnette d’origine). Outre un toit rehaussé sur la partie arrière, la cellule en question se caractérise également par ses imposantes « baies vitrées » transformant presque l’arrière de la nouvelle Matra Rancho en « aquarium ».

MATRA RANCHO - Faux tout-terrain mais vrai véhicule de loisirs.

En ce qui concerne l’esthétique, sur la partie avant abandonne tout élément d’accastillage chromé pour des éléments en plastique noir, permettant ainsi de lui offrir le look de baroudeur devant refléter, de la manière la plus illustrative et sans équivoque, la vocation de l’enfin (et aussi, accessoirement, masqué ses origines utilitaires. Outre un pare-chocs bien épais (que l’on retrouvera aussi à l’arrière), la Rancho reçoit, en outre, une calandre grillagée avec deux optiques additionnelles ainsi qu’un pare-buffle. Les flancs recevant, quant à eux, des élargisseurs pour les passages de roues (destinés autant à parfaire le style « tout-terrain » de la Rancho qu’à permettre le montage de pneus en taille large) ainsi que des protections latérales sur les flancs (elles aussi, évidemment, en plastique noir).

En ce qui concerne la motorisation, Simca ne disposant toutefois, dans son catalogue, que des quatre cylindres à l’architecture tout ce qu’il y a de plus classique (et donc guère performant), celle-ci devra donc se contenter, faute de mieux, du moteur de 1 442 cc et 80 chevaux de la Simca 1308 GT (à laquelle la Rancho emprunte aussi l’embrayage), la boîte de vitesse provenant, de son côté, de la Simca 1307. Si la Rancho n’est pas un véritable 4×4, puisqu’elle n’est dotée que de deux roues motrices et qu’elle n’a donc pas pour vocation de « grimper aux arbres », il n’en reste pas moins que la puissance du quatre cylindres Simca apparaît un peu « juste » (c’est-à-dire limitée) dans certaines conditions d’utilisation, notamment sur autoroutes. A l’image de sa boîte ne comportant que quatre vitesses et ne permettant guère d’exploiter au mieux tout le potentiel du moteur, dont la sonorité assez « agricole » peut devenir assez désagréable dans les hauts régimes. Malheureusement pour la Rancho, ce sera la seule motorisation qui l’équipera tout au long de sa carrière.

Bien qu’étant une création 100 % française, c’est à l’occasion du Salon automobile de Genève, en mars 1977, que la Matra Rancho sera dévoilée au public (même si la commercialisation effective n’interviendra qu’au mois de juin suivant). Pour parfaire son look de baroudeur, parmi les options proposées figurent des phares orientables, greffés à la base du pare-brise ainsi qu’un treuil électrique fixé, lui, sur le pare-chocs avant. (Sans doute bien pratique pour se sortir de l’ornière dans le cas des propriétaires qui se seraient montrés un peu trop aventureux ou téméraires et qui auraient oublié que la Rancho n’affichait pas les mêmes capacités en dehors des sentiers battus qu’un Land Rover).

Si elle ne propose, en version « standard », qu’une banquette à deux places derrière les deux sièges arrière, l’espace important offert par sa cellule arrière permettra de proposer également l’installation d’une seconde banquette (installée dos à la route toutefois, comme dans de nombreux breaks de l’époque, ce qui n’était pas toujours pratique pour les passagers à l’estomac un peu « fragile »). Ainsi qu’un amusant (mais aussi très pratique) lit à deux places, lequel se fixe au niveau des baies vitrées (permettant ainsi de conserver l’espace du coffre et donc de ne pas être obligé de sortir les bagages pour pouvoir dormir).

Si elle peut se prévaloir d’une « bonne tête » ainsi que de nombreux aspects pratiques, il faut toutefois souligner que la Matra Rancho n’est pas véritablement une voiture « bon marché », puisqu’elle est affichée à un prix de vente comparable à celui d’une Peugeot 504 en version TI ou d’une Renault 20 TL. Certains, aussi bien au sein de la presse automobile que du public, ne se privant d’ailleurs pas pour déclarer qu’elle fait payer un peu cher sa différence. Ce qui ne l’empêchera pas, cependant, de connaître, dès son lancement, un succès fort appréciable (sa meilleure année de vente se situant en 1979, avec un peu plus de 13 700 exemplaires produits). Au vu de l’engouement suscité par son « pseudo tout-terrain » (sans doute aussi dû au fait qu’elle n’a aucune véritable concurrente, en tout cas au sein de la production française), elle ne connaîtra, durant les trois premières années de sa carrière, que des changements mineurs (montage d’une prise de diagnostic pour le système d’allumage ; crochet d’attelage disponible, désormais, uniquement en option et d’autres détails d’équipement) jusqu’en 1980.

C’est à cette date que la Rancho connaîtra ses premières vraies grandes évolutions. En premier lieu, avec le lancement d’une version Grand Raid, laquelle, extérieurement, se caractérise par sa teinte de carrosserie « Vert Maquis » satiné spécifique, ses deux roues de secours fixé sur le toit de la cellule arrière (lesquels sont équipés de pneus à crampons afin de pouvoir ainsi optimiser ses capacités en franchissement sur les terrains difficiles). Les autres équipements spécifiques à la Grand Raid comprenant le montage d’une tôle de protection pour la mécanique ainsi que le réservoir de carburant, un différentiel à glissement limité (là aussi, comme pour les pneus à crampons, pour la conduite hors des sentiers battus, afin de compenser, autant que possible, l’absence d’une transmission intégrale). Si la motorisation que l’on retrouve sur celle-ci reste, dans ses grandes lignes, identiques à celles des versions « courante » de la gamme Rancho, elle a toutefois été sensiblement retravaillée, avec un taux de compression réduit, afin de pouvoir ainsi fonctionner avec une essence à faible indice d’octane.

MATRA RANCHO - Faux tout-terrain mais vrai véhicule de loisirs.

Sans doute conscient qu’au vu des capacités de charge importantes de la Rancho, surtout une fois la banquette arrière rabattue (merci l’imposante cellule arrière), une part assez importante de la clientèle de la Rancho utilise souvent celle-ci comme véhicule utilitaire, Matra présente alors, à peu près à la même époque que la Grand Raid, la version AS (des initiales qui font référence à l’appellation « Affaires et Sociétés »). Celle-ci se différenciant des autres Rancho par l’absence de la banquette derrière les sièges avant, permettant ainsi de libérer entièrement l’espace de la cellule arrière pour le chargement de marchandises en tous genres. Ce qui lui permet ainsi d’être considéré comme un « véritable » utilitaire et de bénéficier ainsi de la TVA récupérable. La troisième et dernière nouveauté étant le lancement, à l’autre extrémité de la gamme, d’une version « X », bénéficiant d’une finition plus cossue, avec (entre autres) la peinture métallisée, un plancher recouvert de moquette, des jantes en aluminium ainsi que des vitres teintées.

Un autre changement important à signaler concerne le nom sous lequel est, désormais, commercialisée la Rancho. On ne parle maintenant plus, en effet, de Matra-Simca mais, à présent, de Talbot-Matra. Suite au rachat de l’ensemble des filiales européennes de Chrysler (ce qui comprend, non seulement, Simca en France mais également Rootes en Grande-Bretagne et Barreiros en Espagne) par Peugeot, celui-ci décide de rebaptiser l’ensemble des modèles déjà existants au sein de la gamme française sous le nom de Talbot. (Un nom dont Simca était devenu propriétaire après le rachat de la firme Talbot-Lago, autrefois renommée pour ses voitures de sport et de prestige, à la fin des années 1950. Un choix de stratégie marketing dut à la volonté de la marque au lion de pouvoir vendre les anciennes Simca, ainsi que les nouveaux modèles alors en préparation, sur le marché britannique. Or, là-bas, bien que l’ancienne filiale anglaise de la firme Talbot, rachetée par le groupe Rootes au même moment où Anthony Lago rachetait la filiale française, ait disparu du paysage automobile d’outre-Manche au milieu des années 50, le nom était, toutefois, resté assez populaire auprès du public anglais).

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C’est donc sous ce nouveau nom, apposé sur le capot des différentes versions de la Rancho, que le (pseudo-)tout-terrain de Matra poursuivra sa carrière commerciale. La gamme de cette dernière continuant de se diversifier, avec la commercialisation d’une version découvrable. L’idée, en elle-même, était, à la fois, assez judicieuse et, même, assez « logique » (poursuivant ainsi, plus avant encore, le concept de « voiture verte » ou de « véhicule de loisir » que la Rancho voulait incarner depuis son lancement). Cette Rancho « à ciel ouvert » visant, sans doute, également, à concurrencer des modèles comme la Citroën Méhari et la Renault Rodéo, en offrant, toutefois, par rapport à ces dernières, une habitabilité ainsi qu’une capacité de charge utile bien meilleures (ceci, évidemment, grâce à un gabarit nettement supérieur). La Méhari comme la Rodéo étant, elles aussi, souvent utilisées par leurs propriétaires comme utilitaire occasionnel, Matra décidera de la proposer également en version AS à deux places. Malheureusement pour elle, la Rancho découvrable se voit handicapée par des bâches qui, par mauvais temps (et surtout en cas de fortes pluies), n’offrent qu’une étanchéité assez « relative » (voire médiocre). Il ne s’en vendra qu’une petite centaine, en tout et pour tout, avant de disparaître du catalogue, un peu plus d’un an seulement après son apparition au sein de celui-ci.

En outre (et bien que la Méhari de Citroën continuera sa carrière jusqu’en 1987), en ce début des années 80, le segment des véhicules « tous chemins » ou « de loisir » (au sens large du terme, dans les deux cas) ne semble plus aussi porteur que ce qu’il avait été durant la décennie précédente. Il est vrai que le développement du marché des tout-terrains, avec l’arrivée de nouvelles venues, plus confortables, mieux équipées et présentant donc un caractère plus polyvalent que le Land Rover et autres 4×4 « purs et durs » a sans doute créé (de manière plus ou moins inattendue) une nouvelle concurrence pour la Matra Rancho. A choisir, une partie de la clientèle, même lorsqu’elle ne s’amuse tout le temps pas à traverser des rivières ou à grimper des pentes abruptes, préfère partir crapahuter au volant d’un engin doté de quatre roues motrices. Ayant bien compris que, sur route comme sur la terre, les graviers ou les rochers, celle-ci offrant une adhérence ainsi qu’une sécurité bien supérieure.

En ce qui concerne le reste de la gamme, celle-ci ne connaît guère, durant ce millésime 1981, d’évolutions (techniques ou esthétiques) majeures. Les seuls changements notables étant le montage d’une nouvelle banquette fractionnable en deux parties inégales (1/3 – 2/3) ainsi, s’agissant de la production de la Rancho au sein de l’usine de Romorantin, d’un nouveau traitement de protection de la carrosserie par cataphorèse, offrant une meilleure protection de celle-ci contre la rouille (le constructeur offrant même, à présent, une garantie anti-corrosion d’une durée de six ans, ce qui était encore loin d’être la norme à l’époque).

MATRA RANCHO - Faux tout-terrain mais vrai véhicule de loisirs.

Lors du millésime 1982, la Rancho « X » bénéficie du montage de nouvelles jantes ainsi, dans l’habitacle, d’une nouvelle sellerie en velours ains que d’un cache-bagages souple (auquel aucune autre version de la Rancho n’avait eu droit jusqu’ici, tout du moins en série). Comme la découvrable, la Grand Raid quitte, elle aussi, la scène. En forme de « lot de consolation » les clients se voient toutefois proposer un nouveau pack optionnel qui reçoit (justement) l’appellation Raid (même s’il n’est toutefois proposé qu’avec les finitions de base et AS).

Parallèlement (sans est-ce, en partie, pour suivre la mode du moment chez les constructeurs français), plusieurs séries limitées font leur apparition. On trouve ainsi la Midnight, caractérisée, notamment, par sa carrosserie en noir et rouge ainsi que son accastillage chromé et équipant, dans l’habitacle, d’une chaîne hi-fi à quatre hauts parleurs. Présentée en 1981, il n’en sera toutefois produit qu’une centaine d’exemplaires seulement.

Il faut aussi mentionner la série limitée « Jeanneau Wind », caractérisée par sa carrosserie ainsi que ses jantes peintes en blanc, sa décoration extérieure spécifique ainsi que sa sellerie de couleur noire. Ainsi que la « Loisirs », dotée (entre autres) d’un garnissage intérieur bleu avec des sièges avant habillés d’une sellerie en passe-poil blanc ; un levier de vitesse, lui aussi, teint en blanc et surmonté d’un pommeau teint en bleu ; une carrosserie peinte en blanc avec des monogrammes ainsi qu’un double filet bleu sur les flancs.

Pour en revenir au coupé Matra Bagheera, l’une des versions les plus emblématiques de celle-ci est la Courrèges, du nom d’André Courrèges, un célèbre couturier français de l’époque. Celle-ci se distinguant par sa carrosserie ainsi que sa sellerie entièrement teintée en blanc. Si Courrèges étudia également une version similaire sur base de la Rancho, cette dernière, contrairement à la Bagheera, restera, malheureusement, à l’état de prototype.

Après avoir atteint son record de ventes en 1979, les ventes de la Rancho ne cesseront ensuite, toutefois, de baisser, lentement mais sûrement. Dès l’année suivante (1980), celles-ci redescendent, en effet, à moins de 8 400 exemplaires, pour ne plus atteindre qu’un peu plus de 7 400 unités en 1981 et environ 6 330 en 1982. (Précision : les dates mentionnées correspondant aux années calendaires et non aux années-modèles). La concurrence des nouveaux tout-terrains (notamment ceux proposés par les constructeurs japonais) étant passée par là. Sans compter que la mode des « voitures de loisirs » appartient est, désormais (ou en grande partie) terminée (dans l’automobile comme dans tous les autres domaines, les modes finissent toujours par se démoder, parfois même assez rapidement).

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L’autre raison de ce déclin commercial que connaît alors la Rancho en ce début des années quatre-vingt vient aussi (indirectement mais de manière, sans doute, bien concrète) des difficultés assez importantes que connaît alors le groupe PSA. Celles-ci se répercutant sur les finances de la firme de Romorantin (le groupe, formé par la fusion, en 1974, de Peugeot et Citroën, étant, en effet, actionnaire de Matra), celle-ci affichant bientôt des pertes mensuelles qui atteignent, en moyenne, les dix millions de francs ! Outre la Rancho, le coupé Murena est, lui aussi, sur le déclin, balayé (comme beaucoup d’autres dans sa catégorie) par la nouvelle vague des GTI.

Dans ces conditions, la direction de Matra décide de concentrer et de miser tous ses efforts sur un nouveau projet qui, à l’image de la Rancho à son lancement, se veut, lui aussi, inédit dans son genre. Celui d’un van compact offrant une habitabilité digne de celle d’un fourgon ou d’un minibus mais avec un agencement de l’habitacle plus élaboré ainsi qu’une présentation et un niveau d’équipement nettement supérieures à ces derniers. En toute logique, c’est d’abord à la direction de PSA que Matra présente son projet (dont l’inspiration trouve son origine dans les mini-vans américains, qui connaissent alors un fort engouement outre-Atlantique). Outre le fait qu’ils se montrent fort sceptiques quant à la pertinence de ce nouveau concept d’un point de vue commercial et, en plus de ne pas avoir donc véritablement l’envie de se lancer dans cette aventure, le constructeur n’en a alors, de toute manière, plus vraiment les moyens.

Le rachat, en l’espace de quelques années, de Citroën et ensuite des trois filiales européennes de Chrysler, ayant été très (voir trop) lourd à digérer et les bilans comptables du groupe basculent alors de plus en plus dans le rouge. Le bureau d’études, commun à Peugeot et Citroën, travaillant alors d’arrache-pied aux deux nouveaux modèles qui doivent permettre à deux marques de sortir de l’ornière et de se remettre sur les rails : la 205 pour le lion et la BX pour les chevrons. PSA se séparant d’ailleurs, progressivement, au début de l’année 1983, des parts qu’il possédait au capital de Matra.

MATRA RANCHO - Faux tout-terrain mais vrai véhicule de loisirs.

Un peu en « désespoir de cause », Matra s’adresse au seul autre grand constructeur français qui puisse, éventuellement, être intéressé par un « van à la française » : Renault. Bien que sa situation financière ne soit, là non plus, pas vraiment idyllique à l’époque, la direction du losange croit, elle, au contraire de son rival, dans la pertinence de ce concept et la suite lui donnera d’ailleurs (largement) raison. Bien que sa production sera bien assurée par Matra, ce sera toutefois sous le seul nom de Renault que le nouvel Espace sera commercialisé, en 1984.

Ce nouveau contrat avec la Régie Renault assure ainsi l’avenir de Matra et celui-ci (convaincu également, le premier, du succès que ne manquera pas de remporter ce modèle qui va inaugurer une nouvelle catégorie sur le marché européen, celui des monospaces)  a alors besoin de la totalité des capacités de production disponibles au sein de son usine de Romorantin. Condamnant ainsi la carrière de la Murena comme de la Rancho. La production de cette dernière prenant fin en décembre 1983, après 56 457 exemplaires (toutes versions confondues) très exactement. (Même si Matra mettra encore plusieurs mois pour écouler ses stocks, le modèle ne disparaissant, ainsi, officiellement, des tarifs de la firme de Romorantin qu’en juillet 1984). Désormais, pour Matra, une nouvelle ère commence, celle de l’Espace.

Philippe ROCHE

Photos WIKIMEDIA

En vidéo https://www.youtube.com/watch?v=6sYHqo8Frc0&ab_channel=PetitesObservationsAutomobiles

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