WARTBURG 353 – L’autre icône est-allemande.

Au printemps 1945, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’usine BMW située à Eisenach, en Thuringe, est confisquée et nationalisée par les autorités d’occupation soviétiques. Rapidement relevée de ses ruines, celle-ci parvient même à reprendre la production des voitures, ainsi que celles des motos, quelques mois seulement après la fin des hostilités.

En 1955, l’usine, rebaptisée AWE (pour AutomobilWerk Eisenach), abandonne toutefois la production des anciens modèles BMW au profit d’un nouveau modèle inédit, la Wartburg 311. (Un nom choisit en référence, à la fois, au célèbre château du même nom qui domine la ville d’Eisenach et qui servit de lieu d’asile à Martin Luther, le fondateur du protestantisme, ainsi qu’au nom que porta également la première voiture construite à Eisenach, en 1898).

En septembre 1966, à l’occasion de la foire de Leipzig, est dévoilée la seconde génération des berlines Wartburg : la 353. Bien que due au même styliste que la 311, Hans Fleischer, le nouveau modèle marque néanmoins une rupture profonde avec celle qu’elle remplace. Les lignes arrondies de l’ancienne 311, typique de celles des voitures des années 50, ayant, en effet, cédé la place à un style entièrement nouveau, où prédominent désormais les arêtes vives et les angles droits qui semblent avoir été dictées, avant tout, par un souci de fonctionnalité, plus que d’esthétique au sens strict du terme.

WARTBURG 353 - L'autre icône est-allemande.
WARTBURG 311 (1956 – 65)

Ce qui étonne nombre d’observateurs de l’époque sur la nouvelle Trabant est la parfaite symétrie de ses lignes entre les parties avant et arrière. En dehors de la ligne de caisse partant des clignotants latéraux, à l’extrémité des ailes avant, jusqu’aux feux arrière, sur les flancs, ainsi que de légères nervures des deux côtés du capot, près des phares, tous les panneaux de carrosserie de la Wartburg ont pour particularité de présenter des surfaces parfaitement lisses. Débordant nettement sur les flancs de la voiture, la forme particulière du dessin du capot et de la malle de coffre permettent d’avoir aisément accès à la mécanique ainsi qu’au compartiment à bagages (même si, concernant celui-ci, le fait que la couvercle de la malle ne descende pas jusqu’au pare-chocs et le seuil de chargement assez haut que cela engendre ne facilite pas celui-ci pour les bagages lourds ou encombrants). Si, vue de profil, la voiture présente également un pavillon de toit assez « haut perché », cela lui permet néanmoins, grâce aussi à des montants très fins autour du pare-brise et entre les portières, d’offrir une importante surface vitrée apportant une grande luminosité dans l’habitacle. Si elle est probablement apparue quelque peu « austère » au moment de sa présentation, la ligne de la Wartburg 353 n’en présente pas moins un aspect très moderne, surtout par rapport à la plupart de ses concurrentes de l’époque (à l’Est comme à l’Ouest du Rideau de Fer).

WARTBURG 353 - L'autre icône est-allemande.

Il n’y a d’ailleurs pas que sur le plan esthétique que la Wartburg fait preuve d’une certaine modernité mais aussi en ce qui concerne sa fiche technique. Là non plus, celle-ci n’a, en effet, pas à rougir face aux voitures de l’Ouest. S’il est vrai que, concernant ces dernières, la traction avant, dont est dotée la Wartburg, a déjà commencé, en ce milieu des années soixante, à se généraliser, même sur les voitures les plus populaires, tout comme la suspension à quatre roues indépendantes, au sein de la production automobile des pays de l’Est, l’une comme l’autre restent encore assez rares (beaucoup restant encore fidèles à la propulsion ainsi qu’à l’essieu arrière rigide). Celles-ci, ajoutées à une très bonne répartition des masses, permettent aussi à la nouvelle berline est-allemande d’offrir un très bon comportement routier.

Sur le plan de la sécurité active et passive, elle témoigne, là aussi, d’une conception soignée et très bien pensée que l’on ne s’attendrait sans doute pas à trouver sur une voiture produite au sein d’un régime communiste. Prouvant par là-même que le talent et les compétences des ingénieurs automobilistes des pays de l’Est n’avaient souvent rien à envier à leurs confrères occidentaux (même s’il est vrai que ceux-ci furent souvent bridés par la faute d’un pouvoir rigide ainsi que d’une bureaucratie bien trop procédurière). Ainsi, la seconde génération des berlines Wartburg bénéficie, non seulement, d’une carrosserie dotée de zones déformables, d’un réservoir d’essence placé sous la banquette arrière (et non pas sous le coffre, comme cela est généralement le cas) afin d’être ainsi mieux protégé contre les chocs (l’éloignement de celui-ci du porte-à-faux évitant les risques de fuite et d’incendie en cas de collision frontale et les roues arrière, des deux côtés du réservoir, assurant également une protection efficace en cas de chocs latéraux).

WARTBURG 353 - L'autre icône est-allemande.
WARTBURG 353 (1966 – 85)

Dans l’habitacle, la sécurité du constructeur et des passagers a, ici aussi, été prise en compte, avec un tableau de bord capitonné de mousse de polyuréthane ininflammable. Ceci, pour ne citer que les caractéristiques les plus marquantes de la Wartburg sur le plan sécuritaire. Celui-ci sera, en outre, encore amélioré sur la version 353W, présentée en mars 1975 (le « W » faisant d’ailleurs référence au terme « améliorée » en allemand). Sur cette dernière, la structure composant la cellule de l’habitacle bénéficie de nouveaux renforts évitant les déformations en cas de collision ou de tonneau. Un nouveau dispositif empêchant également l’ouverture inopinée des portières en cas d’accident. A l’intérieur, le conducteur bénéficie, à présent, d’une nouvelle colonne de direction déformable en cas d’accident, ainsi, comme les autres occupants*, que d’une ceinture de sécurité à tige centrale. Un autre changement d’ordre pratique est l’emplacement du levier de vitesses, qui se trouve à présent installé au plancher (auparavant sur la colonne de direction, derrière le volant). Le tout complété par un nouveau tableau de bord ainsi que des sièges et une sellerie qui ont été, eux aussi, redessinés. Au vu de ce tableau très flatteur sur le plan de la sécurité*, d’aucuns (en tout cas en ce qui concerne le public ainsi que les journalistes de la presse automobile occidentale) que cette modernisation ainsi que cette conception technique très moderne pour l’époque ne se soit pas étendue aussi à la mécanique.

Sous le capot de la Wartburg 353, c’est, en effet, l’éternel trois cylindres deux-temps que l’on retrouve, un moteur déjà bien connu des propriétaires de Wartburg, puisqu’il équipait déjà les précédentes 311 et 312 et qu’il est d’ailleurs monté « tel quel » sur le nouveau modèle, c’est-à-dire sans avoir subi aucune modification significative. Cette motorisation n’a, en outre, pas été conçue, à l’origine, par et pour les modèles de la forme d’Eisenach mais par le groupe Auto-Union au milieu des années 1930 pour les modèles de la marque DKW (la division la plus populaire du groupe, c’est-à-dire dont les modèles sont les plus diffusés et qui sera également la seule dont la production des modèles sera reprise après la guerre).

WARTBURG 353 - L'autre icône est-allemande.
WARTBURG 353 (1966 – 85)

Après avoir servi à motoriser les IFA F8 et F9 (dérivées ou inspirées des DKW d’avant et d’après-guerre), cette motorisation va donc se voir offrir une nouvelle carrière sur les Wartburg produites en Thuringe. Si elle sera aussi prisée et produite en grande série par un certain nombre de constructeurs occidentaux, notamment Saab en Suède (et pour cause, puisque les moteurs que l’on retrouve sur les premiers modèles du constructeur suédois sont inspirés, dans leur conception, de celle des DKW d’avant-guerre). S’il n’est donc pas inconnu des automobilistes occidentaux, lesquels, durant les quinze ou vingt ans de l’après-guerre ont appris à en apprécier les qualités*, il faut cependant avouer qu’au milieu des années soixante, à l’époque où débute la carrière de la 353, le privilège du moteur deux-temps a, toutefois, clairement avoué ses limites et semble con (en tout cas selon les critères en vigueur à l’Ouest) être devenu anachronique (notamment en matière de bruit ainsi que d’émission de pollution).

WARTBURG 353 - L'autre icône est-allemande.
WARTBURG 353 (1966 – 85)

Alors que la Wartburg 311 avait eu droit à un grand nombre de carrosseries (coupé, cabriolet, roadster, torpédo militaire ainsi que deux sortes de breaks), la 353 n’est d’abord proposée, à son lancement, uniquement qu’en berline, le break (recevant l’appellation Tourist) ne faisant son apparition au catalogue qu’un an plus tard, à l’automne 1967. Elles resteront, pendant quinze ans, les deux seules carrosseries proposées au catalogue, jusqu’à l’apparition de la version pick-up (baptisé Trans) en 1982, qui restera toutefois le seul dérivé utilitaire réalisé sur cette génération des modèles Wartburg. Si un certain nombre d’autres carrosseries conçues par le bureau d’études afin de prendre la succession des coupés et décapotables de la 311, furent aussi envisagée, aucune d’entre-elles ne connaîtra toutefois de suite en série, faute d’avoir reçu d’autorisation de la part des autorités de tutelle ou, dans d’autres cas, pour des raisons financières (la direction de l’usine d’Eisenach ayant finalement estimée que leur production en grande série serait insuffisamment rentable).

WARTBURG 353 - L'autre icône est-allemande.
WARTBURG 353 (1966 – 85)

A l’image de la Trabant produite à Zwickau, la Wartburg 353, même si elle ne la surpassera pas en termes de longévité, connaîtra, elle aussi, une carrière fort longue : vingt-cinq ans au total (contre vingt-sept pour la Trabant). Lors de son lancement, en 1966, ses concepteurs de l’Est (comme AWZ, le constructeur de la Trabant, ou Skoda en Tchécoslovaquie ainsi que Dacia en Roumanie). Bien que certains s’avérèrent très modernes (même en regard des critères occidentaux) et furent menés à un stade assez avancé, là aussi, aucun ne sera jamais produit en série sur les chaînes d’assemblage de l’usine d’Eisenach, faute d’avoir reçu l’accord des représentants du gouvernement pour leur commercialisation. Etant, dès lors, condamné, en quelque sorte, à « vivre sur ses acquis », le constructeur AWZ tentera néanmoins, régulièrement (bien qu’en devant faire avec « les moyens du bord ») de mettre à jour la 353. Celle-ci connaîtra ainsi, jusqu’à la fin des années 80, un certain nombre de modifications et d’améliorations, tant sur le plan technique qu’esthétique (plus ou moins importants suivants les cas).

WARTBURG 353 - L'autre icône est-allemande.
WARTBURG 353 BERLINE ET BREAK (1966 – 85)

Si énumérer ici en détail la totalité des modifications qu’a connu la Wartburg 353 durant toutes ces années serait aussi compliquée que fastidieuse, il est néanmoins de mentionner les principales d’entre-elles, notamment celles qui permettent de dater la période de production de telle ou telle voiture (pour autant, évidemment, qu’elle soit restée dans son état d’origine). Les premières modifications intervenant à peine quelques mots seulement après la présentation de la 353, à la fin de l’année 1966, avec le montage de deux nouvelles grilles d’aération devant le pare-brise à la place de la seule grille d’aération montée auparavant sur les premières voitures sorties d’usine. Sur le plan technique, il est à noter que les premières 353 ne bénéficient pas encore d’une boîte de vitesses entièrement synchronisée et que celle-ci ne sera montée sur la Wartburg qu’à partir de l’été 1967. Deux ans plus tard, à partir de juin 1969, la voiture bénéficie d’un nouveau tableau de bord équipé d’un nouveau cadran rond pour la vitesse qui remplace le compteur à bande de forme allongée qui était monté précédemment. Parallèlement, le moteur voit sa puissance augmentée, passant ainsi de 45 à 50 chevaux grâce au montage d’un nouveau carburateur plus performant ainsi que grâce à de nouveaux réglages sur la mécanique. La Wartburg recevant, à cette occasion, la nouvelle dénomination 353/1 pour le marché intérieur et 353 S à l’exportation. En 1972, les butoirs de pare-chocs, auparavant chromés avec un rembourrage de caoutchouc plein afin d’offrir une meilleure protection ainsi qu’une meilleure résistance en cas de collision frontale.

WARTBURG 353 - L'autre icône est-allemande.

Après la série de changements et d’améliorations déjà décrites précédemment qui interviendront en 1975 et qui vaudront au modèle de la nouvelle dénomination 353 W (auxquelles il faut également ajouté le montage d’une nouvelle planche de bord équipée de deux cadrans ronds), les acheteurs pourront également opter, à partir de l’automne 1978, pour une lunette arrière chauffante. L’accastillage chromé étant désormais passé de mode en cette fin des années 70 (sur les automobiles de l’Est comme de l’Ouest), celui-ci cède sa place, en 1979, au noir mat pour les encadrements de vitres latérales, un traitement qui appliquera aussi aux pare-chocs et à la calandre à partir de l’automne 1983. Entretemps, à l’automne 81, l’habitacle bénéficie d’une refonte avec de nouveaux sièges redessinés équipés d’appui-têtes réglables, de ceintures de sécurité à enrouleur ainsi que d’un nouveau volant (hormis la version de base) et, à l’extérieur, de nouvelles poignées de porte ainsi que de jantes redessinées. Un an plus tard sera présentée une nouvelle version MED (pour « Médicale »). Il s’agit, comme son nom l’indique, d’une ambulance réalisée dans un atelier spécialisé à Halle, sur la base du break Tourist.

C’est un an et demi plus tard, au printemps 1985, que la Wartburg 353* connaîtra son dernier restylage : la face avant est redessinée avec une calandre à barrettes horizontales ainsi que l’entourage de celle-ci et des phares peints de la couleur de la carrosserie, de nouveaux pare-chocs eux aussi redessinés et plus massif à l’avant. Dans l’habitacle, une console centrale placée sous le tableau de bord regroupe désormais l’ensemble des commandes de chauffage. Dans le compartiment moteur, l’emplacement du radiateur* a été changé : il est désormais installé entre la calandre et le moteur et non plus derrière celui-ci comme précédemment. Le modèle bénéficiant également, au même moment, d’un nouveau système d’échappement modifié ainsi que d’un embrayage renforcé. Peu de temps après ce dernier lifting, le 1er octobre 1985, la 1 000 000ème exemplaire de la Wartburg 353 sort des chaînes d’assemblage de l’usine d’Eisenach.

WARTBURG 353 - L'autre icône est-allemande.
WARTBURG 1.3 (1988 – 91

A cette date, le modèle approche maintenant de ses vingt ans d’âge et même si, en ce qui concerne son esthétique, celui-ci parvient toujours d’une certaine façon, à donner le change. En tout cas par rapport à ses concurrentes venues des autres pays de l’Est, car, lorsqu’on la compare avec la plupart des berlines de même catégorie proposées par les constructeurs occidentaux, sa silhouette commence toutefois à apparaître quelque peu désuète. Techniquement parlant, en revanche, la Wartburg avoue clairement l’âge de sa conception. Pour ne pas dire qu’en ce milieu des années 80, elle fait véritablement figure de « dinosaure ». Depuis la disparition, en 1983, de la Syrena polonaise (qui peut, elle aussi, à bien des égards, recevoir ce qualificatif, notamment du fait que sa conception remonte aux années cinquante), les Trabant et Wartburg est-allemandes sont désormais, non seulement au sein des pays du bloc de l’Est mais aussi, tout « simplement », dans le monde, les seules voitures de grande série à « s’obstiner » dans l’utilisation du moteur deux-temps. Lequel apparaît pourtant, à présent, clairement anachronique et même dépassé, tant sur le plan des performances que du bruit ou de la consommation.

WARTBURG 353 - L'autre icône est-allemande.
WARTBURG 353WR (1976 – 84)

Une « obstination » qui n’est toutefois pas à mettre au compte de la direction des deux constructeurs nationaux AWZ et AWE, mais bien sûr celui du pouvoir communiste. Comme il a été mentionné précédemment, la motorisation des « masses populaires » n’a jamais vraiment été le souci premier du pouvoir en place, en Allemagne de l’Est comme dans les autres régimes communistes de l’Est. D’autant que le prix de vente de la Wartburg est sensiblement (voire nettement) plus élevée que celui de la Trabant, ce qui met donc la 353 hors de portée d’un grand nombre de citoyens est-allemands et qu’une part, souvent non négligeable, de la production est destinée à l’exportation, non seulement vers les Républiques socialistes dépourvues d’industrie automobile nationale* (tels que la Hongrie et la Bulgarie) et les pays occidentaux. Concernant celle-ci, dans les deux cas, l’exportation va toutefois commencer à décliner de manière importante à partir du début des années 80.

Malgré les efforts déployés par les ingénieurs d’Eisenach pour tenter de satisfaire aux nouvelles normes en la matière, il apparaît bientôt que le moteur deux-temps de la Wartburg n’est plus en mesure de satisfaire aux nouvelles réglementations européennes. Même au sein des pays du bloc de l’Est, plusieurs marchés, à la même époque, lui ferment ainsi leurs portes. Autant de facteurs qui donnent, en tout cas, des arguments supplémentaires en faveur des ingénieurs du bureau d’études ainsi que de la direction d’AWE, qui militent, depuis un certain temps déjà, auprès des représentants du gouvernement pour une modernisation technique profonde de la 353, voire même, purement et simplement, pour son remplacement par un modèle entièrement nouveau.

WARTBURG 353 - L'autre icône est-allemande.

Outre les réticences constamment émises par les autorités, l’autre problème ou raison principale empêchant les ingénieurs ainsi que la direction de l’usine d’Eisenach de procéder à une modernisation technique de la Wartburg est (comme mentionné précédemment) le manque de moyens financiers, souvent criant, auquel doit faire face son constructeur. Si un partenariat avec un autre constructeur pour la fourniture de moteurs semble donc être la solution la plus simple et la plus économique, là encore, les tracasseries causées par la bureaucratie d’un gouvernement aussi rigide que près de ses sous empêcheront, pendant longtemps, tout projet de ce genre de voir le jour.

Jusqu’à ce que, finalement, en 1983, le gouvernement de la RDA finisse par accepter la proposition émanant du premier constructeur d’Allemagne de l’Ouest, Volkswagen, de monter sur la 353 le quatre cylindres de 1,3 litre déjà bien connu des propriétaires de VW puisqu’on le retrouve sous le capot de la Polo et de la Golf. Le gouvernement de la RDA (d’autant plus convaincu d’accepter ce partenariat avec le « grand frère de l’Ouest » que la plupart de ses représentants ont sans doute fini par prendre conscience que le moteur deux-temps qui équipe les Wartburg depuis le milieu des années 50 est, à présent, complètement dépassé et qu’il sera bientôt condamné à prendre sa retraite) donne finalement son accord et le contrat avec le groupe VAG est donc signé en novembre 1984. L’arrivée sur le marché (que ce soit celui des pays de l’Est ou de l’Ouest) ne se fera toutefois pas tout de suite. D’abord parce que les termes de l’accord précisent que celle-ci ne sera commercialisée qe dans le courant de l’année 1988 et ensuite car (contrairement à ce qu’ils espéraient et ce dont ils étaient convaincus au départ), les ingénieurs est-allemands finissent par se rendre compte, assez rapidement, que la greffe du quatre cylindres d’origine Volkswagen dans le compartiment moteur de la 353 s’avère, non seulement, plus difficile et aussi plus coûteuse que ce qui était initialement prévu. Celle-ci imposant, en effet, à la fois, de revoir complètement l’agencement du compartiment moteur, de concevoir un nouveau train avant mais également une nouvelle boîte de vitesses.

WARTBURG 353 - L'autre icône est-allemande.
WARTBURG 353W BERLINE ET BREAK (1985 – 88)

C’est finalement au milieu du mois d’octobre 1988 que le premier exemplaire de la nouvelle Wartburg 1,3 litre (la dénomination 353 ayant été abandonnée) sort de l’usine d’Eisenach. Cette nouvelle version équipée de la mécanique VW se reconnaît immédiatement à sa nouvelle face avant redessinée aux formes plus lisses, avec une calandre ne comportant plus que trois ouvertures horizontales (celle du haut étant plus réduite et déplacée vers la droite à cause de l’emplacement où figure le nom du constructeur), ses clignotants placés à côté des phares (et non plus au bout des ailes avant comme sur la version à moteur deux-temps). La partie arrière voyant elle aussi son dessin revu, laquelle se distingue essentiellement de l’ancien modèle par ses feux arrière de plus grande taille. () A son lancement, la Wartburg 1,3 l n’est encore proposé qu’en berline et en break, la version pick-up étant toutefois, elle aussi, inclut au catalogue en décembre de la même année.

Si les dirigeants d’AWE (et les autorités est-allemandes avec eux sans doute) étaient convaincus que le montage de cette nouvelle insonorisation (très simple et même classique dans sa conception) permettrait de donner un nouveau souffle à la Wartburg 353, que ce soit sur le plan technique ainsi que d’un point de vue commercial, notamment en ce qui concerne sa carrière sur les marchés occidentaux, ce ne sera malheureusement pas le cas. En premier lieu et comme il avait été mentionné plus haut, les complications inattendues rencontrées par les ingénieurs d’AWE pour parvenir à greffer le moteur des Volkswagen Golf et Polo dans la 353 vont, presque inévitablement, avoir des répercussions sur les coûts de développement et donc, au final, sur le prix de vente de la voiture. Un impact qui est même fort important, puisque celui-ci s’en trouve presque doublé : 30 200 ost-marks contre un peu moins de 18 000 ost-marks pour la précédente version à moteur deux-temps. Une hausse fort importante que la clientèle, dans sa grande majorité, trouve d’autant plus injustifiée que (contrairement, là aussi, à ce que le bureau d’études ainsi que la direction d’AWE avaient espéré) la mécanique VW n’offre guère de meilleures performances qu’avec le deux-temps, la vitesse de pointe de 140 km/h restant d’ailleurs quasiment identique à celle de l’ancien modèle, la consommation de son côté, ne diminuant guère de façon significative.

Un autre point important que les hommes de l’usine semblent avoir toutefois oublié (ou, en tout cas, fortement sous-estimé) est que les acheteurs qui, à l’Est et surtout dans les pays de l’Ouest, qui continuaient à se porter acquéreur d’une 353 le faisaient, justement (pour la plupart d’entre-eux) par « fidélité » au moteur deux-temps. C’est pourquoi la nouvelle Wartburg 353 ne présente donc guère (pour ne pas dire aucun) intérêt à leurs yeux. Dans ces conditions, les prévisions de l’usine, qui escomptaient pouvoir en vendre entre 75 000 et 100 000 exemplaires par an (dont environ les deux tiers étaient destinés aux marchés étrangers) semblent donc fort compromises.

D’autant plus compromises que les événements qui vont survenir à l’automne 1989, un peu plus d’un an à peine après le lancement de la Wartburg 1,3 l et chambouler, aussi profondément que brutalement, la carte et la situation géopolitique de l’Est de l’Europe, mettant ainsi à bas un statut quo en place depuis près de quarante-cinq ans. Après la chute du mur de Berlin et la réunification des deux Allemagnes en un seul et même état, le territoire de l’ancienne RDA s’ouvre alors, presque du jour au lendemain, à l’économie de marché. La population de l’ex-Allemagne de l’Est s’empressant alors de se débarrasser de la plupart des symboles de l’ancien régime communiste, au premier rang desquels figuraient notamment les voitures produites durant cette période sombre. D’autant que, comparé aux modèles des constructeurs (même les plus modestes), l’archaïsme (aussi bien technique qu’esthétique) des Wartburg et Trabant apparaît d’autant plus criant. Si cette dernière s’est, elle aussi, convertie sur le tard, au moteur à quatre temps (en adoptant également une mécanique d’origine Volkswagen), il apparaît toutefois bientôt évident que, tant à cause de leur âge vénérable que du fait qu’elle symbolisait un régime ainsi qu’un passé que la plupart des Allemands de l’Est souhaitaient à présent oublier,  l’une comme l’autre n’avaient à présent plus d’avenir au sein de la nouvelle Allemagne ainsi que du marché automobile européen.

WARTBURG 353 - L'autre icône est-allemande.
WARTBURG 353W TOURIST (1985 – 88)

Si, à l’image de la Trabant, la Wartburg ne fut jamais importée dans l’hexagone, elle connut néanmoins une carrière assez fructueuse dans certains pays d’Europe de l’Ouest, comme en Finlande ainsi qu’en Belgique, où elles étaient distribuées et même assemblées sur place par les Etablissements Pierreux dans les ateliers que celles-ci possédaient à Huizingen, près de Bruxelles. Ayant débuté l’importation et la vente des Wartburg avec la 311 dès 1956, poursuivant celle-ci avec celle de la 353 jusqu’en 1975, les modèles produits à Eisenach restant toutefois vendus sur le marché belge pratiquement jusqu’à la fin de la production de la version à deux-temps (la distribution des Trabant en Belgique ayant toutefois, pour leur part, cessée dès le début des années 70, faute d’un niveau de ventes suffisant. Pour être plus exact, le projet de vendre les Wartburg sur le marché français fut bien étudié au milieu des années soixante, d’abord avec la 312, mais cette tentative tournera court, faute d’un véritable intérêt de la part de la clientèle française mais aussi, semble-t-il, faute d’un réseau de vente suffisamment développé.

Même si, à l’Ouest peut-être plus encore que dans les pays de l’Est, la Wartburg 353 est considérée, avant tout, comme un modèle populaire, la clientèle belge se montrant sensiblement plus exigeante que celle des pays socialistes, les voitures assemblées et vendues par l’importateur Pierreux offraient ainsi une présentation plus flatteuse que celles produites à Eisenach. Celui-ci prendra également l’initiative d’installer sur la mécanique de la Wartburg un système de lubrification automatique permettant ainsi au conducteur d’éviter d’avoir à procéder (comme sur toutes les voitures équipées d’un moteur deux-temps) au mélange huile/essence obligatoire et préalable. Ce système, déjà monté à partir de 1962, sur les 311 assemblées dans ses ateliers, est constitué d’une pompe de fabrication Bosch entraînée par le moteur et reliée à un réservoir d’huile, lequel se trouve injecté dans la tubulure d’admission, la pompe régulant également le niveau d’huile selon le régime moteur. Outre l’Europe de l’Ouest, les Wartburg seront aussi exportées dans d’autres parties du monde, comme en Afrique du Sud ou en Argentine.

WARTBURG 353 - L'autre icône est-allemande.
WARTBURG 1.3 (1988 – 91

Le dernier exemplaire de la Wartburg 1,3 litre, qui est aussi l’ultime voiture à porter le nom de Wartburg, quitte ainsi l’usine d’Eisenach en avril 1991. En deux ans et demi d’une carrière écourtée, moins de 153 000 unités en auront été produites. La version originelle à moteur deux-temps ayant, pour sa part, quittée la scène en avril 1989, quelques mois seulement avant la chute du Mur, affichant, quant à elle, un score d’un peu plus de 1 225 000 exemplaires sortis d’usine au terme d’une carrière longue de près d’un quart de siècle.

Maxime DUBREUIL

Photos Wheelsage

Couverture Xavier Crouzet

D’autres histoires d’auto de l’Est https://www.retropassionautomobiles.fr/2022/06/dacia-1300-la-cousine-roumaine/

La Wartburg en vidéo https://www.youtube.com/watch?v=j38FqEe67eg&ab_channel=Road-Story

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici