MUSTANG SHELBY 1969 & 70 -La dernière morsure du Cobra.
SHELBY GT350 1970

MUSTANG SHELBY 1969 & 70 -La dernière morsure du Cobra.

Carroll Shelby a réussi à se faire un nom auprès des amateurs de sport ainsi que de course automobile, en Europe comme aux Etats-Unis, au début des années 1960, grâce à la célèbre AC Cobra, version très vitaminée du roadster AC Ace. Lequel verra ses performances véritablement transfiguré par la greffe sous son capot des V8 Ford, d’abord simplement en versions « small blocks » (mais dont les performances étaient déjà largement suffisantes pour en faire une véritable sportive apte à la compétition et, surtout, largement capable de supplanter le six cylindres « maison », qui était clairement arrivé en bout de développement) et ensuite avec les plus imposants « big blocks » prélever dans la banque d’organes du groupe de Dearborn, atteignant jusqu’à 7 litres de cylindrée et qui, fort d’une puissance oscillant entre 350 et 400 chevaux*, transformaient alors la Cobra en véritable « comète sur roues ».

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SHELBY COBRA 260

Aussi phénoménale et réussi soit-elle, tant sur le plan des lignes que des performances, l’AC Cobra, si elle permettra de sauver le petit constructeur britannique du déclin (ainsi, sans doute, d’une disparition qui, avant que Shelby ne vienne frapper à leur porte, faisait planer son ombre sur la marque) était toutefois bien trop radicale et donc marginale sur le plan commercial pour prétendre pouvoir toucher un large public sur le marché des voitures de sport. L’arrivée sur le marché de celle qui va lancer la mode des pony-cars et devenir la Ford américaine la plus populaire des années soixante, la non moins célèbre Mustang va toutefois permettre à l’ancien éleveur de poulets Texan de placer la barre bien plus haut sur le plan commercial.

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SHELBY COBRA 427 1966

Ayant largement fait la démonstration, non seulement, du potentiel de leurs mécaniques en matière de hautes performances mais aussi de l’efficacité de ses sportives « hybrides », les dirigeants de Ford lui proposent alors de conçevoir une version sportive de leur nouveau best-seller. Si la première des Mustang qui se verra apposer le nom de Shelby paraîtra encore assez « sage » ou « bon chic, bon genre », tant du point de vue des performances que de l’esthétique (en tout cas, rétrospectivement, quand on sait ce que seront les versions ultérieures), la Shelby GT 350 ne manquera pas, dès son lancement, de susciter l’intérêt de tous ceux qui, au sein des acheteurs américains, se sentent alors une « âme de pilote ». La version suivante (qui reste, aujourd’hui encore, la version la plus convoitée au sein des Mustang Shelby de la « grande époque »), la GT 500 viendra d’ailleurs confirmer tout le potentiel du cheval sauvage de Ford.

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HELBY GT 500 1969 (avec Carroll Shelby posant à ses côtés)

Si, sur le plan médiatique, celles-ci deviendront « les arbres qui cachent la forêt », éclipsant ainsi presque totalement le reste des autres versions proposées au sein de la gamme Mustang, sur le plan commercial, en revanche, c’est tout l’inverse. Les Shelby (la GT 350 et surtout la GT 500) sont, en effet, affichées à un prix de vente fort élevé : environ 25 à 30 % plus cher que les autres sportives américaines de l’époque. Car, bien qu’étant plus polyvalente et utilisable au quotidien que les AC Cobra (ce qui n’était toutefois pas bien compliqué, étant donné que les Mustang « standard » sur la base desquelles elles étaient réalisées se voulait, avant-tout, des voitures polyvalentes et familiales) et vendues moins chères aussi que les sauvages roadsters anglo-américains, les Mustang Shelby n’étaient donc pas vraiment à la portée de toutes les bourses. Notamment auprès de la clientèle des jeunes (au sens large du terme, c’est-à-dire les moins de quarante ans), lesquels préfèrent alors, rapidement, se tourner vers les modèles tout aussi performants mais nettement moins chers proposés par la concurrence.

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SHELBY GT 500 1969 CONVERTIBLE (I)

Car les deux principaux rivaux de Ford, General Motors et Chrysler, ayant très vite réalisé l’importance que recelait le marché de ce nouveau segment, celui des muscle cars, n’ont alors pas tardé à fourbir leurs armes. Des armes en question qui vont se révéler, dès le départ, aussi efficaces que nombreuses : Dodge Charger et Plymouth (Barra)’Cuda chez Chrysler, Chevrolet Camaro, Oldsmobile 4-4-2 ainsi que Pontiac GTO et Firebird chez General Motors pour ne citer que les plus emblématiques du genre. Même Ford, prenant rapidement conscience qu’il leur faut proposer, dans leur gamme sportive, à côté de la Shelby, une vraie sportive populaire, va alors sortir les Ford Gran Torino et Mercury Cyclone. Si les Shelby apportent donc, tant au groupe de Dearborn qu’à leur créateur un prestige non négligeable auprès du grand public, commercialement parlant, elles se retrouvent très vite condamnées à mener une existence assez marginale.

Elles sont d’autant plus marginalisée qu’à la fin des années soixante, Carroll Shelby, de son côté, sans aller jusqu’à dire qu’il s’en désintéresse et à déjà tourné la page, a désormais, clairement, d’autres projets et d’autres priorités. Ce qui accapare alors le plus son temps et ses efforts est alors son activité de directeur de course, puisque Ford lui a, en effet, confié la supervision du programme GT40 en compétition. Si le Texan n’oublie pas et a parfaitement conscience de ce que les Mustang Shelby lui ont apporté, tant sur le plan financier que sur celui de la notoriété et si elle représentera toujours, comme il le confirmera d’ailleurs par la suite, l’un des chapitres les plus importants de sa carrière, n’a toutefois jamais vraiment été son « objectif final ».

Les Mustang Shelby se retrouve d’autant plus et même doublement délaissé que, du côté de chez Ford, leur existence se voit alors remises en cause par l’arrivée, au sein même du catalogue Mustang, de nouvelles concurrentes qui viennent, ouvertement, marcher sur leurs plates-bandes : les Boss. Celles-ci sont nées de la rivalité en interne entre Lee Iacocca, le créateur de la Mustang, et Sermon Knudsen pour le fauteuil de président de Ford. Henry Ford Jr, le PDG du groupe, jouant d’ailleurs de cette rivalité, du fait des ambitions un peu trop grandes ainsi que de l’esprit trop « indépendant » qu’à toujours manifesté Iacocca, tranche (provisoirement) en faveur du second. Knudsen profite alors de sa nouvelle position pour créer une nouvelle version sportive de la Mustang, la Boss (en référence à son surnom au sein des cadres de Ford).

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SHELBY GT350 1965

Même s’il ne l’avoue pas explicitement, ce dernier a créé les versions Boss avec pour principal objectif, non seulement, de concurrencer mais aussi de supplanter (voire, à terme, de « tuer ») les Shelby (étant données que ces dernières ont été créés par Shelby avec l’appui affiché de Iacocca). Le pire pour les Shelby étant probablement que les Mustang Boss (si elles ne sont toutefois pas spécialement bon marché non plus) présentent un rapport prix/performances nettement meilleur que celui des Shelby et vont donc rapidement s’attirer les faveurs d’un certain nombre d’amateurs qui souhaitent une Mustang sportive sans pour autant devoir (trop) s’endetter auprès de leur banquier. Dans ces conditions, certains s’étonnent même d’apprendre que le constructeur a, néanmoins, décidé de reconduire la Shelby au sein de la gamme Mustang pour l’année-modèle 1969.

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SHELBY GT350 1969

Jusqu’ici assurée par Carroll Shelby lui-même dans ses ateliers, la production de la Mustang a été, l’année précédente, reprise par Ford. Shelby se contenant, désormais, de « louer » son patronyme en échange de royalties sans doute suffisamment substantiel pour que l’ancien éleveur du Texas se soit laissé convaincre de prolonger l’existence de ses Mustang sportives de « prestige », dont la carrière et donc le devenir ne l’intéresse plus vraiment. En fait, la production des Shelby (c’est-à-dire le montage de tous les éléments, esthétiques ou mécaniques, spécifiques à ces dernières), du fait de leur caractère exclusif ainsi que de leur prix de vente fort élevé, est toujours restée fort artisanale. Surtout en comparaison avec celle des versions « courantes » de la Mustang, qui, elles, étaient véritablement produites à la chaîne.

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SHELBY GT350 1969

C’est pourquoi, lorsque Carroll Shelby annonça son intention d’abandonner la production (ou pour employer un terme sans doute plus adéquat) la transformation des Mustang hautes performances portant son nom et que les usines du groupe à l’ovale bleu n’étaient absolument pas adaptées pour assurer la production d’un modèle aussi « marginal » (sur le plan commercial). Un nouveau partenaire et sous-traitant est toutefois rapidement trouvé dans l’entreprise A.O. Smith, installée dans l’Etat du Michigan. D’un point de vue esthétique (et assez logiquement, étant donné qu’elles en reprennent, en tout cas en grande partie, la carrosserie), les nouvelles Shelby (à présent rebaptisées Shelby Mustang Cobra au sein du catalogue Ford) suivent la même évolution esthétique que les Mustang « standard ». Celles-ci voient ainsi leur museau s’allonger et les ailes s’élargir (surtout à l’arrière), ce qui lui donnent ainsi des lignes plus agressives. Une évolution, là aussi, logique et même presque obligée, étant donné que les Mustang Shelby entendent alors toujours bien occupé le rôle de « vaisseau amiral » de la gamme sportive du groupe Ford ainsi qu’incarner ce qui se fait de mieux en matière de voitures de sport au sein de la production américaine à la fin des années soixante.

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SHELBY GT350 1969

Sur le plan mécanique, en plus des précédentes versions GT 350 et 500 reconduites au catalogue, le sommet de la gamme Shelby est maintenant incarnée par une nouvelle version, encore plus musclée, la GT 500 KR (pour King of the Road, une appellation qui annonce clairement la couleur, ou, en tout cas, les ambitions). Sous l’imposant capot de ce nouveau « Cobra royal » se trouve installé le V8 Cobra Jet de 7 litres qui, s’il ne développe, officiellement et simplement, qu’une puissance de 335 ch (soit une puissance encore jugée « raisonnable », ou « suffisante », comme on dirait chez Rolls-Royce, même pour une muscle car à l’époque, mais qui ne l’était pas suffisamment pour les sportifs et les pilotes les plus fanatiques). Une puissance qui n’est toutefois « qu’officielle » (c’est-à-dire, en langage codé : des données qui n’ont été inscrites dans les fiches techniques des catalogues uniquement afin de tromper les vautours de l’Agence pour la Sécurité Routière américaine et que celle ne vienne donc pas mettre des bâtons dans les roues des muscle cars ainsi que de la course à la puissance à laquelle se livrent alors leurs constructeurs).

Sans doute est-ce un signe de l’évolution des goûts et des attentes du public (qui, même au sein des mordus de sport et de vitesse, souhaitent sans doute aussi pouvoir profiter des joies de la conduite au grand air) ou de la volonté de Ford de pouvoir ainsi toucher un public plus large ? Sans doute des deux, mais toujours est-il que l’apparition d’une version cabriolet au catalogue Shelby en aura sans doute étonné (et même dérouté) plus d’un, une telle carrosserie n’ayant jamais figuré au programme du temps de Carroll Shelby.

Ce dernier aurait sans doute jugé assez incongrue ou « contre-nature » de faire de commercialiser de sa Mustang à hautes performances en version décapotable, car leur vocation n’étaient pas vraiment (voire pas du tout) les mêmes (le cabriolet symbolisant, avant tout, la conduite « cool » au soleil avec le coude à la portière ; alors que la Shelby, elle, entendait, au contraire, perpétuez le concept de la sportive « virile », les mains bien serrées sur le volant et conduite avec « le couteau entre les dents »). Mais aussi pour des raisons plus « techniques », pas concernant ses motorisations en tant que telles mais plutôt sur les effets qu’une telle cavalerie peut avoir sur le châssis ainsi que la structure de la carrosserie de la voiture, surtout en conduite virile. Lorsque l’on sait que, sur une voiture équipée d’une mécanique « ordinaire » (c’est-à-dire qui n’a pas les performances d’une sportive), l’ablation du toit ainsi que la « décapitation » de la structure qu celle-ci engendre met sérieusement à mal la rigidité de celle-ci et donc, non seulement, la tenue de route mais aussi la sécurité des occupants. C’est pourquoi cette Shelby décapotable verra devra sacrifier une partie de sa ligne sur l’autel de la sécurité sous la forme d’un arceau de sécurité fixe qui n’améliore pas vraiment son esthétique, une fois la capote baissée.

MUSTANG SHELBY 1969 & 70 -La dernière morsure du Cobra.
SHELBY GT350 1969

La production des Mustang Shelby a beau atteint alors son point culminant, avec près de 4 500 exemplaires écoulés durant l’année-modèle 1968, les assauts répétés et de plus en plus rudes menés par la concurrence que leur mènent les muscle cars va bientôt causer leur déclin. Comme il avait été expliqué plus haut, avec 4 116 dollars pour la moins chère des Shelby 68 (le coupé GT 350, uniquement disponible en version fastback) et près de 4 600 dollars pour le cabriolet en version GT 500 KR,  les tarifs auxquels celles-ci sont affichées les placent bien (trop) loin de ceux des muscle cars de même puissance. Aux yeux de la direction de Ford, l’autre problème des Shelby et qui explique aussi, à leurs yeux, ce déclin est qu’elles ne démarquent pas suffisamment, sur le plan esthétique, des versions « courantes » de la Mustang.

Il est vrai que, depuis que celle-ci s’est vue rhabillée d’une carrosserie aux lignes plus musclée (ce qui était sans doute un passage obligé afin de pouvoir conserver sa place dans le peloton de tête sur le marché des pony cars, face à des concurrentes qui, même dans leurs versions les plus sages, offraient, à présent, un style plus « massif » ou agressif), la différence entre une Mustang « ordinaire » et les versions Shelby (et donc la singularité esthétique) de cette dernière ne saute plus automatiquement aux yeux, surtout pour le profane. C’est pourquoi l’état-major de Dearborn, soutenu en cela par les avis remis par les hommes du bureau d’études du groupe, fut très vite convaincu qu’une opération de chirurgie esthétique s’imposait afin de donner une nouvelle personnalité, plus profonde, à la Shelby.

Toutefois, alors que (au sein de la marque Ford comme des autres filiales du groupe), les membres du service commercial comme des stylistes sont alors sur la brèche, en préparation de la présentation des modèles du millésime 69, les dirigeants du deuxième groupe automobile américain en viennent, néanmoins, à se demander s’il y a toujours un véritable intérêt (aussi bien du point de vue de l’image de marque que sur le plan commercial) à poursuivre l’aventure Shelby et donc la production de ces « Mustang de prestige » ? Au vu de la situation, il est, en effet, assez compréhensible que Henry Ford Jr et les membres de son directoire se posent, légitimement la question. Car, comme expliqué plus haut, les versions Boss, créées à l’initiative de Knudsen, remportent un succès fort appréciable et, aux yeux d’une grande partie du public (que ceux qui le composent aient ou non les moyens de s’offrir une Shelby ou même une Mustang Boss), les unes et les autres jouent, à bien des égards (en tout cas en termes d’image et de performances) dans la même catégorie.

Est-ce parce que (même si tous, au sein de l’état-major du groupe, ont conscience que l’âge d’or des Shelby est, à présent, derrière elles), malgré le fait qu’elles soient toujours restées financièrement inaccessibles du grand public, elles conservent, néanmoins, auprès de celui-ci, une aura quasiment intacte ? Ou encore qu’elles conservent des partisans au sein des principaux cadres du groupe (parmi lesquels figurent certainement les anciens proches collaborateurs de Iacocca, qui n’ont jamais éprouvé une grande estime ou sympathie pour Knudsen, ceci expliquant sans doute cela) ? Toujours est-il que si Ford annonce que les Shelby GT 350 et 500 figureront bien au programme de la gamme de l’année-modèle 1969 (et même si, au sein du public, tout le monde l’ignore sans doute encore), ce ne sera toutefois pour elles qu’un sursis.

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SHELBY GT500KR 1968

En tout cas, s’étant laissé convaincre que, pour que les Shelby est encore une chance de séduire les amateurs de signer un chèque, il fallait offrir à ces Mustang de haut de gamme une personnalité propre et donc un style spécifique, elles vont alors passer sur la « table d’opération » afin de subir une « opération de chirurgie esthétique ». Afin de pouvoir opérer ce lifting sans trop de dépenser, le bureau d’études va alors décider de recourir à la fibre de verre afin de pouvoir ainsi procéder au remodelage des faces avant et arrière. Celle-ci permettant, en effet, de réutiliser les mêmes matrices de carrosserie que celles des Shelby du millésime précédent et donc d’éviter le coût que représente la création de nouveaux moules pour des panneaux de carrosserie en acier. Dans un même souci de réduction du prix de revient, un certain nombre des pièces d’accastillage et autres accessoires sont empruntés à d’autres modèles (anciens ou actuels) du groupe Ford (les feux arrière proviennent ainsi de la Thunderbird de 1965).

Esthétiquement parlant, il est désormais quasiment impossible de confondre une Shelby de l’année-modèle 1969 avec sa devancière comme avec une Mustang « classique » (même en version Boss) du même millésime, en tout cas lorsque la voiture est vue de face. La proue arborant, en effet, un dessin radicalement différent de celle des autres Mustang, très massif et agressif, constitué d’une imposante calandre rectangulaire incorporant les phares. Un design qui n’est pas sans rappeler celui de certaines des muscle cars de l’époque, notamment la première génération de la Chevrolet Camaro et qui marque, en tout cas (conformément au vœu des dirigeants de Ford, une rupture franche avec ses devancières ainsi qu’avec les Mustang « ordinaires »). Si les prises d’air de type NACA sur le capot ne sont, en revanche, pas une nouveauté (elles sont d’ailleurs un accessoire fort prisé sur de nombreuses sportives américaines de l’époque), elles apportent toutefois un supplément d’agressivité (et soulignent d’ailleurs bien, ce qui était le but recherché) la vocation sportive de l’engin. Est-ce afin de conserver une filiation esthétique avec les anciennes Shelby ou par manque de temps et/ou de budget ? En tout état de cause, le dessin de la face arrière n’atteint pas le même degré d’agressivité qu’à l’avant, en dépit des larges feux arrière rectangulaires, lesquels ne sont d’ailleurs pas une nouveauté, puisque des feux du même genre avaient déjà été montés sur les Shelby 1967 et 68 (ce qui donne ainsi à l’arrière-train des Mustang Shelby 1969 un air de « déjà vu »).

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SHELBY GT350 1969

Toujours concernant le manque d’agressivité de celle-ci, la taille du becquet de type « queu de canard » terminant l’extrémité des ailes ainsi que le rebord de la malle de coffre apparaît, lui aussi, un peu trop discret (tout au moins vu de face, révélant une hauteur plus prononcée qu’on ne pourrait le penser lorsque l’on regarde la voiture de profil). Détail assez amusant, si l’échappement bénéficie d’une double sortie de forme carrée et centrale, la jupe arrière, de son côté, a toutefois conservé les emplacements des sorties d’échappement classique, lesquelles se trouvent simplement obstruées par des « embouts » chromés. Sur les flancs, des prises d’air latérales ont été aménagées, à l’extrémité des ailes avant et devant les passages de roues arrière afin d’assurer le meilleur refroidissement possible des disques de freins. Pour compléter la décoration et afin de bien souligner que cette nouvelle Shelby peut, elle aussi, pleinement prétendre, sur le plan des performances, au titre de véritable muscle car, de larges bandes autocollantes sont placés sur les flancs, couvrant toute la longueur de la voiture au niveau des bas de caisse.

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SHELBY GT500 1968

Si, la Shelby est toujours proposée en versions GT 350 et 500, en revanche, la méchante version KR (King of The Road) disparaît, malheureusement, du programme de production. (Beaucoup, surtout parmi les fans des Shelby, interpréteront cela, bien qu’a posteriori, comme un signe du désintérêt de Ford pour ces dernières et que leur suppression était sans doute déjà programmée, ou, en tout cas, sérieusement envisagée). A signaler toutefois que, contrairement à ce que l’on pourrait croire (ou à ce qui était le cas au commencement de la carrière des Shelby), les chiffres de leur appellation ne renvoient pas à la cylindrée de leurs moteurs (en cubic inches, la mesure anglo-saxonne employée aux Etats-Unis) et n’ont plus qu’une signification « symbolique », tout au moins s’agissant de la version la plus puissante. Les données techniques mentionnées au catalogue pour s’en rendre compte : si la mécanique de la GT 350 affiche bien une cylindrée de 351 ci (soit 5,75 litres), celle de la GT 500, en revanche, est de 428 cubic inches (ce qui équivaut à un peu plus de 7 litres en normes européennes).

MUSTANG SHELBY 1969 & 70 -La dernière morsure du Cobra.
SHELBY GT350 HERTZ 1966

Si le ramage est parfaitement en adéquation avec le plumage, beaucoup, au sein des amateurs de muscle cars sont cependant en droit de se dire que cela fait quand même (très) cher payé, surtout en comparaison des tarifs pratiqués par la concurrence. Il faut ainsi accepter de se défaire de plus de 4 300 $ rien que pour pouvoir s’offrir une Shelby GT 350 (et encore, il s’agit du prix de base, sans aucune option donc) ! Quant à la GT 500, celle-ci atteint un niveau véritablement stratosphérique, puisqu’il dépasse désormais la barre des 5 000 dollars ! A ce niveau de prix-là, sur le marché américain, il n’y a guère que les sportives européennes les plus prestigieuses, comme les Ferrari ou les Maserati ou (pour rester dans la production américaine), les versions « compétition-client » (c’est-à-dire conçues expréssement pour un usage en compétition) des Corvette ou Dodge Charger pour afficher des tarifs aussi importants, voire supérieurs.

A la clôture de la production du millésime 69 (au début de l’automne 1970 donc), en faisant les comptes des chiffres de production, les doutes qu’avaient éprouvé un certain nombre de cadres de Ford sur l’avenir que pouvaient encore avoir les Shelby au sein de la gamme semblent se voir justifiées : un peu plus de 2 200 exemplaires seulement, en tout et pour tout, ayant, en effet, réussi à trouver preneurs (contre…. pour les versions Boss dues à Knudsen). Et encore, il y eut, en réalité, environ 3 000 exemplaires de la Shelby qui sont sortis des ateliers du préparateur A.O. Smith durant toute l’année-modèle 1969.

MUSTANG SHELBY 1969 & 70 -La dernière morsure du Cobra.
SHELBY GT350 1970

Ce qui veut dire qu’à la fin de celui-ci, Ford se retrouve avec près 800 exemplaires invendus (789, très exactement) sur les bras ! Bien qu’il ne soit pas question de se résoudre à les envoyer, purement et simplement, à la casse (même si certains des cadres de Dearborn ont sans doute dû, sans guère d’états d’âme, mettre cette idée sur la table), la direction du constructeur hésite en tout cas sur la meilleure solution à adopter. L’idée première, qui était de les vendre comme modèles d’occasion récents finit toutefois par être abandonnée, car cela aurait alors obligé à en brader le prix. Sans doute, non seulement parce que, malgré la volonté d’abaisser le plus possible leur coût de production, elles avaient coûté encore assez cher à produire (ce qui explique, en grande partie, leurs prix de vente élevés) et que Ford tenait à limiter au maximum la casse sur le plan des pertes financières causées par la Shelby. De plus, du fait que celle-ci se présentait comme une « sportive de prestige » aurait risqué , si Ford avait trop cassé les prix, d’écorner l’image du constructeur.

MUSTANG SHELBY 1969 & 70 -La dernière morsure du Cobra.
SHELBY GT350 1970

C’est pourquoi celui-ci imagine alors une autre solution, ou, plutôt, un « stratagème » : vendre les exemplaires invendus encore en stock comme des voitures de l’année-modèle 1970. C’est-à-dire les présenter au public et les proposer à la vente chez les concessionnaires exactement comme s’il s’agissait de voitures neuves qui auraient été produites durant ce millésime ! Pour cela, les voitures invendues en question sont alors confiées au préparateur Kar Kraft (déjà habitué à travailler avec Ford ainsi que sur des sportives, puisque c’est lui qui assure l’assemblage des Mustang Boss 429) afin que celui-ci procède à un léger lifting des ultimes Shelby restantes. A la fois pour respecter la tradition alors en vigueur chez tous les constructeurs américains à l’époque d’apporter une série de modifications esthétiques sur les modèles à chaque nouvelle année-modèle (bien que, sur la plupart des millésimes, celles-ci étaient souvent mineures). Ainsi que pour mieux tromper le chaland et réussir ainsi à les faire passer pour des voitures neuves du nouveau millésime (ce qui aurait été difficile si elles n’avaient présenté aucune différence, intérieures ou extérieures, avec celles vendues durant l’année-modèle 1969).

Pour ce lifting devant ainsi les transformer en Shelby 1970, dès le départ, il n’est toutefois pas question d’un retour sur le billard pour une nouvelle opération chirurgicale, aussi minime soit-elle. Ford n’ayant, en effet, daigné accorder guère plus qu’une poignée de dollars à l’entreprise Kar Kraft pour leur transformation, les modifications qui seront apportées par le préparateur se compteront, dès lors, quasiment, sur les doigts d’une main. Un spoiler emprunté aux Mustang Boss fixé sous le museau à l’avant, deux bandes autocollantes noires sur le capot ainsi que l’installation, dans l’habitacle, d’un système Neiman pour la direction (imposé par une nouvelle loi fédérale), c’est un peu près tout ce qui différencie une Shelby millésime 70 de celle de l’année-modèle 69. Auxquelles il faut ajouter un autre « détail » important, imposé lui aussi par la loi : l’apposition, sur chacune des 789 voitures à avoir reçu ces transformations d’une nouvelle plaque VIN. Les anciennes plaques (placées à l’époque de leur production et qui officialisaient leur existence comme des exemplaires du millésime 1969) ayant été retirées et détruites sous le contrôle de représentants fédéraux (c’est-à-dire des hommes du FBI) !

MUSTANG SHELBY 1969 & 70 -La dernière morsure du Cobra.
SHELBY GT500 1969

Désormais officiellement considérées comme des Shelby du millésime 70, lorsque la dernière d’entre-elles (une GT 350 de couleur jaune) quittera les ateliers de Kar Kraft, elle marquera alors la fin de la lignée originelle des Mustang Shelby. Ford ayant, en effet, décidé de tourner la page de l’ère de ces « Mustang sportives de prestige » créées par Carroll Shelby. Au moment de la conception et de la présentation des Shelby 1969, celle-ci était, de toute façon, déjà en sursis, pour ne pas dire que le constructeur de Dearborn avait déjà décidé d’en arrêter la commercialisation, à court ou moyen terme. Comme il a été expliqué plus haut, la déferlante de la vague des muscle cars, tout aussi performants tout en étant proposés à des prix de vente bien plus compétitifs avait détourné une grande partie de la clientèle visée par les Shelby, laquelle avait déjà de quoi hésiter devant les tarifs dissuasifs affichées par celles-ci. Les Mustang Boss voulues par Knudsen constituant une concurrence interne trop gênante tant pour les Shelby que pour Ford et rendant la gamme des Mustang sportives inutilement complexe aux yeux de la clientèle.

La carrière de la Mustang en tant que voiture de sport (Ce qu’elle n’était pas au départ, il est nécessaire de s’en souvenir et de le rappeler, n’étant, à son lancement, qu’une pony-car, c’est-à-dire un coupé familial ayant simplement l’allure d’une sportive) approchait maintenant de sa fin. Les responsables de l’Agence de la Sécurité Routière ainsi que des compagnies d’assurance commençant, en effet, à montrer les dents et ayant de mettre fin au règne sans limites (et sans loi) de ces machines surpuissantes et responsables de la grande majorité des accidents graves (voire mortels) survenant alors sur les routes américaines. Après un ultime « baroud d’honneur » durant l’année-modèle 71, les versions Boss disparaitront à leur tour et la Mustang redeviendra alors un placide coupé bourgeois tel qu’il l’était à l’origine.

MUSTANG SHELBY 1969 & 70 -La dernière morsure du Cobra.
SHELBY GT500 1970

Si les deux générations suivantes de la Mustang (produites, respectivement, de 1974 à 78 et de 1978 à 93) connaîtront des versions haut de gamme recevant l’appellation Cobra (en référence claire à leurs devancières des années soixante), elles n’auront toutefois de sportive que les attributs esthétiques, la flambée des prix de l’essence engendrée par la première crise pétrolière (qui a éclatée à l’automne 1973) ayant achevé d’effacer, pour une longue période, de la production américaine toute notion de sportivité.

MUSTANG SHELBY 1969 & 70 -La dernière morsure du Cobra.
SHELBY GT-H 2006

Pour les Shelby, ce ne sera toutefois pas vraiment un adieu (même si beaucoup, aussi bien chez Ford comme de la clientèle, en étaient alors convaincus) mais simplement qu’un « au revoir » puisque celles-ci connaîtront finalement leur résurrection avec le lancement de la cinquième génération de la Mustang en 2004 et sont toujours, depuis lors, au programme du catalogue Ford. Prouvant par là-même combien les Mustang Shelby avaient gagné une aura véritablement « mythique », dont Ford ne pouvait sans doute plus se passer pour affirmer et maintenir la place de la Mustang sur le marché des voitures sportives, non seulement sur le sol américain mais aussi dans le reste du monde. Une belle victoire ainsi qu’une belle revanche pour leur créateur, Carroll Shelby, décédé en 2012 à l’âge de 89 ans.

Maxime DUBREUIL

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