CITROËN TRACTION AVANT 15-SIX - La reine de la route.
CITROËN 15 SIX BERLINE (1947 - 54)

CITROËN TRACTION AVANT 15-SIX – La reine de la route.

Puisant son inspiration dans les méthodes de construction, de promotion et de management des constructeurs américains, le visionnaire André Citroën applique dans ses usines les recettes qui ont façonné la réussite de la Motor City aux Etats-Unis. Ayant été le premier constructeur français à mettre en application, en 1919, la production à la chaîne, Citroën va ainsi révolutionner la construction automobile en France et obliger bientôt tous les grands constructeurs (Notamment ses principaux concurrents, Peugeot et Renault) à suivre le mouvement. En plus de cela, le constructeur de Javel s’inspire aussi des constructeurs américains dans la façon de concevoir ses gammes, abandonnant ainsi rapidement le principe du modèle unique (En vigueur lors du lancement de la marque avec son premier modèle, le Type A) et, dans la seconde moitié des années 1920, en multipliant les carrosseries, ainsi que les finitions et les motorisations proposées au catalogue. Cette offre pléthorique ayant pour objectif d’attirer chez les concessionnaires de la marque le plus large public possible, en proposant aussi bien des modèles pour les classes populaires que des voitures plus cossues destinées aux catégories plus aisées (Notamment avec le lancement de la première six cylindres de la marque, la C6 en 1928).

Une politique qui sera poursuivie avec le lancement de la révolutionnaire Traction Avant en 1934. La nouvelle gamme de Citroën, au Salon de l’automobile de 1934, comporte ainsi pas moins de vingt modèles, alors que sa présentation officielle ne remonte qu’ au printemps de la même année. Avec celui de son éternel rival, Louis Renault, qui se trouve placé juste en face, le stand de la marque aux double chevrons est d’ailleurs le plus grand de tous ceux qui figurent sous les voûtes du Grand Palais des Champs-Elysées.

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CITROËN 7A BERLINE 1934

En plus des 7 et 11 CV déjà connues de la presse automobile et du public, Citroën y présente également son nouveau modèle haut de gamme, la 22 CV , une imposante voiture reconnaissable à leurs pare-chocs à double lame, à son logo 8 superposé au-dessus des doubles chevrons et surtout des phares intégrés dans les ailes. Sous son long capot, on découvre un moteur tout aussi imposant, un 8 cylindres en V de 3,8 litres développant une centaine de chevaux (contre 36 pour la 7 CV) qui lui permet d’atteindre les 140 km/h (contre 100 pour la plus petite des Traction). Présentée sur le stand de la marque en berline, limousine et cabriolet (et aussi disponible en coupé), celle qui aurait pu être la première voiture française à moteur huit cylindres équipée de la Traction Avant ne sera malheureusement jamais commercialisée.

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Déjà handicapé par de sérieux problèmes techniques durant sa mise au point (que connaîtront aussi d’ailleurs les autres modèles de la gamme), ce modèle verra sa carrière tuée dans l’œuf lors du rachat de Citroën par Michelin. S’étant lourdement endetté pour mettre au point sa Traction ainsi que reconstruire entièrement son usine de Javel pour y produire cette dernière, à la fin de l’année 1934, André Citroën, acculé à la faillite, est finalement obligé de céder son entreprise à son principal créancier, le fabricant de pneus Michelin.

Connu pour son pragmatisme typique des Auvergnats, ce dernier décide, sans guère d’états d’âme, de mettre un terme au projet, jugé trop coûteux. Si, durant les trois années suivantes, la gamme Citroën ne comporte plus que des modèles à quatre cylindres (Les 7 et 11 CV), l’idée d’une Traction haut de gamme n’est pourtant pas abandonnée. La priorité de Pierre Boulanger, qui prend les rênes de l’entreprise en 1938 (Après la mort de Pierre Michelin dans un accident de la route, l’année précédente) est d’abord toutefois de fiabiliser les modèles existants, les Traction ayant souffert, à leur lancement, de nombreux problèmes de jeunesse, malgré des qualités bien réelles. Pour conserver sa clientèle la plus conservatrice, la marque remettra d’ailleurs en production certains des anciens modèles de la gamme Rosalie, les 7 et 11 UA (qui finiront par s’effacer en 1938, une fois la carrière de la Traction bien lancée sur ses rails et ses défauts entièrement corrigée). La politique de rigueur mise en place par Michelin va rapidement porter ses fruits, la Traction devenant une voiture fiable et ventes répondant enfin aux espérances mises en elle.

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CITROËN 15 SIX BERLINE (1938 – 47)

Une fois ce travail achevé, Pierre Boulanger va alors s’atteler à l’étude d’une nouvelle grande Citroën. Les ambitions pour celle-ci sont toutefois légèrement revues à la baisse, le futur modèle haut de gamme devant « simplement » être équipé d’un moteur six cylindres. Un choix dicté à la fois pour des raisons de coûts mais aussi pour continuer dans la lignée ouverte par les C6 et Rosalie 15 CV, Boulanger étant convaincu qu’une six cylindres se vendra mieux qu’un modèle équipé d’un V8 comme la 22 CV. Si la mise en chantier de la futur Traction 6 cylindres débute dès 1936, la nouvelle direction de Citroën, ne voulant pas connaître les mêmes problèmes qu’avec l’étude de la 22 CV ou les autres modèles lors de leur commercialisation, prennent toutefois leur temps pour parfaire sa mise au point. L’étude de la nouvelle grande Traction s’avère d’ailleurs plus complexe qu’il n’y paraît. Les ingénieurs partant d’une caisse renforcée de la 11 CV qui est rallongée d’une bonne dizaine de centimètres afin de pouvoir y loger l’imposant six cylindres. La voiture est également équipée d’un capot à ouvertures obliques fixes, plus efficaces pour le refroidissement du moteur que les volets pivotants des autres Traction. D’une cylindrée de 2 867 cc, le six cylindres, conçu spécialement pour elle par l’ingénieur Maurice Sainturat, est extrapolé du quatre cylindres de la 11 CV, reprenant des cotes identiques mais avec un vilebrequin à quatre paliers au lieu de trois. Bien que sa puissance fiscale soit en réalité de 16 CV, l’usine a préféré lui donner l’appellation 15, en forme de filiation avec le modèle le plus puissant de la gamme des Rosalie. La transmission empruntée à la 11 CV engendrant toutefois un porte-à-faux trop important, qui nuit au comportement de la voiture, les ingénieurs conçoivent alors une boîte de vitesses spécifique très compacte qui permet de corriger ces défauts. Comme les autres Traction, elle profitera aussi, dès son lancement, des nouvelles jantes Michelin Pilote ainsi que d’une direction à crémaillère, bien plus précise que l’ ancien boîtier à vis et à secteur. La présentation intérieure, elle, en revanche, ne se différencie guère de la 11 CV, en dehors de la sellerie plus cossue qui vient quelque peu égayer un habitacle plutôt austère.

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CITROËN 15 SIX BERLINE (1938 – 47)

La première 15-Six (Un exemplaire de présérie) tombe des chaînes de l’usine de Javel le 24 juin 1938. Elle est destinée à Pierre Boulanger, qui en prend livraison dès le lendemain. Le second exemplaire, lui, est confié à Marcel Michelin, tandis que Robert Puiseux (Le gendre de Pierre Michelin, qui deviendra le nouveau patron de Citroën à la mort de Pierre Boulanger en 1950) hérite du troisième. Une vingtaine de voitures, assemblées durant l’été, sont confiées à des concessionnaires et des clients privilégiés. Ces derniers ayant accepté de jouer les « clients-cobayes » et de tester la voiture en « usage réel » sur le terrain. Ces tous premiers exemplaires de la Traction 15 CV sont encore dépourvus de sabots d’ailes et de bavettes (qui sont pourtant bien utiles pour affronter la boue et les gravats des mauvaises routes de l’époque). Certaines voitures auraient même bénéficié d’éléments de carrosserie en aluminium, le gain de poids obtenu permettant d’améliorer sensiblement leurs performances.

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La 15-Six revendique 130 km/h en vitesse de pointe (Par comparaison, la 11 Légère atteint, elle, les 120 km/h) malgré la puissance de son moteur qui est, somme toute, relativement modeste : 76 chevaux. (Les ingénieurs ayant manifestement préféré une fiabilité optimale à la recherche de la plus grande puissance possible). La cylindrée généreuse du moteur ainsi que le poids contenu de la voiture (1 325 kg à vide seulement) lui permettent d’offrir des accélérations très vives.

Commercialisée à l’automne 1938, à l’occasion de l’ouverture du Salon de Paris (qui sera le dernier avant le déclenchement de la guerre), la 15-Six n’ est d’ abord disponible qu’ en berline (La plupart des voitures arborant une caisse peinte en noir et des jantes de couleur ivoire). Les versions à empattement long (La conduite intérieure à 5 places ainsi que la familiale à 8 ou 9 places) n’arrivant, elles, qu’ au printemps suivant. Un cabriolet est également prévu dans la gamme (La 15-Six n’existera jamais en version coupé, ce dernier ayant été retiré du catalogue Citroën à la fin de l’année 1938), mais sa mise en chantier pose des problèmes, tant et si bien que lors du début du conflit, en septembre 1939, il n’a pas encore été commercialisé. (Aujourd’hui encore, les informations dont on dispose dessus sont sujettes à caution. Mais il semble qu’au total sept exemplaires auraient été réalisés durant le printemps 1939, certains n’étant terminés’ après la fin de la guerre. De ces derniers, il ne subsiste plus aujourd’hui que trois survivants. L’un ayant appartenu à Alice Michelin (La veuve de Pierre Michelin), le second au directeur de la société Knorr et le dernier, dont on avait perdu la trace, ayant été redécouvert par un concessionnaire Citroën suite à une annonce parue dans l’Auto-Journal dans les années soixante).

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CITROËN 15 SIX BERLINE (1947 – 54)
CITROËN TRACTION AVANT 15-SIX - La reine de la route.

Affichée à 36 300 F au catalogue du millésime 1939, la nouvelle grande Traction peut alors se targuer d’un rapport prix/performances imbattable sur le marché français parmi les voitures de sa catégorie. Surtout en comparaison avec une autre de ses principales concurrentes, l’Hotchkiss 680, aux performances comparables mais pour laquelle il faut débourser la coquette somme de 59 950 F. Au même niveau de gamme, on trouve aussi la Panhard Dynamic, très originale, tant sur le plan technique (avec son moteur sans soupapes) qu’esthétique, mais qui fait néanmoins payer assez cher son anticonformisme : 68 000 F. Bien que son moteur affiche deux cylindres de plus, la Matford F 91 A (Une Ford américaine produite dans l’ancienne usine Mathis située en Alsace) est, elle, vendue à un prix légèrement supérieur (45 900 F) mais dans le domaine de la tenue de route, elle est loin d’égaler la Citroën. Quant aux Delage D6-75, Delahaye 148 L, si leurs performances sont à peu près égales à celles de la 15-Six, elles sont toutes les trois vendues environ le double du prix de la grande Traction, rançon de leur fabrication entièrement artisanale.

Etant donné que la 15-Six n’aura connue qu’une courte carrière avant le début de la guerre, sa production durant cette période restera fort modeste : 1 818 berlines, 277 familiales et 213 conduites intérieures construites entre l’été 1938 et la fin de l’ année 1939. 21 berlines et 4 exemplaires de la familiale seront encore construits en 1940. La guerre ayant pour effet de stopper la production en février de cette année-là. Les Traction 11 CV continuant, elles, à être produites, bien qu’à très faible cadence, jusqu’ en 1942. La production automobile s’arrête alors totalement, chez Citroën comme ces les autres constructeurs, pour ne reprendre que quatre ans plus tard.

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CITROËN TRACTION 11 CV BERLINE

Après avoir été l’une des voitures préférées des Français, la Traction Citroën va aussi devenir l’une des voitures favorites des Forces d’occupation allemandes, qui réquisitionnent en masse les 7 et 11 CV alors en circulation. La 15 CV, elle, y échappe en grande partie, du fait du faible nombre d’exemplaires qui ont été construit avant le déclenchement de la guerre. Une fois celle-ci terminée, la 15-Six, comme les autres Traction sont remises en production.

En cette période de reconstruction, de pénurie et de restrictions en tous genres, les Français qui ont la possibilité de s’acheter une voiture neuve, et, plus encore, une voiture de catégorie « supérieure » sont bien ares. Non seulement par manque de moyens financiers mais aussi parce que le Plan Pons, mis en application dès 1945 dans le but de réorganiser l’industrie automobile, oblige les acheteurs éventuels à s’inscrire sur une liste d’ attente et à devoir obtenir une licence d’ achat délivrée par le gouvernement. Un processus qui se révèle souvent long et difficile. En tout cas s’ils ne font pas partie des professions classées comme « prioritaires » ou s’ ils n’ ont pas la possibilité de payer l’achat de leur voiture en devises (dont le pays a alors grand besoin). Jusqu’ à la fin de la guerre, les matières premières comme l’ acier, les éléments essentiels comme les pneus ainsi que le carburant sont rationnées et, comme du temps de l’ Occupation, le marché noir règne en maître.

Comme pour les autres constructeurs français, la production redémarre lentement au quai de Javel, après cinq ans d’ arrêt forcé à cause de la guerre. Etant donné le contexte non seulement économique mais aussi politique et sociale plutôt morose (avec des grèves à répétition), le catalogue Citroën de l’ immédiat après-guerre (Comme celui des autres grands constructeurs d’ ailleurs) se montre fort réduit, la production, pour la 15-Six comme pour les autres modèles, étant limitée aux seules berlines. Les coupés et les cabriolets, eux, appartenant, à présent, définitivement au passé. Quant à celles des conduites intérieures et des familiales, il faudra attendre pas moins de sept ans, à la fin de la carrière de la Traction, pour qu’ elle soit enfin reprise. Si les versions longues sont pourtant bien présentes sur le stand Citroën au Salon d’ octobre 1946 (Le tout premier Salon automobile en Europe depuis la fin de la guerre), les directives du Plan Pons empêchent, pour le moment, le constructeur de les remettre en production. C’ est la production du modèle le plus économique de la gamme, la 11 CV Légère qui, en toute logique, redémarre la première (Celle de la 11 Normale, à empattement rallongé, ne reprenant, elle, qu’ en mars 1947).

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CITROËN 15 SIX BERLINE (1947 – 54)

A la fin de l’ année 1945, le constructeur est parvenu à assembler 1 525 exemplaires, ce qui constitue presque un exploit au vue de la pénurie ambiante qui règne en France. La production de la 15-Six, elle, redémarre en février 1946. La priorité, chez les constructeurs comme au sein des pouvoirs publics, étant bien évidemment donnée au modèle populaire, le modèle haut de gamme de Javel ne sort qu’ à cadence réduite. A l’ automne de cette année-là, à peine plus de 200 exemplaires ont ainsi été assemblés. Le rationnement des matières premières ne favorisant évidemment pas le retour aux cadences de production que la marque avait connue avant la guerre. Entre octobre et décembre 1946, à peine 54 exemplaires de la 15 CV seront ainsi assemblés et seulement 39 de janvier à mai 1947. Comme pour les 11 CV, le choix des couleurs est fort limité lui aussi: Le client n’ a ainsi le choix, pour la carrosserie, qu’ entre le noir et le gris foncé (Selon les stocks disponibles). Un contraste saisissant quant on fait la comparaison avec le nuancier d’ avant-guerre, où l’ on pouvait opter pour des nuances comme le jaune pâle, le vert clair ou foncé, le bleu ciel ou marine, le rouge bordeaux,…

Par rapport à leurs devancières d’ avant 1940, les « nouvelles » 15-Six affichent également moins de chromes (Les ogives de phares, par exemple, sont peintes de la couleur de la carrosserie). A l’été 1947, la 15-Six connaît sa première évolution significative. La culasse est retravaillée, l’ordre d’ allumage changé et le bloc-moteur se voit équipé d’ un nouveau carburateur Solex. Le taux de compression est légèrement abaissé afin de pouvoir accepté les carburants de mauvaise qualité dont doivent souvent se contenter les automobilistes à l’époque. Une fixation différente du vilebrequin sur le volant moteur et l’ adoption d’ une boîte de vitesses modifiée inverse également le sens de rotation du moteur, qui tourne désormais vers la droite. Ce qui explique la nouvelle appellation du modèle, la 15D, alors que la version d’ avant-guerre, elle, était reçue la dénomination 15G, étant donné que le sens de rotation du moteur était alors vers la gauche. Sur le plan esthétique, la calandre est retouchée, avec un orifice pour la manivelle placé plus haut, surmontant à présent un monogramme « 15-6 Cyl » recevant un motif ailé. Dans l’ habitacle, le rétroviseur intérieur, auparavant fixé au plafond, est désormais fixé sur le tableau de bord. Les jantes Pilote, qui équipaient la 15 CV depuis son lancement, elles, sont remplacées au printemps 1948 par de nouvelles jantes BM, dotées de petits enjoliveurs centraux identiques à ceux de la 11 CV.

Les difficultés d’approvisionnement s’estompant progressivement avec le temps, la production commence alors à retrouver des cadences de production optimales: 2 730 exemplaires de la 15-Six sortent ainsi du Quai de Javel en 1948 et un peu plus de 6 000 en 1949. A l’occasion de ce millésime, la grande Traction se fait aussi moins austère grâce à l’adjonction d’ une nouvelle calandre entièrement chromée. A l’intérieur, lunique cadran du tableau de bord troque son fond noir contre un fond blanc. A l’ automne de cette année-là (pour le millésime 1950 donc), elle reçoit des enjoliveurs spécifiques, qui avaient été conçus pour elle deux ans déjà auparavant mais qui n’ avaient jamais été montés jusqu’ ici, faute de stocks suffisants. Extérieurement, la voiture reçoit aussi de nouveaux sabots d’ ailes redessinés et, intérieurement, de nouveaux sièges plus confortables, dépourvus de barre chromée sur leur partie supérieur, font également leur apparition.

L’ année 1950 voit aussi la production faire un bond significatif, en atteignant 9 400 exemplaires. En ce début des années cinquante, la 15-Six est affichée à 636 470 F, contre 461 100 F pour la berline 11 Normale et 239 4000 F pour la 2 CV. Chez la concurrence, la nouvelle Renault Frégate est vendue 795 000 F et la Ford Vedette 674 000 F. Les modèles des derniers constructeurs français de prestige, eux, sont bien évidements nettement plus chers ; la Hotchkiss Anjou est vendue la coquette somme de 1 460 000 F en version quatre cylindres (13 CV) et 1 660 000 F pour la version six cylindres 20 CV. Quant à la très moderne Hotchkiss-Grégoire (moderne, en tout cas, sur le plan technique, elle est affiché au prix astronomique de près de deux millions d’anciens francs (1 990 000 F exactement). Comme on le voit, même si elle affichait déjà douze ans de services au compteur, la 15-Six demeurait presque sans concurrence sur le marché français.

CITROËN TRACTION AVANT 15-SIX - La reine de la route.
CITROËN 15 SIX BERLINE (1947 – 54)

Si la Traction 15 CV reste l’ un des modèles préférées des fonctionnaires et des membres du gouvernement, elle semble pourtant comme « figée » dans sa conception et ne connaît guère d’ évolutions significatives. Or, la concurrence, elle, commence à fourbir ses armes. Si la nouvelle « grande » Renault, la Frégate se situe un cran en-dessous d’elle (concurrencent plutôt la 11 CV) et la Ford Vedette, elle, n’occupe qu’ une place « secondaire » sur le marché français… De toute manière, les ventes continuent à se maintenir à un très bon niveau (11 572 exemplaires sont ainsi vendus en 1951), ce qui, évidemment, n’incite guère le constructeur à la faire évoluer. Les changements qu’ elle connaît portent donc plutôt sur des « détails », comme des volets d’aération supplémentaires sur le capot ainsi que de gros pare-chocs rectilignes plus modernes. Les feux de position réapparaissent sur les ailes avant et le motif ailé de la calandre est redessiné. Le volant, lui, ne comporte plus que de deux branches et la planche de bord reçoit de nouvelles moulures chromées ainsi qu’ un motif en forme de double chevrons. Côté mécanique, l’embrayage renforcé se contente désormais d’un seul disque.

Le modèle du millésime 1952 ne diffère, là aussi, que par quelques détails. Pour répondre à la nouvelle législation, des clignotants sont maintenant montés sur les ailes avant ainsi que sur les panneaux de custode, derrière les portières arrière., les feux de position, eux, étant désormais placés au sommet des montants entre les portières, à la place ces anciennes flèches de direction qui sont abandonnées. Au printemps suivant, la fixation des essuie-glaces est changée, ceux-ci étant maintenant ancrés à la base du pare-brise (avec des mouvements antagonistes et non plus parallèles). Les jantes BM sont ajourées afin d’améliorer le refroidissement des freins. L’habillage de l’habitacle se faisant, lui, plus « chic », avec, notamment, une sellerie de velours gris clair plus gaie. Les ventes de la 15-Six commencent pourtant à connaître une baisse sensible, avec seulement 8 736 exemplaires construits en 1952.

Le changement le plus important que connaît la Traction 15 CV pour le millésime 1953 est l’adjonction d’une malle proéminente de forme rectangulaire qui permet d’ augmenter sensiblement le volume du coffre (Même si celui-ci demeure insuffisante, surtout face à ses concurrentes plus modernes. Ce qui oblige alors, pour les longs voyages, le montage d’ une galerie de toit ou d’ un porte-bagages à l’ arrière pour pouvoir emporter un nombre suffisants de valises.), la roue de secours n’ étant maintenant plus apparente, même si certains jugent que cela nuit quelque peu à l’ esthétique. En cette première moitié des années 50, la vénérable Traction (qu’ il s’ agisse de la 11 ou de la 15 CV) commence à accuser son âge. Les ventes de la 15-Six chutent d’ ailleurs, en 1953, à 2 199 exemplaires seulement. La Citroën Traction 15 CV a désormais atteint (Si l’ on ne tient pas compte de l’ interruption due à la guerre) ses quinze ans d’ âge ! En dehors de ses sœurs aînées à quatre cylindres, elle est alors la doyenne des voitures françaises, tous les autres modèles qui ont été lancés à la même époque qu’ elle ayant quasiment déjà tous été envoyés à la retraite.

La « vieille » 15 CV va néanmoins s’ offrir un « baroud d’ honneur », en recevant (à l’ arrière seulement) la suspension hydropneumatique qui sera montée sur la future Citroën DS, la 15-Six H (son nom de baptême), présentée au mois d’ avril 1954, servant, en quelque sorte, de « laboratoire » aux ingénieurs de la marque pour cela qui va bientôt la remplacer. Un système alors révolutionnaire qui profitera notamment au confort des passagers installés à l’ arrière. Autre « nouveauté » marquante, la réapparition de la familiale à empattement long, qui fait ainsi son retour après pas moins de quatorze ans d’ absence. Une seconde carrière qui, malheureusement pour elle, sera fort éphémère: Moins de 500 exemplaires (447 exactement) en seront construits avant l’ entrée en scène de la DS, au Salon de Paris d’ octobre 1955. Laquelle marquera également la fin de la carrière de la 15-Six.

Malgré des qualités indéniables et reconnues par le public ainsi que par la presse automobile, la Traction étant arrivée en bout de piste, cette ultime évolution de la 15-Six ne connaîtra qu’un succès d’estime: Un peu plus de 3 000 exemplaires à peine (3 028 pour être exact) en seront construits jusque fin 1955. La berline « classique » ne se vendant plus, elle, qu’ à 856 exemplaires et cours de ses deux années et moins de 500 exemplaires pour la familiale. Bien que la carrière de la Traction 15 CV s’ arrête officiellement avec le lancement de la DS, 48 exemplaires (presque toutes des berlines à suspension hydropneumatique) seront encore assemblés, pour des clients privilégiés, jusqu’ en juillet 1956.

En plus de l’usine historique du Quai de Javel, la Traction, qu’il s’agisse de la 11 ou de la 15 CV, a aussi été construite à l’étranger, en Angleterre et en Belgique. Outre-Manche, la plus grande des Traction est rebaptisée Six Cylinder. Produite à l’usine de Slough. Si elle figure au catalogue de la filiale britannique de Citroën dès le courant de l’année 1939. A la différence notable qu’au pays de Shakespeare, la 15-Six est proposée en deux versions : La variante « standard », qui est identique (ou presque) à sa cousine française, ainsi que la version Grand Luxe qui, elle, se pare d’une calandre chromée surmontée de deux grands phares d’origine Lucas, épaulés par des phares Trippe fixés sur le parechoc et d’une paire d’avertisseurs apparents formant un ensemble à la fois très fonctionnel et esthétique. Un équipement spécifique à la 15-Six anglaise qui a nécessité l’adaptation d’un circuit électrique en 12 volts. Comme pour son homologue hexagonale, après avoir vue sa carrière mise entre parenthèse à cause de la guerre, la Six Cylinder reprend sa carrière en 1945. Bien que, sur le plan mécanique, elle suit les mêmes évolutions que sa cousine française, elle bénéficie cependant d’une présentation plus séduisante ainsi que d’un équipement intérieur nettement plus cossue que les exemplaires de la 15-Six qui sortent du Quai de Javel, avec, notamment, une très belle sellerie ainsi que des boiseries qui garnissent l’habitacle, ce qui en fait un coût qui n’a sans doute pas grand-chose à envier à celle d’une berline Jaguar-SS Mark IV.

L’autre site étranger où la Traction a été assemblée en assez grand nombre est l’usine de Forest en Belgique. Comme pour leurs cousines anglaises, les Traction 15-Six belges ont droit à une finition plus luxueuse et une présentation, intérieure comme extérieure, plus gaie que leurs homologues françaises. (pour l’anecdote, les Traction du Quai de Javel produites entre mars et mai 1950 recevront des jantes Lambert made in Belgium, car les ateliers de Michelin, alors en grève, étaient dans l’incapacité de fabriquer et de fournir les roues BM qui équipaient d’ordinaire les voitures construites à l’usine de Javel.

Malgré le frein que constituait (en théorie) leur structure monocoque pour les carrossiers traditionnels, ces derniers furent pourtant assez nombreux à se pencher sur les Traction 11 et 15 CV confondues. Avec, toutefois, des résultats fort divers suivant les cas, le beau et le classique côtoyant parfois l’original et le laid ! Il est d’ailleurs difficile d’en faire la liste complète, surtout si l’on prend aussi en compte celles des carrossiers amateurs ou des concessionnaires Citroën, qui, durant toute la carrière de la Traction, réalisèrent (parfois avec un talent qui, il faut le reconnaître, n’avait rien à envier à celui des plus grands carrossiers) des carrosseries de nature fort diverses, aussi bien à caractère ludique qu’utilitaire.

Sur le premier plan, parmi les 15-Six spéciales les plus réussies et les plus connues, on peut citer l’élégant coach réalisé par Figoni (connu, avant comme après guerre, pour ses magnifiques réalisations sur les Delahaye et Talbot), qui fut, à l’époque, surnommé le Squale, la forme de sa calandre n’étant pas sans évoquer le museau d’un requin. En plus des carrossiers français, un certain nombre d’artisans étrangers ont également exercer leur art sur la plus grande des Traction. Notamment en Suisse, où Ghia-Aigle et surtout Lagenthal et Worblaufen réaliseront quelques cabriolets de très belle facture.

Etant donné la disparition, avec la guerre, du cabriolet de série et que la production de celui-ci ne sera pas reprise après 1945, ces artisans-carrossiers, convaincus qu’il existe toujours un marché pour une Traction décapotable, sans doute plus assez important aux yeux des dirigeants de Citroën mais suffisant, en tout cas, pour un carrossier indépendant. Etant donné leurs méthodes de travail encore fort artisanales (comme chez la plupart de leurs confrères français d’ailleurs), il fallait toutefois être, à la fois, un fervent Citroëniste (comme l’on surnomme aujourd’hui les admirateurs de la marque aux chevrons) et avoir également un portefeuille bien garni : Le prix d’un cabriolet 15-Six sortant des ateliers de Worblaufen pouvant ainsi atteindre celui d’une Buick Roadmaster ! Dans un autre registre, toujours en Suisse, le carrossier Beutler réalisera, de son côté, un coach dont les lignes n’étaient pas sans évoquer celles de la Lancia Aurelia.

CITROËN TRACTION AVANT 15-SIX - La reine de la route.
CITROËN 15 SIX CABRIOLET (1938 – 39)

Une autre réalisation marquante réalisée sur base des Traction Citroën, cette fois en Belgique, sera les coupés transformables réalisés par le carrossier belge T.T.T (dont les initiales signifient, tout simplement, Travail de la Tôle et du Triplex), installé à Ixelles (L’une des communes de Bruxelles). Innovateur et inventif, Georges Packlé, qui a reprit en main l’affaire familiale, réalise ainsi, en 1949, sur la base d’une 15-Six d’occasion, un élégant coupé-cabriolet dont les lignes n’ont plus rien à voir avec celle de la Traction et qui, visiblement, ont été fort inspirées par les voitures américaines du moment, notamment les Buick ou les Cadillac. Toutefois, plus que les lignes (assez réussies d’ailleurs), ce qui retiendra surtout l’attention des observateurs à l’époque, c’est le système de toit transformable mis au point par Georges Packlé. Cette transformation se fait par escamotage de la partie supérieure du pavillon complet avec ses glaces de custode. Cet élément rigide et indépendant de la caisse s’articule grâce à deux bras situés à l’intérieur de la carrosserie. La partie arrière s’escamote et vient se loger dans le coffre. (Si le volume de celui-ci se trouve alors fortement réduit, il reste encore néanmoins de la place pour y loger quelques bagages). En plus de l’habitacle, lui aussi largement modifié et qui n’a plus grand-chose à voir avec celui des austères Traction sortant de l’usine du Quai de Javel. Afin de pallier au supplément de poids occasionné par la nouvelle carrosserie, la mécanique a également reçue toute une série d’améliorations (Culasse rabotée, pipe à deux carburateurs, amortisseurs BRS, radiateur spécifique,… Georges Packlé songeait aussi à y installer une direction assistée, mais cette idée-là restera sans suite). Exposé au Salon de Bruxelles en 1950 et en 1951, il ne manquera pas d’attirer l’attention des visiteurs, tout comme dans les concours d’élégance auxquels il participera mais il ne fera l’objet d’aucune commande de la part d’un éventuel client. En 1951, Packlé récidive, mais en prenant cette fois pour base de travail une 11 légère importée de France en pièces détachées. Si les lignes de cette nouvelle Traction T.T.T évoque fortement celle de sa devancière, elles s’avèrent néanmoins plus sobres et le système de toit transformable qui l’équipe est assez différent de celui monté sur la 15 CV. Bien qu’elle aura droit, elle aussi, aux honneurs du Salon de l’Auto, en janvier 1952, cette 11 CV T.T.T restera, elle aussi, une création unique. Si cette dernière existe toujours aujourd’hui, celle réalisée sur la base de la 15 CV, en revanche, a disparue, sans doute envoyée à la ferraille.

CITROËN TRACTION AVANT 15-SIX - La reine de la route.

Parmi les autres réalisations hors-séries, les réalisations à la fois les plus intéressantes et les plus populaires furent certainement les Traction découvrables, qui entendaient combiner les avantages de la berline et du cabriolet sans les inconvénients. En permettant de rouler à ciel ouvert, comme sur un cabriolet classique tout en profitant de l’habitabilité d’une berline. Certains grands constructeurs, français et étrangers, avaient déjà proposés ce genre de carrosseries à leur catalogue avant-guerre, mais ces modèles étaient souvent restés assez marginaux. Ce type de carrosserie étant plutôt réservé aux voitures de luxe. Après le lancement de la Traction en 1934, beaucoup, se souvenant sans doute de la pléthore de carrosseries proposées par André Citroën sur ses modèles C4 et C6 puis Rosalie, espéraient probablement que ce dernier inclut également une version découvrable au catalogue de la Traction. Toutefois, après la reprise du constructeur par Michelin, le nouveau propriétaire de la marque aux chevrons décide de mettre en fin ou, en tout cas, de mettre de côté la plupart des projets qui ne sont pas jugés indispensables. En ce qui concerne les Traction découvrables, les deux carrossiers les plus connus sont A.E.A.T et E.D.M. Le premier, dont les initiales signifient Anciens Etablissements Ansart et Teisseire, établi à Neuilly, réalise ses premières versions découvrables de la Traction dès 1935, soit un à peine après le lancement du modèle. Le système qu’il a mis au point offrant le grand avantage, lorsque la capote est mise en place, de reproduire exactement les lignes de la berline de série, permettant ainsi de conserver intégralement la réussite du dessin initial de Flaminio Bertoni. Le procédé en question consistant en un décapsulage de la voiture : Le pare-brise et l’amorce du toit sont conservés, ainsi que les panneaux latéraux et l’encadrement supérieur des portes. Si les transformations réalisés par A.E.A.T sur la 15-Six sont les plus connues, celui-ci a aussi œuvré sur les Traction 7 et 11 CV. Le carrossier proposant à ses clients, en plus du découpage du toit et de l’installation de la capote, un élégant habillage intérieur, en simili ou en cuir, ainsi que l’adjonction d’une malle équipée d’un porte-roue. Assez similaires aux créations d’A.E.A.T, les réalisations d’E.D.M (pour Etablissements D. Michel), installé à Nice, un grand carrossier qui, dans la seconde moitié des années 1940, employait pas moins de 300 personnes, en diffère toutefois par une capote d’aspect quelque peu différent. Ses Traction découvrables connaîtront, elle aussi, un certain succès en France. C’est d’ailleurs à ce dernier que la filiale belge de Citroën fait appel quand elle décide d’inclure une version découvrable à son catalogue. Une version à laquelle les clients français de Citroën, eux, n’auront jamais droit. Toutefois, le prix des différents éléments du système E.D.M, livrés en kit et dont l’installation était réalisé par les ouvriers de l’usine de Forest, tout comme la transformation des voitures en décapotables, atteignait un prix assez élevé, ce qui explique sans doute pourquoi seul un faible nombre de Traction découvrables belges seront réalisées.

CITROËN TRACTION AVANT 15-SIX - La reine de la route.
CITROËN 15 SIX PRESIDENTIELLE CHAPRON (I)

En plus des Citroën 15-Six de série utilisée par le Général De Gaulle et les membres du Gouvernement provisoire dès la Libération, et ensuite par la plupart des ministres de la IVème République, les deux plus célèbres 15-Six spéciales qui eurent l’honneur d’endosser le rôle de char de l’Etat furent la limousine réalisée par Franay en 1955 ainsi que la berline décapotable carrossée, elle, par Chapron et livrée à l’Elysée en 1957. D’un style visiblement inspirée de celui des voitures américaines du début des années cinquante, s’il n’y avait le logo avec les doubles chevrons ornant leur calandre, il aurait fort difficile (voire impossible) aux spectateurs qui regardaient les voitures défiler en cortège lors des cérémonies officielles, de reconnaître que ses voitures étaient réalisées sur la base de la Traction 15 CV (Plus précisément celle de la limousine à empattement rallongé). Après avoir honorablement remplies leur service durant plus de quinze ans, elles prendront toutes deux leur retraite en 1972, remplacées par deux autres Citroën, toutes deux réalisées par Chapron, cette fois sur base de la Citroën SM.

CITROËN TRACTION AVANT 15-SIX - La reine de la route.
CITROËN 15 SIX PRESIDENTIELLE CHAPRON (I)

Lorsque la dernière Citroën 15-Six quitte l’usine de Javel, c’est un page importante de l’usine de la marque aux chevrons qui se tourne. Il faudra, en effet, attendre pas moins de trente-trois ans, jusqu’ en 1989, avec le lancement de la XM, pour revoir une Citroën équipée d’ un moteur six cylindres !

Maxime DUBREUIL

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Une Traction peu commune en vidéo https://www.youtube.com/watch?v=4Kek1sLRn7A&t=723s&ab_channel=R%C3%A9troPassionAutomobiles

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