HONDA ACCORD I et II - L'accord parfait ?
HONDA ACCORD II coupé

Honda Accord I & II, l’accord parfait ?

Lorsque les premières automobiles portant le nom de la marque Honda arrivent sur les marchés français et européen, dans le courant des années 60, celle-ci est déjà loin d’être une inconnue dans le milieu des motards. A l’instar de ses compatriotes (Suzuki, Yamaha et les autres), l’entreprise fondée par Soichiro Honda était déjà parvenue à se faire un nom dans le monde des deux-roues, aussi bien en Europe et en Amérique qu’au pays du Soleil Levant. En revanche, évoquer ce nom ainsi que ceux des autres principaux constructeurs de voitures japonais dans une conversation entre passionnés d’automobile et tout le monde vous regardait d’un air intrigué comme si vous débarquiez de la Lune ou de la planète Mars.

Qu’il s’agisse de Datsun (nom sous lequel étaient alors vendues les Nissan à l’exportation), Honda, Mazda, Mitsubishi et Toyota, toutes les marques nippones alors présentes en Europe ne jouent alors, tout au plus, qu’un rôle de figuration. Les sportives japonaises attirent cependant déjà l’attention des connaisseurs (notamment parmi les auteurs de bandes dessinées, dont la plupart sont connus pour être de grand amateurs d’automobiles, tels André Franquin, qui fera du cabriolet Honda S800 l’une des voitures de Spirou et Fantasio). Cependant, sur le plan des chiffres de vente, elles restent encore bien marginales, tant à cause de leurs mécaniques sophistiquées qui réclament un entretien scrupuleux effectué par des mains expertes qu’à cause de l’image de marque encore quasiment inexistante des Japonais en Occident.

Avisés et pragmatiques, ces derniers comprennent rapidement que ce que demandent et ont besoin les automobilistes européens et aussi américains, ce sont des voitures robustes, fiables et simples à entretenir pour pouvoir rouler sans soucis au quotidien. C’est pourquoi l’essentiel des modèles proposés par les constructeurs nippons sur les marchés occidentaux, en particulier en Europe, seront composés de sages citadines, compactes et autres berlines familiales dont les lignes comme la fiche technique n’ont, en apparence, rien qui puisse faire saliver ni même les faire préférer à la plupart de leurs concurrentes européennes… A deux différences près mais de taille : une fiabilité ainsi qu’une qualité de construction qui, jusqu’ici (en dehors des marques allemandes) était quasiment inconnues à ce niveau de gamme. Un pari qui s’avèrera, très vite, largement gagnant.

Chez Honda, le premier cheval de bataille de cette conquête des marchés occidentaux a pour nom la Civic, qui sera l’un des derniers modèles conçu sous l’ère de Soichiro Honda avant que ce dernier ne prenne sa retraite. Laquelle, ainsi que ses rivales nationales, vont permettrent à Honda et autres firmes japonaises de se forger, en moins d’une dizaine d’années, une réputation aussi grande que solidement ancrée auprès du public. Sur le plan de la fiabilité des systèmes électriques ainsi que de la finition (pour les matériaux employés comme pour l’assemblage), comparer une Civic avec une Renault 5 ou une Fiat 127 revient, quasiment, à comparer une BMW avec une Lada ! Un succès commercial immédiat qui ne concernera d’ailleurs pas que les pays européens, mais aussi aux Etats-Unis, où pas moins de 100 000 exemplaires de la Civic seront ainsi vendus en 1975.

CIVI MK1

Le marché des berlines familiales, au Japon comme en Occident, étant alors en pleine expansion, Honda s’était attaqué très tôt à ce marché avec la 1300. Si, extérieurement, sa ligne reste tout ce qu’il y a de plus classique, sa mécanique, elle, en revanche, se montre bien plus intéressante notamment avec sa distribution à double arbre à cames et sa lubrification par carter sec (deux caractéristiques qui sont alors généralement l’apanage des voitures de sport) ainsi que sa transmission aux roues avant (à une époque où, chez la plupart des constructeurs, la propulsion reste encore la norme). Les performances ont d’ailleurs de quoi faire rêver n’importe quel automobiliste occidental avec près de 100 chevaux (96 exactement), soit environ 50 % de plus qu’une Peugeot 304, ce qui, dans les années 60, représente alors une puissance hors du commun pour une voiture de cette catégorie. Un rapport puissance/cylindrée exceptionnel obtenu grâce à l’application à l’automobile des techniques utilisées sur les motos produites par Honda et qui avaient d’ailleurs déjà été appliquées sur les roadsters S500, S600 et S800.

L’enthousiasme et l’audace des ingénieurs de Honda leur ont toutefois, semble-t-il, fait oublier que la vocation et l’usage qui est fait d’une voiture familiale diffèrent fortement de celle d’une sportive. Malgré tout son potentiel et ses qualités, la 1300 sera ainsi rapidement victime de soucis de fiabilité et de mise au point qui lui empêcheront de mener une véritable carrière à l’exportation, aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis.

Déterminé à se faire une place de choix sur le marché des voitures familiales, comme elle l’avait réussie à le faire dans la catégorie des citadines avec la Civic et soucieux de ne pas reproduire la même erreur qu’avec la 1300, Honda va, tout simplement, appliquer, pour celle qui lui succédera, la même recette que sur la Civic. A savoir des solutions techniques simples et éprouvées qui, en plus de lui assurer une grande facilité d’utilisation et d’entretien, lui permettra également d’être vendue partout, aussi bien dans les nations occidentales qu’au sein des pays émergents. Comme pour la citadine Civic, le pari va, là aussi, se révéler gagnant.

HONDA ACCORD I et II - L'accord parfait ?
HONDA ACCORD I coupé

Lorsque la nouvelle Accord est dévoilée au public, en 1976, bien qu’elle se présente comme un modèle à caractère familial, ce n’est toutefois pas sous la forme d’une berline qu’elle est commercialisée en premier mais sous celle d’un coupé fastback doté d’un hayon. Est-ce parce que, étant donné une image de marque dont la construction, sur les marchés occidentaux, n’était pas encore achevée, Honda était convaincu que, même dans cette catégorie, un coupé avait une image plus valorisante que celle d’une berline ? Et que commercialiser le premier cité avant la seconde permettrait ainsi d’offrir à la nouvelle Accord un statut plus valorisant ? Il est vrai que, en Europe tout du moins et au sein du segment des berlines familiales, le constructeur ne pouvait guère se prévaloir d’une véritable expérience et était surtout connu du public européen pour sa citadine Civic. Le fait que le coupé Accord offre une silhouette fort similaire (à une échelle, évidemment, plus grande) aiderait sans doute, dans l’esprit des acheteurs potentiels et qui, éventuellement, étaient déjà propriétaire d’une Civic, faciliterait (en tout cas pour ceux qui en avaient les moyens) de franchir le pas en faisant l’acquisition d’une Accord.

En tout état de cause, s’il s’agit là d’un choix commercial assez inhabituel, ce n’est toutefois pas un cas unique, puisque Alfa Romeo l’avait également fait pour la Giulietta et, par après, Volvo fera de même avec le coupé 480, qui sera dévoilé avant la berline 440 dont il empruntait la plateforme. L’Accord s’adressant, que ce soit dans les pays européens comme en Amérique du Nord, aux classes moyennes, la fiche technique de la nouvelle Honda sera à l’image de sa ligne. Autant dire que l’on reste dans des solutions très classiques, avec un quatre cylindres en ligne de 1,6 litre affichant, très exactement, une puissance de 80 chevaux.

HONDA ACCORD I et II - L'accord parfait ?
HONDA ACCORD I coupé

Cela dit, il convient de reconnaître que, même si l’on est assez loin de l’avant-gardisme d’une Citroën GS, l’Accord est toutefois assez loin, aussi, de ce que l’on pourrait appeler une voiture archaïque. Sa transmission fait, en effet, appel à la traction avant, avec le moteur placé en position transversal et ses suspensions sont constituées de quatre roues indépendantes équipées de jambes de type McPherson. Autant de caractéristiques avec lesquelles Honda peut légitimement se revendiquer, à l’époque, comme le plus « europhile » des constructeurs japonais (pour rappel, la plupart de ses concurrentes nationales, comme la Datsun Cedric ou la Toyota Carina restent toujours fidèle à la propulsion ainsi qu’à l’essieu arrière rigide).

Après le coupé (commercialisé sur le marché japonais en mai 1976 et dans l’hexagone à compter d’octobre suivant). Comme il est alors presque toujours de règle sur ce segment, au Japon comme sur le Vieux Continent, la règle sur ce genre de modèles, en ce qui concerne l’esthétique, est de présenter une ligne conçue pour ne déplaire à personne, mais, au contraire, pour plaire au plus grand nombre d’acheteurs possible. Il n’y a guère que le dessin de la face avant, avec ses quatre phares ronds, son capot ainsi que sa calandre plus basses dans leur partie centrale ainsi que la prise d’air assez imposante au bout du capot (devant le pare-brise) qui lui donne un soupçon d’agressivité. Est-ce dans un souci de généralisation des programmes de production et d’abaissement des coûts ? En tout cas, en Europe comme outre-Atlantique, la Honda Accord arbore, à l’avant comme à l’arrière, d’épais pare-chocs noirs ainsi que de gros répétiteurs de clignotants à l’extrémité des ailes avant, typiques de ceux qui équipent alors les voitures vendues sur le marché américain.

HONDA ACCORD I et II - L'accord parfait ?
HONDA ACCORD I coupé

Ce qui différencie l’Accord de la plupart des autres modèles de la catégorie, outre sa robustesse, sa fiabilité et sa qualité de finition, c’est également un équipement bien plus riche que sur ses rivales. On trouve ainsi, de série des appuie-têtes sur les sièges avant, un système de désembuage des vitres sur les portières ainsi que des indicateurs au tableau de bord avertissant le conducteur si celles-ci ont le hayon sont restés ouvertes ou mal fermées. On retrouve aussi des indicateurs d’alerte pour les phares, feux et clignotants ainsi que les lampes intérieures lorsque ceux-ci sont hors service, pour la vidange de l’huile moteur et même de permuter, éventuellement, les pneus en fonction du kilométrage parcouru par la voiture. Si certains des équipements cités au début se trouvent aujourd’hui sur la plus « cheap » des voitures low-cost, il faut rappeler que, au milieu des années 70, cela restaient cantonnés dans la catégorie des équipements optionnels ou n’étaient proposés, en série, que sur des modèles de catégorie supérieure. Quant au reste des équipements susmentionnés, pour trouver cela sur d’autres modèles du même segment, il n’y a guère que les constructeurs allemands comme BMW (Série 3) ou Mercedes (W123). Ce qui illustre bien, en la matière comme dans bien d’autres domaines, l’avance des constructeurs japonais (ou le retard de la plupart de leurs concurrents européens, c’est selon.

Si, parmi les marques nippones alors présentes sur le marché français (bien moins nombreuses qu’aujourd’hui, puisqu’elles ne sont que quatre en tout : Honda, Mazda, Datsun/Nissan et Toyota, Mitsubishi n’arrivant chez nous qu’en 1978), Honda figure alors, en termes de chiffres de vente, en queue du peloton, l’Accord (comme la Civic avant elle) va lui permettre d’élargir fortement son public dans l’hexagone. Dès 1977, la marque passe ainsi la barre des 5 000 voitures vendues chez nous en un an (tous modèles confondus, dont les deux tiers – plus de 3 000 exemplaires – sont représentés par l’Accord). La première génération de la Civic étant alors, qui plus est, en fin de carrière (le lancement de sa remplaçante interviendra en 1979), l’Accord peut profiter pleinement de l’effet nouveauté. Afin de conforter, voire d’élargir encore, son audience auprès de la clientèle européenne, la version berline à quatre portes (présentée au Salon de Tokyo à l’automne 1977) débarque en Europe en janvier 1978, où elle est présentée officiellement à l’occasion du Salon automobile de Bruxelles (même si elle ne sera disponible en France qu’à compter du mois d’avril).

HONDA ACCORD I et II - L'accord parfait ?
HONDA ACCORD I berline

Plus que le Vieux Continent, comme pour la plupart des firmes japonaises, le premier marché d’exportation n’est pas le Vieux Continent mais bien l’Amérique du Nord. Au pays de l’Oncle Sam, la Honda Accord est même devenue l’un des best-sellers de sa catégorie (elle est classée là-bas dans la catégorie des modèles Compacts), avec plus de 100 000 exemplaires qui y sont vendus chaque année. En comparaison, le marché français, voire même européen, fait véritablement figure de « Petit Poucet ». Si la greffe d’une malle classique, assortie d’un porte-à-faux plus imposant, qui allonge sa longueur totale de 24 cm, lui permet d’offrir un volume plus important pour les bagages, le reste de la ligne reste toutefois identique à celle du coupé 3 portes originel. Autant dire que, sur le plan esthétique, la berline Accord reste dans « l’orthodoxie classique » la plus pure. Il convient de rappeler toutefois qu’il en était également ainsi chez la grande grande majorité des constructeurs européens et qu’une Renault 18, une Fiat 131 ou une Opel Ascona n’offrent pas plus de « sex-appeal » que leurs rivales venues d’Extrême-Orient. L’esthétique ne figurant alors pas dans les critères de choix (en tout cas prioritaires) des ménages lors de l’achat d’une voiture de ce genre.

HONDA ACCORD I et II - L'accord parfait ?
HONDA ACCORD I coupé

Par rapport à la version trois portes, la berline « classique » bénéficie également de quelques modifications et améliorations techniques : une suspension arrière équipée de nouveaux silentblocs, une nouvelle ligne d’échappement de conception améliorée ainsi qu’un traitement anticorrosion sur les points les plus sensibles de la carrosserie. (Il faut toutefois rappeler que, au Japon comme en Occident, les traitements antirouille n’en étaient qu’à leurs débuts et que, sur ce point, l’acier japonais ne valait pas toujours mieux que celui produit en Angleterre ou en Italie). Si la plupart des nouveautés ne sont guère révolutionnaires en soient et ne modifient en rien la présentation, intérieure comme extérieure, du modèle, chaque année ou millésime apporte cependant son lot de changements.

HONDA ACCORD I et II - L'accord parfait ?
HONDA ACCORD I berline

Ainsi, l’année-modèle 1980 verra le lancement d’une nouvelle motorisation caractérisée par une course fortement réduite par rapport au moteur initial 596 mm au lieu de 93) ; un nouveau système d’allumage transistoré ; un essieu arrière revu, plus efficace et offrant plus de confort de conduite ainsi qu’un habitacle bénéficiant d’une insonorisation améliorée. Même si elle a sans doute été pensée, avant-tout, pour plaire à la clientèle américaine (où ce genre de transmission est, depuis longtemps, la norme, même sur les voitures compactes), sur le marché européen, la boîte de vitesses automatique fait alors figure de curiosité (voire même, aux yeux de certains, presque « d’incongruité ») dans cette catégorie, où les acheteurs ne jurent encore que par les boîtes manuelles. Ce qui ne l’empêchera toutefois pas, même ici, de trouver son public, sa douceur ainsi que sa facilité d’utilisation lui attirant, en effet, rapidement, les faveurs des personnes âgées ainsi que de la clientèle féminine. La transmission automatique, conçue par Honda et, pour cette raison, baptisée fièrement « Hondamatic » déjà proposée sur la Civic, mais qui, sur l’Accord, s’enrichit d’une nouvelle et troisième vitesse lors du millésime 80, sera disponible sur la berline comme sur le coupé.

Parmi les autres « curiosités » ou innovations absentes chez la plupart de ses rivales européennes, la climatisation qui, bien qu’elle ne soit proposée qu’en option, est disponible sur l’Accord depuis son lancement en 1976. Rappelons-le, là aussi, l’air conditionné était un véritable luxe sur une berline familiale au milieu des années 70. Imaginez un tel équipement sur une Renault 18 ou une Peugeot 504 aurait presque relever du domaine de la science-fiction ! A la même époque, la berline ainsi que le coupé Accord bénéficient également du montage d’une direction assistée (inaugurée, au sein de la gamme Honda, par le coupé Prelude, dévoilé en 1978). Celle-ci présentant, en outre, l’avantage (et l’innovation) de varier en fonction de la vitesse de la voiture. Une fois encore, au sein de la production française (exceptée, évidemment, Citroën avec le système Diravi) est loin du compte.

Sur le plan esthétique (et aussi pratique), la production allemande semble avoir aussi inspiré, par endroits, les designers du bureau d’études de Honda, puisque l’Accord se voit équipée de nouveaux feux arrière striés « anti-salissures » fortement inspirés de ceux que l’on retrouve à l’époque sur les Mercedes. Toujours lors de la présentation des modèles du millésime 1980 et sans-doute parce que (comme il a été mentionné plus haut) ce genre de carrosserie possède, généralement, une image plus prestigieuse qu’une berline, le coupé Accord est désormais disponible avec une nouvelle finition haut de gamme, baptisée EX. Celle-ci bénéficiant, notamment, en série, de la direction assistée ainsi que d’un système d’éclairage au bas des portières. Curiosité amusante (illustrant bien que l’assistance de direction était encore, à l’époque, une sorte de « luxe » dont de nombreuses voitures populaires étaient encore dépourvues), l’acheteur sait qu’il se trouve à bord d’une voiture qui en est équipée grâce à l’inscription « Power Steering » (qui veut, tout simplement dire « direction assistée » en anglais) figurant au centre du volant.

HONDA ACCORD I et II - L'accord parfait ?
HONDA ACCORD II coupé

Si, sur le plan de la sécurité active ou passive, les japonaises ne sont alors pas encore au niveau des suédoises, les marques nippones se montrent toutefois, ici encore, bien plus en avance que les françaises. La Honda Accord bénéficiant, dès l’année-modèle 1980 (dans toutes ses versions et carrosseries), d’un  pare-brise feuilleté (alors que les voitures françaises ne commenceront à en être équipées que trois ans plus tard. Ce seront toutefois les dernières évolutions que connaîtra la Honda Accord première du nom, puisque celle-ci cède la place à la seconde et nouvelle génération au début de l’automne 1981 (elle est commercialisée en France à partir du mois de février de l’année suivante), laquelle est toujours proposée soit en berline quatre portes ou coupé à hayon. Signe qui illustre que c’est bien le public européen qui est sa principale cible, ce n’est plus au Salon automobile de Tokyo qu’elle est dévoilée mais à celui de Francfort.

HONDA ACCORD I et II - L'accord parfait ?
HONDA ACCORD II coupé

Cette fois-ci, (outre le fait que la nouvelle mouture n’a plus un seul panneau de carrosserie en commun avec celle qui l’a précédée) les lignes plus ou moins « rondouillardes » des années 70 appartiennent désormais au passé, laissant place à une silhouette tant en angles et en arêtes vives. Comme beaucoup de voitures des années 80 appartenant à la même catégorie, en dehors des quatre roues et du volant, tout, que ce soit pour la carrosserie ou le mobilier intérieur, semble avoir été dessiné à la règle et à l’équerre. Tout juste les pare-chocs, mieux dessinés et donc moins massifs que sur l’ancien modèle, ainsi que les rétroviseurs profilés (désormais peints en noirs, l’accastillage « tout chromé » n’étant plus vraiment à la mode) améliore quelque peu son aérodynamique (pour autant, sur ce point, elle reste très loin de celui d’une Citroën CX!). Elle perd même le soupçon d’agressivité que conférait à sa devancière les quatre phares ronds ainsi que le capot et la calandre rabaissés en leur centre pour des phares et une calandre rectangulaire tout ce qu’il y a de plus classique et même d’anonyme.

HONDA ACCORD I et II - L'accord parfait ?
HONDA ACCORD II coupé

Le logo en forme de « H » sur la calandre ainsi que le nom de Honda sur la malle de coffre (ou le hayon, dans le cas du coupé) à l’arrière auraient tout aussi bien pu être remplacés par ceux de Nissan, Toyota, Mazda ou Mitsubishi que cela n’y aurait sans doute strictement rien changé, chez nous, aux yeux de la plupart des acheteurs. C’est dire combien sa ligne (même aux yeux du public à l’époque et donc plus encore aujourd’hui) apparaît des plus « consensuelles » et « passe-partout » (pour ne pas dire, tout simplement, impersonnelle). Mais il convient, à nouveau, de rappeler que, même si cela était probablement surtout vrai sur les berlines japonaises, les trois quarts (des modèles de l’époque, quelle que soit leurs origines, étaient logés à la même enseigne.

HONDA ACCORD I et II - L'accord parfait ?
HONDA ACCORD II coupé

Hormis ce changement de style, l’Accord deuxième du nom voient ses dimensions (très) légèrement augmentées (avec un empattement allongé de 7 cm, ce qui profite évidemment à l’habitabilité, 3 cm de plus en largeur ainsi que de 2 cm de plus en hauteur) et affiche également un poids en légère augmentation (40 kg de plus sur la balance). Bien qu’en ce qui concerne sa fiche technique, l’Accord ne soit toujours pas ce que l’on pourrait appeler un modèle d’avant-gardisme, cette nouvelle génération présente néanmoins plusieurs évolutions méritant d’être soulignées. Le système de freinage est ainsi assurée par quatre disques ventilés, la suspension bénéficie d’un train arrière à bras allongés et le modèle se voit également doté d’un train avant à déport négatif.

Pour ce qui est du dessin du tableau de bord, les stylistes de Honda semblent avoir été chercher leurs inspirations du côté des constructeurs allemands, tant celui par son design comme ses couleurs, rappelle celui de certains modèles contemporains d’outre-Rhin. Notamment l’Audi 100 C2, tant par ses aérateurs rectangulaires disposés tout le long de la planche de bord ainsi que ses couleurs (noir pour la partie basse et bleu « grisâtre » (comme sur les carpettes de salle de bain) pour la partie supérieure. (Ce qui, à défaut d’apporter une ambiance particulièrement gaie à l’habitacle, apparaît sans doute mieux que le noir intégral de la plupart des voitures de l’époque).

Comme sur la première Accord, outre la fiabilité ainsi que la solidité de l’ensemble de la voiture (qui rabaissaient ses rivales frappés du Losange ou du Lion au niveau d’une Trabant ou d’une Lada), Honda a également fait le choix, afin de séduire les acheteurs, d’un équipement bien plus complet que chez ses compétitrices. Si le système de lavage et de nettoyage des phares, la direction à assistance variable, les quatre vitres électriques (offrant même un mode séquentiel pour celle du conducteur, cerise sur le gâteau), le verrouillage centralisé, la radio et la peinture métallisée font aujourd’hui partie de l’équipement standard que l’on trouve sur la plus austère et basique des Dacia Sandero (voire même des Mahindra indiennes ou des Geely chinoises), dans les années 80, à côté de la Honda Accord, les Renault et Peugeot contemporaines affichaient, là aussi, une austérité digne de celle des voitures des pays de l’Est ! Une qualité de construction ainsi qu’un équipement très complet qui (revers de la médaille) se payent, évidemment, par des prix de vente plus élevés que ceux de ses concurrentes.

Si, comme dans le cas de sa devancière, l’Amérique reste son principal marché, en dépit du système de quota (instaurée par le gouvernement français en 1977, en forme de représailles commerciales aux droits de douanes japonais frappant, non seulement, les voitures mais aussi la quasi totalité des produits français ou européens), la Honda Accord « number two » réussira, sans trop de mal, à trouver son public dans l’hexagone.

HONDA ACCORD I et II - L'accord parfait ?
HONDA ACCORD II berline

A noter que, si les constructeurs japonais ont souvent été réputés pour la complexité des codes internes désignant (et différenciant) les différentes générations de leurs modèles, ceux de Honda à l’époque décrochent (paraît-il) la palme dans ce domaine. Tant et si bien que, en France, même les spécialistes de la marque ainsi que le reste des historiens automobile se contentent de les désigner par les dénominations Accord « I » et « II », pour plus de clarté et de simplicité.

Plus, toutefois, que sur l’Europe, c’est bien (encore et toujours) en direction de l’Amérique que se tournent, avant-tout, les dirigeants de Honda, les débouchés que représente celui-ci étant sans commune mesure avec celle du Vieux Continent. De ce point, l’année 1982 constituera une date marquante, puisque le constructeur inaugure, en novembre de cette année-là, son premier site de production au pays de Ronald Reagan, situé à Marysville dans l’Ohio. Plus encore que les habitants de la « Vieille Europe », les Américains sauront reconnaître et apprécier à leurs justes valeurs les qualités de la très discrète berline Honda, au point qu’elle deviendra, quelques années plus tard, rien moins que la berline la plus vendue de sa catégorie aux USA.

HONDA ACCORD I et II - L'accord parfait ?

Si, à l’époque, tous les modèles de la gamme Honda (en tout cas ceux distribués en France et en Europe) semblent avoir une prédilection pour les noms renvoyant à l’univers de la musique (Ballade, Concerto, Prelude, Quintet,…), ils se « cannibalisent » aussi souvent entre eux. Bien que cette politique est sans aucun doute due, en premier lieu, à une volonté de rationaliser (et donc d’abaisser) au maximum les coûts de production, en ce qui concerne la plupart des principaux éléments de fabrication, à l’exemple des moteurs et des plateformes, cela s’apparente, quasiment, à une sorte de « cannibalisme technique ». Si, de ce point de vue, les modèles de la gamme Honda s’apparentent donc fortement à une sorte de « patchwork », cela ne les empêche en tout cas pas de connaître un succès assez honorable chez nous. Même s’il est vrai que ce sera très vite la seconde génération de la Civic qui tiendra très vite le haut du pavé concernant les chiffres de vente.

HONDA ACCORD I et II - L'accord parfait ?
HONDA ACCORD II berline

Si, au début de l’année 84, l’Accord bénéficie d’un lifting de sa carrosserie, celui-ci demeure toutefois (très) léger, au point que, concernant la berline, sous certains angles, il faudrait presque se munir d’une loupe pour parvenir à distinguer les différences avec les modèles des millésimes antérieurs. (Une autre caractéristiques des voitures japonaises de l’époque, les liftings « intermédiaires » intervenant au milieu de la carrière d’un modèle étant connus pour être des modèles en matière de « légèreté »). Ce lifting touchant principalement le dessin des phares et des clignotants, de la calandre, des feux arrière et des pare-chocs ainsi qu’un capot lui aussi redessiné et masquant les essuie-glaces. Dans le genre « lifting (ultra-)léger » difficile de faire mieux !

HONDA ACCORD I et II - L'accord parfait ?
HONDA ACCORD II berline

Contrairement à cette dernière, le coupé, lui aussi concerné par ce lifting, connaîtra une évolution esthétique plus marqué, sans doute pour mieux se différencier de la version à quatre portes (dont dire que le charisme n’était pas l’atout majeur relève sans doute de l’euphémisme!). Toujours parce que, dans l’esprit du public (ainsi que des constructeurs), un coupé (même « familial ») se doit (dans la plupart des cas) d’offrir une image plus « valorisante » à son propriétaire qu’une berline, même lorsqu’elle en reprend le châssis et les motorisations. D’où cette opération de « chirurgie esthétique », avec un capot plongeant ainsi qu’un museau manifestement inspiré de la troisième génération de la Civic et dont l’allure général évoque tout autant un coupé Civic CRX aux lignes étirées, voire la troisième génération de la Toyota Celica/Supra (dont elle est d’ailleurs la concurrente).

Bien qu’elle présente plus l’aspect d’un coupé familial (ce qui est d’ailleurs bien là sa vocation) que sportif, ce rôle étant plus dévolu à la Prelude (laquelle s’en distingue, essentiellement, outre sa carrosserie tricorps à malle classique, par ses phares rétractables). Elle emprunte d’ailleurs à cette dernière (qui l’a étrenné avec la seconde génération du modèle) l’excellent quatre cylindres 1,8 litre doté d’une culasse à douze soupapes (chaque cylindre se voyant dotée d’une soupape d’échappement mais surtout de deux soupapes d’admission différenciées) développant 98 chevaux). Si cela ne transforme évidemment pas le coupé Accord en avion de chasse, cela lui permet toutefois d’offrir de meilleures performances ainsi qu’un comportement moins placide que sur la berline. Un moteur assez brillant dont bénéficiera d’ailleurs également la berline.

L’ancienne transmission Hondamatic étant désormais devenue obsolète, surtout en regard de celles qui équipent ses concurrentes produites outre-Rhin-Atlantique par les constructeurs de Detroit, l’Accord est désormais proposée avec une nouvelle boîte automatique à quatre rapports, associée à un système de blocage du convertisseur. Concernant les niveaux de finition, la gamme s’élargit encore avec la nouvelle EXR, qui, en plus des équipements déjà existant sur les autres versions, offre également un régulateur de vitesse, un toit ouvrant électrique ainsi qu’un système d’antiblocage des freins ALB conçu et breveté par Honda. Il n’y a qu’à comparer avec les modèles produits en France à la même époque pour réaliser l’avance qu’avaient les Japonais sur la plupart de leurs rivaux européens en général et des Français en particulier.

En effet, en 1984, aucune voiture française ne propose encore l’ABS, même en option. Les seules voitures qui en sont alors équipées en série sont des berlines et coupés de grand tourisme ou de prestige comme l’Audi 200 Turbo, l’Opel Senator CD, les BMW 745 et 635 ainsi que les Mercedes Classe S (et encore, uniquement en version haut de gamme 500 à moteur V8) ! Autant dire que ce système que l’on retrouve de nos jours sur quasiment toutes les voitures modernes était alors un véritable luxe technologique au milieu des années 80, réservé, en Europe, à l’élite de la production automobile.

HONDA ACCORD I et II - L'accord parfait ?
HONDA ACCORD 1977 et 2015

Même s’il faut bien reconnaître que la grande majorité des propriétaires de la Honda Accord l’ignoraient sans doute en en faisant l’acquisition (et aussi que, pour certains, cela leur importait sans doute assez peu). En tout cas, concernant son freinage comme pour tout le reste, tous ceux qui devenaient possesseur d’une Honda Accord savaient que, chaque matin, lorsqu’ils en prenaient le volant, qu’il pleuve, qu’il neige ou qu’il vente, ils étaient certain qu’avec elle, il pouvait alors n’importe où (où il y avait une route) et qu’ils pouvaient rouler comme dormir parfaitement tranquille avec elle. Ayant toujours su mettre en avant (et à juste titre) la solidité et la longévité d’utilisation de ses modèles, Honda aurait ainsi pu mettre ce slogan en exergue dans ses publicités : « La voiture dont vous pouvez être sûr qu’elle ira jusqu’au bout ! ».

Un exemple supplémentaire illustrant (si, toutefois, il y en avait encore le besoin) que la valeur ou l’attrait d’une voiture ne résidait pas toujours ou uniquement dans la plastique de sa carrosserie mais aussi (ou surtout) dans la sécurité qu’elle procurait à ses occupants. En privilégiant ainsi la sécurité (ainsi que la qualité de construction et la fiabilité) à l’esthétique, Honda a finalement donné, avec l’Accord comme avec ses autres modèles contemporains, une autre idée du « prestige » ou de « l’exception » automobile.

Ses deux premières générations de la Honda Accord auront été vendues, au total, à un peu plus de 16 000 exemplaires sur le marché français. Suivant en cela le programme suivi à l’époque par la plupart des constructeurs japonais, quel que soit le succès commercial qu’ils aient connu, ces derniers ont alors pour habitude de remplacer leurs modèles tous les quatre ans (ce qui en dit long sur la capacité d’investissements dont ils disposent). L’Accord deuxième du nom cédera ainsi sa place, en 1985, à une nouvelle et troisième génération.

HONDA ACCORD I et II - L'accord parfait ?
HONDA ACCORD Dixième génération

Si le modèle figure toujours aujourd’hui dans le programme de production de Honda (il en est même à sa dixième génération), faute de ventes jugées suffisantes, le constructeur décidera d’en arrêter la commercialisation sur le marché européen en 2015. Le modèle actuel, désormais vendu exclusivement en berline, n’est d’ailleurs même plus produite au Japon mais est toujours assemblé (pour les voitures destinées au marché américain) à Marysville, ainsi que, pour les pays d’Asie du Sud-Est, en Chine, en Thaïlande ainsi qu’en Malaisie. Signe des temps et des changements des goûts de la clientèle européenne, en France, les berlines ne sont désormais plus représentées que par la Civic, celles-ci ayant été, depuis longtemps et en grande partie, supplantées par les SUV.

Philippe ROCHE

Photos DR

D’autres japonaises https://www.retropassionautomobiles.fr/2021/11/nissan/

Nos vidéos https://www.youtube.com/channel/UCdnjRO4CUpmk_cUsI5oxs0w?view_as=subscriber

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici