CHENARD & WALCKER - L'empire disparu de Gennevilliers.
CHENARD & WALCKER SUPER AIGLE (1936)

Chenard & Walcker- L’empire disparu de Gennevilliers.

Dès les années 1890, de plus en plus d’industriels prennent conscience du potentiel, de plus en plus important, qu’offre l’industrie automobile, alors naissante. A cette époque, ainsi que dans la première décennie du 20ème siècle, il ne se passe presque pas une semaine sans qu’apparaisse un nouveau constructeur en France. Rien que l’année 1898 verra ainsi la naissance – dans l’ordre chronologique – de Chenard & Walcker, Renault, Hurtu, Decauville, Rheda, Créanche, Georges Richard, Marot-Gardon, Gobron-Brillé, De Dietrich et d’autres encore. Toutes ces nouvelles entreprises connaîtront des destins et des fortunes diverses. Certaines prospérant rapidement et devenant très vite parmi les plus importants constructeurs automobiles français. D’autres, en revanche, par manque de moyens ou d’ambition, resteront toujours assez marginaux et ne se feront guère connaître au-delà d’un cercle « d’initiés » ou de leur région d’origine.

La firme Chenard & Walcker connaît un développement assez rapide et, lorsque éclate la Première Guerre mondiale, en 1914, un acteur assez important et incontournable de l’industrie automobile française, même si, sur le plan des chiffres de production -en tout cas en ce qui concerne les voitures de tourisme-, elle restera, toutefois, toujours cantonnée dans la catégorie des « poids moyens » et n’atteindra jamais l’envergure que connaîtront, dans l’entre-deux-guerres, Peugeot, Renault et Citroën. A partir du début des années 1920, la marque, dont les usines se situent à Gennevilliers, se spécialisent dans la production des voitures de milieu de gamme – entre 10 et 20 chevaux fiscaux -, à quatre et six cylindres. Une catégorie où la concurrence est alors nombreuse – et souvent rude – et où Chenard & Walcker se mesure à des constructeurs comme Hotchkiss, Salmson, Ariès et beaucoup d’autres encore.

CHENARD & WALCKER - L'empire disparu de Gennevilliers.
CHENARD QUADRICYCLE (1898)

Si les modèles sortant des usines de Gennevilliers connaissent un succès fort appréciable auprès du public, c’est d’abord et avant-tout, grâce au sérieux et à la qualité de leurs productions, plutôt que d’une personnalité fort marquée. Il est vrai que, tant en ce qui concerne leurs lignes que leur architecture mécanique, les Chenard & Walcker restent fidèles – à l’image de la plupart de leurs concurrentes – à un classicisme prudent. La clientèle de la marque se recrutant alors au sein de la petite et de la moyenne bourgeoisie, – laquelle reste, dans son ensemble, assez conservatrice -, il n’est, dès lors, pas vraiment surprenant que le constructeur demeure attaché à des solutions techniques simples et éprouvées, plutôt que sur des innovations plus difficiles à maîtriser. – Les déboires que connaîtront ceux de leurs concurrents qui, eux, ont choisi de jouer la carte de l’avant-gardisme, comme Citroën lors du lancement de la Traction Avant, leur donnant d’ailleurs souvent raison.

Ce qui n’empêche pas la marque – à l’instar de la plupart de ses rivales – de s’illustrer en compétition, en participant ainsi aux épreuves les plus célèbres et populaires de l’époque, d’envergure nationale ou internationale. Parmi ces dernières, la plus prestigieuse est, bien entendu, celle des 24 Heures du Mans. Née de la rencontre, lors du 17ème Salon de l’Automobile de Paris, qui se tient au Grand-Palais des Champs-Elysées, en octobre 1922, de trois personnages hors du commun Emile Coquille – administrateur de la société Rudge Whiteworth, qui fabrique les célèbres roues à rayons du même nom), Georges Durand – secrétaire général de l’Automobile Club de l’Ouest – et de Charles Faroux – journaliste spécialisé dans les sports mécaniques. A l’initiative de Durand, les trois hommes, réunis dans un salon privé du Grand-Palais, commencent alors à évoquer l’idée d’une nouvelle épreuve d’endurance automobile, d’une envergure sans précédent, qui – que ce soit en termes du nombre de participants comme de la durée sur laquelle celle-ci doit se dérouler – dépassera tout ce qui avait été fait jusqu’ici dans ce domaine. Si Faroux propose d’abord que la course se déroule sur une durée de huit heures, dont quatre de nuit, Durand, lui, met la barre encore plus haut en suggérant une épreuve se déroulant sur… vingt-quatre heures !

C’est d’ailleurs une voiture de la firme Chenard & Walcker qui remportera, au terme d’une âpre bataille – disputée sous de violentes intempéries, assez inhabituelles en cette fin du mois de juin – , la première édition de cette compétition qui va rapidement devenir l’une des épreuves les plus mythiques du sport automobile. La marque remportera d’ailleurs une double victoire, en réussissant à hisser l’une des deux autres voitures qu’elle avait engagée dans la course sur la seconde marche du podium. Les trois voitures engagées lors de cette première édition des 24 Heures du Mans se caractérisent par leurs carrosseries aux lignes très avant-gardiste pour l’époque, qui témoignent des premières applications des recherches sur l’aérodynamique. Le succès remporté par ses voitures du Mans, tant sur les podiums qu’auprès du public, incitera d’ailleurs les dirigeants de la firme à les inscrire à son catalogue, avec la présentation du Type Y au salon de Paris de 1927.

Si, dans l’univers des courses automobiles, Chenard & Walcker fait montre d’un très grand avant-gardisme, en tout cas en ce qui concerne les lignes des carrosseries de ses voitures de compétition, il n’en sera, malheureusement, pas de même en ce qui concerne ses modèles de grande série, qui, eux, restent toujours « prudemment » dans le rang, tant d’un point de vue technique qu’esthétique. La marque tentera néanmoins, à plusieurs reprises, de se sortir de ce « carcan » et de cette image trop conservatrice dans laquelle elle s’était elle-même enfermée. Notamment avec la présentation, au Salon de 1933, de la Mistral, une version civile du nouveau coach aérodynamique destiné, à l’image des « tanks » des premières 24 Heures du Mans, à s’illustrer en compétition. Malgré ses lignes fort innovantes, qui ont, manifestement, trouvé leur inspiration dans le monde de l’aviation – Ce qui n’est sans doute pas un hasard, étant donné que son créateur n’est autre que l’avionneur Pierre Mauboussin -, la Chenard & Walcker Mistral n’avait guère de chance de trouver son public et donc de connaître un véritable succès commercial dans la France de l’époque. Tout d’abord car elle faisait incontestablement figure « d’OVNI » au sein de la gamme du constructeur de l’époque – les autres modèles du catalogue, aussi bien ceux équipés de moteurs 4 ou 8 cylindres, qui, comme les autres modèles de la production française d’alors, restaient fidèles aux calandres droites et aux caisses carrées – et que la grande majorité de la clientèle de la marque – assez conservatrice ou conformiste –  n’était certainement pas prête à rouler dans cette sorte « d’avion sans ailes ». Sans compter que l’avant-gardisme des lignes de sa carrosserie ne pouvait sans doute, à leurs yeux, justifier le prix assez exorbitant auquel elle était affichée. Comme beaucoup d’autres créations au caractère fort avant-gardiste de l’époque, la Mistral restera donc – malheureusement peut-être – un prototype sans lendemain.

CHENARD & WALCKER – COUPE GEORGES BOILLOT (1926)

De toute manière, la situation assez difficile que commence alors à connaître le constructeur en ce début des années 30 n’incite pas vraiment celui-ci à se lancer dans des aventures hasardeuses et à l’issue incertaine. Chenard & Walcker souffre alors, depuis plusieurs années de tensions et de divisions au sein de ses dirigeants ainsi que des effets de la crise économique mondiale, qui, après avoir éclatée aux Etats-Unis à l’automne 1929, commence aussi à ravager l’Europe. De nombreux constructeurs, qui n’ont pas les reins assez solides pour survivre à cette tempête qui s’abat sur eux et prend chaque année de l’ampleur, en sont les victimes. Si Citroën, Peugeot et Renault – qui, à cette époque déjà, figurent dans le peloton de tête des constructeurs français – réussissent à la traverser sans trop de dommages, cela ne sera, en revanche, pas le cas de beaucoup de ceux qui figurent, pour reprendre une expression familière, parmi les « seconds couteaux » de l’industrie automobile française, dont Chenard & Walcker. De plus, face à des concurrents qui, à l’image des constructeurs américains, se sont convertis, depuis longtemps, à la production en grande série, les modèles du constructeur de Gennevilliers pâtissent d’une fabrication encore trop artisanale, avec pour résultats des coûts de production trop élevés – pouvant aller jusqu’à 20 ou 30 % de plus par rapport à ceux des modèles de Citroën ou Renault -, présentant ainsi un rapport prix/performance qui ne leur était plus guère favorable.

CHENARD & WALCKER - L'empire disparu de Gennevilliers.
CHENARD & WALCKER 3 LITRES 70_80 HP (1923) – II

Consciente de la situation précaire dans laquelle elle se trouve, la direction de Chenard & Walcker, sans doute désireuse aussi de se débarrasser, en tout cas en partie, de l’image un peu trop conservatrice qui est attachée à ses produits, décide alors de jouer la carte de l’innovation technique en présentant, au Salon de Paris d’octobre 1934, un nouveau modèle équipé de la traction avant, la Super Aigle 4. Si l’ingénieur Jean-Albert Grégoire, le pionnier de la traction avant en France, collaborera à la conception de ce modèle, il s’agit toutefois, sur le plan technique, de la seule vraie originalité de ce modèle qui se montre toutefois beaucoup moins moderne que la Traction Avant Citroën, qui, elle, possède une carrosserie autoporteuse entièrement métallique et un moteur à soupapes en tête, alors que la Chenard à traction avant, de son côté, conserve un châssis séparé ainsi qu’une structure en bois sur laquelle sont fixés les panneaux métalliques qui composent al carrosserie, ainsi qu’un moteur à soupapes latérales. L’autre inconvénient – assez important – de ce nouveau modèle est que les lignes de sa carrosserie reprennent le style des autres modèles de la gamme du millésime 1935 et que, extérieurement, rien ou presque ne la différencie donc des autres Chenard & Walcker, qui, elles, conservent une transmission classique aux roues arrière. Alors que, pour mieux souligner sa singularité au sein de la gamme du constructeur, ainsi que le caractère avant-gardiste de sa transmission, il aurait fallut, au contraire, l’habiller d’une carrosserie aux lignes inédites, qui lui permette de sortir du rang et, ainsi, de la doter d’une personnalité qui lui soit propre. Le manque de fiabilité de la transmission achevant de décourager les clients intéressés. La Super Aigle 4 disparaîtra ainsi du catalogue au milieu de l’année 1935, après moins d’un an de carrière, et sera remplacée par un modèle conventionnel revenant à la propulsion. Si le catalogue de l’année-modèle 1935 conserve néanmoins un modèle à traction avant, la Super Aigle 24, celle-ci se place un cran au-dessus de la Super Aigle 4 et peut même, d’un certain point de vue, revendiquer le statut de modèle « haut de gamme », puisque son moteur affiche une cylindrée de 2,5 litres, alors que celui des autres Chenard n’est que de 2,2 litres.

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Si les modèles de la gamme 1935 – les Aigle 18, 22, 24 et Super Aigle 24 – reçoivent un moteur à soupapes en tête « maison », étudié par l’ingénieur Jouffret, celui-ci ne connaîtra toutefois qu’une carrière éphémère, card, dès l’année suivante, Chenard & Walcker équipera ses modèles d’entrée de gamme des moteurs provenant des Traction avant Citroën. A l’occasion de la présentation des Chenard & Walcker du millésime 1936, tous les modèles de la gamme reçoivent également de nouvelles carrosseries du dessin remanié (même s’il est étroitement inspiré de ceux des millésimes précédents), plus aérodynamique, et qui, surtout, sont maintenant produites au sein des ateliers du carrossier industriel Chausson, à Asnières, au nord de la région parisienne.

Crée en 1907 par les frères Gaston et Jules Chausson, l’entreprise est, à l’origine, spécialisée dans la fabrication de radiateurs. Une activité qui connaîtra une expansion rapide jusqu’au début des années 30. En 1917, dix ans après sa création, à la fin de la Première Guerre mondiale, l’entreprise emploie déjà 1700 personnes et, à la fin des années 1920, Chausson produit plus de 100 000 radiateurs par an. Avec les retombées de la crise économique de 1929, qui entraîne une forte baisse de la production de ses radiateurs, la société décide alors de diversifier ses activités – une décision qui est aussi due au fait que, à cette époque, de nombreux constructeurs s’intéressent au système de refroidissement par air et que la direction de Chausson redoute que celui-ci ne finisse rapidement par supplanter le système classique du refroidissement par eau et que les nouvelles voitures de demain n’aient donc plus besoin de radiateur. L’entreprise décide alors de se lancer dans la fabrication et l’assemblage de carrosseries pour les grands constructeurs français. Contrairement à la grande majorité des carrossiers artisanaux, spécialisés dans les réalisations de haut de gamme, qui travaillaient entièrement à la main et continuent à réaliser leurs carrosseries sur des structures en bois, Chausson, des on côté, comprend, dès le départ, que l’avenir – surtout pour la production en grande série – est aux carrosseries reposant sur une structure entièrement métallique. Pour cela, le carrossier français conclut, en 1934, un partenariat avec la firme américaine Budd Manufacturing, une entreprise pionnière dans la fabrication des carrosseries tout acier – les premières voitures à en être équipées furent les modèles de la marque Dodge… dès 1914. Plusieurs grands constructeurs européens s’intéresseront d’ailleurs, eux aussi, dès le milieu des années 1920, au procédé mis au point par la firme Budd pour leurs nouveaux modèles. Au premier rang desquels figurent la marque aux chevrons.

CHENARD & WALCKER - L'empire disparu de Gennevilliers.
CHENARD & WALCKER 3 LITRES 70_80 HP 1923

Le premier gros contrat décroché par Chausson pour la production de carrosserie tout acier en grande série sera pour les modèles de la nouvelle firme Matford, née – cette même année 1934 – de la fusion entre le constructeur alsacien Emile Mathis et la filiale française de Ford. Jusqu’au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, Chausson produira ainsi plus de 24 000 carrosseries complètes pour la marque. Simultanément – comme mentionné plus haut, l’entreprise réalise aussi la quasi totalité des modèles destinés au catalogue de la marque Chenard & Walcker – que ce soit les berlines, les conduites intérieures ou les cabriolets. L’implication du carrossier dans la conception des modèles du constructeur de Gennevilliers, ainsi que l’avenir de ce dernier va devenir d’autant plus importante qu’après que Chenard & Walcker – qui, malgré tous les efforts de modernisation entrepris sur ses modèles, n’est, malheureusement, pas parvenu à redresser la barre – se soit vu contraint, en juin 1936, de déposer le bilan, Chausson s’en porte acquéreur.

Si, dans un premier temps, la production se poursuit sans changements importants au sein de la gamme, lors de la présentation des nouvelles Chenard & Walcker du millésime 1938 – au Salon de Paris qui ouvre ses portes en octobre 1937 -, le catalogue se voit sensiblement simplifier, avec la suppression des modèles dits « intermédiaires », la gamme Chenard & Walcker pour l’année-modèle 1938 étant, à présent, réduit à deux modèles : l’Aigle 22 à moteur quatre cylindres et l’Aigle Huit, qui, elle – comme son nom l’indique – reçoit une motorisation dotée de huit cylindres. En ce qui concerne l’esthétique des modèles de ce nouveau millésime, ces derniers marquent une rupture avec celle des années précédentes, le style, certes élégant mais aussi, probablement, un peu trop classique, qui avait cours sur les modèles du constructeur de Gennevilliers depuis le lancement des modèles du millésime 1935 – à l’automne 1934, donc – étant sans doute jugé comme un peu trop « passe-partout », ou passé de mode, par la direction du carrossier chausson qui décide alors de revoir complètement le style des Chenard & Walcker à l’occasion de la prochaine présentation des voitures de l’année-modèle 1938.

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CHENARD & WALCKER 1500 Y8 TANK (1926 – 30)

Celles-ci abandonnent alors la calandre ovale et inclinée, en forme de bouclier, ainsi que les ailes en forme de vagues (ou en « queue de castor » – pour les ailes arrière – ainsi que les phares séparés en forme d’obus de leurs devancières au profit d’une ligne entièrement nouvelle – en tout cas pour les modèles de la marque – ouvertement inspiré de celui des modèles de la production américaine contemporaine. La proue adopte ainsi une calandre massive presque verticale, en forme d’étrave, dont les deux parties de la grille de calandre – composée d’épaisses barrettes horizontales – sont séparées par un épais jonc chromé surmonté de l’écusson de la marque. Tant pour des raisons esthétiques – les stylistes ayant sans doute jugé que cela contribuait à renforcer l’agressivité et l’air « racé » des nouveaux modèles – qu’afin d’assurer un meilleur refroidissement de la mécanique, la grille de calandre est également complétée, de chaque côté du capot, par trois longues fentes d’aération courant sur tout le long du capot jusqu’à la portière et aux montants du pare-brise. Les ailes, surtout à l’avant, affichent, elles, à présent, un aspect beaucoup plus bombé et massifs intégrant, à présent, les phares – des optiques rondes placées en position inclinée. Quant au capot-moteur, il abandonne l’ouverture en deux parties des anciens modèles pour un nouveau capot de type « crocodile » – un surnom qui faisait référence à la fois à la forme du capot ainsi qu’à son mode d’ouverture. Celui-ci débordant sur les flancs et s’ouvrant à la manière de la gueule d’un crocodile. –  En plus du dessin de la partie avant, le reste de la carrosserie reprend lui aussi le style des voitures produites outre-Atlantique.

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CHENARD & WALCKER AIGLE 4 (1935)

Les Chenard & Walcker continuent cependant de faire preuve, en cette fin des années 1930, d’un certain archaïsme technique, dû, à la fois, au fait que les clients de la marque ont toujours fait preuve – dans leur grande majorité – d’un esprit assez conservateur, ainsi – il faut le reconnaître – qu’au manque de moyens dont le constructeur a souvent souffert. C’est d’ailleurs ce manque de moyens – par rapport à ceux de ses concurrents les plus importants – qui a décidé les dirigeants de Chausson à abandonner les mécaniques « maison » ainsi que le montage des carrosseries d’origine Matford, ces « solutions de facilité » présentant au moins l’avantage, à leurs yeux, d’offrir de substantielles économies en ce qui concerne les cûts de production, permettent ainsi d’assainir les finances de l’entreprise, qui présentent un important et grave déficit avant sa reprise par Chausson. Si le carrossier s’occupant déjà de la production des carrosseries des Matford et que les contacts avec la filiale française de Ford, en vue d’obtenir des moteurs destinés à la nouvelle génération de l’Aigle Huit, s’en trouvent dès lors facilités, la direction de Chausson devra néanmoins faire preuve d’habileté et de diplomatie pour réussir à obtenir de la part de Maurice Dolfuss (le patron de Matford), ainsi que de fournir une partie de la production de leurs moteurs pour motoriser les Chenard & Walcker Aigle Huit et 22. Car – cela n’avait sans doute pas échappé ni à l’un ni à l’autre -, les anciennes Chenard & Walcker occupaient déjà les mêmes catégories que les modèles Citroën ainsi que les Ford V8 et qu’en étant équipées de mécaniques identiques à celle de la Citroën Traction 11 CV et des Matford V8, les nouvelles Chenard & Walcker deviendraient, à double titre, des concurrentes de ces dernières.

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Techno Classica 2018

Comme pour d’autres constructeurs français, le nouveau conflit mondial qui survient au début de l’automne 1939 marquera, pour Chenard & Walcker, la fin définitive de la production de ses voitures de tourisme. Une fois la guerre terminée, lorsque les usines de Gennevilliers pourront alors reprendre leurs activités, la direction du constructeur décidera, à ce moment-là, de tourner la page de l’automobile et de se recentrer sur la production des utilitaires. Un secteur jugé beaucoup plus lucratif en ces premières années de l’immédiat après-guerre, dans une France qui est ressortie économiquement exsangue de quatre années de guerre et d’occupation, où les besoins sont immenses et les pénuries de matières premières quasi généralisées, les pouvoirs publics donnent évidemment la priorité à la production d’utilitaires ainsi qu’aux transports publics – autobus et chemin de fer, entre autres. – Se trouvant déjà dans une situation précaire et en perte de vitesse sur le marché automobile au moment où la marque, en 1936, avait dû déposer son bilan et avait été rachetée par Chausson, la direction de Chenard & Walcker estime alors que, dans un marché automobile qui – à l’image du reste de la France – était ressorti profondément boulversé et transformé du Second conflit mondial, il n’y avait plus vraiment de place pour elle.

CHENARD & WALCKER - L'empire disparu de Gennevilliers.
CHENARD & WALCKER SUPER AIGLE (1936)

Durant l’Occupation – et en dépit de l’interdiction contenue dans l’accord d’Armistice signé avec les Allemands en 1940, faite aux constructeurs français de lancer ou de poursuivre l’étude de tout nouveau modèle -, Chausson fera étudié le projet d’un microcar, baptisé CHS, qui devait être commercialisé – une fois la guerre terminée – sous la marque Chenard & Walcker. Malheureusement, pour celle-ci comme pour Chausson, le plan Pons – instauré par le nouveau gouvernement lors de la Libération et qui restera en application jusqu’en 1949 – cantonne l’une et l’autre au secteur des utilitaires. Le prototype CHS se voit ainsi opposer un veto de la part des pouvoirs publics et, à cause de cela, ne connaîtra donc aucune suite en série. Comme d’autres constructeurs, tels Unic ou Berliet, Chenard & walcker se consacrera, dès lors, exclusivement à la production d’utilitaires. Notamment celle d’un nouveau fourgon à cabine avancée d’allure très moderne et équipé de la traction avant. Sa carrière sous le nom de Chenard & Walcker sera toutefois assez courte, car le constructeur sera racheté par Peugeot au début des années 50, marquant ainsi la disparition complète et définitive de la marque. Les anciens utilitaires Chenard & Walcker poursuivront alors leur carrière sous le nom de la marque au lion (sous les noms de Peugeot D3 et D4), où ils connaîtront d’ailleurs un large succès.

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Maxime Dubreuil

Toutes les images qui sont jointes avec cet article proviennent des sites WheelsAge et Wikimedia

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