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BERLINETTE HOMMELL – L’héritière de la berlinette Alpine.

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Créer sa propre marque et devenir ainsi constructeur automobile à part entière. Beaucoup d’amateurs d’automobiles, à la fin du Xxème siècle comme aux premiers âges de l’automobile, beaucoup en rêve mais rares sont ceux qui, en tout cas en ce début des années 90, ont eu la force et les moyens de franchir le pas.

En France, l’un de ses rares amateurs à avoir eu cette opportunité a pour nom Michel Hommell. Lorsqu’il se lance dans l’aventure de la construction automobile, ce dernier est toutefois loin d’être un inconnu dans le milieu des voitures et surtout de la compétition automobile, puisqu’il est le directeur ainsi que le fondateur du groupe de presse Echappement ainsi que du magazine du même nom. Des moyens pour pouvoir transformer ce rêve en réalité, ce n’est donc pas vraiment cela qui lui manque et il est d’autant plus déterminé à concrétiser ce projet qu’il est convaincu qu’il y a une place à prendre, en cette décennie des années 90 qui vient de s’ouvrir, pour une nouvelle et vraie voiture de sport française.

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Si, autrefois, dans les années 50 et 60, le paysage automobile en France comptait une palette assez large d’artisans-constructeurs qui, suivant en cela une voie similaire à celle de Colin Chapman n’ont pas hésité à faire courir leurs créations dans la plupart des compétitions de l’époque, afin d’en faire la promotion. L’éclatement de la crise pétrolière, à l’automne 1973, va, malheureusement, provoquée une flambée, aussi rapide qu’importante, des prix de l’essence ainsi que l’annulation des courses automobiles en France. Un séisme qui va sérieusement mettre à mal l’industrie automobile et provoquer la disparition de la plupart de ces artisans-constructeurs.

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Seul Alpine sera presque le seul à en réchapper. Depuis le lancement de l’A310 en 1971 et, surtout, la fin de la production de la berlinette A110 en 1977, la marque fondée par Jean Rédélé a tourné le dos aux sportives « pures et dures » pour s’orienter vers la GT à hautes performances. Un choix qui, en tout cas à terme, ne lui réussira pas vraiment puisque, sur le plan commercial, la GTA et l’A610, qui succéderont à l’A310, ne connaîtront qu’une carrière assez anecdotique. Comme beaucoup de passionnés de sport automobile en France, Michel Hommell rêve à une voiture qui soit, à ses yeux, la sportive idéale. C’est-à-dire une interprétation moderne de l’Alpine A110. C’est lors d’un déjeuner avec Gilles Dupré, le rédacteur en chef de l’une de ses revues, un jour de mars 1991, que le patron de presse évoque ouvertement et pour la première fois cette idée.

Si l’on devine aisément le moment de surprise qui a alors dû saisir son interlocuteur, ce dernier connaît toutefois suffisamment son patron pour deviner qu’il s’agit là de tout sauf d’une boutade de sa part. Michel Hommell étant, en effet, connu depuis longtemps pour aller au bout de ses passions. S’il semble alors avoir déjà une idée assez claire de ce que sera la voiture qui portera son nom, afin d’être sûr que son idée soit bonne et donc viable commercialement, il fait paraître, dès le mois suivant, une sorte de questionnaire ou de sondage dans le magazine Echappement afin d’établir le cahier des charges de cette nouvelle berlinette française.

Hommell charge alors Dupré de concevoir le châssis de cette future sportive française moderne. Pour la conception des lignes de la carrosserie, le rédacteur en chef, désormais devenu ingénieur en chef, fait appel au studio Design Performance, fondé par Erick de Pauw, un ancien styliste de Citroën, qui a décidé d’ouvrir, en 1987, son propre bureau de style, installé à Auffargis, dans les Yvelines. C’est donc lui qui aura la charge de transcrire sur le papier, et ensuite en trois dimensions les lignes de la nouvelle berlinette voulue par Michel Hommell. Si la réalisation de celle-ci apportait une belle notoriété au studio de design qu’il a fondé, Erick de Paux n’aurait, malheureusement pour lui, pas vraiment le temps de profiter de sa nouvelle reconnaissance en tant que designer indépendant. Il décédera dans un accident de la route en 1996, à l’âge de 47 ans. Le studio qu’il avait fondé survivra toutefois à sa disparition prématurée et fusionnera, en 1999, avec deux autres sociétés, Outimoule et M3D, pour former le groupe Design Performance.

En janvier 1992, moins d’un an après la décision de Michel Hommell de se lancer dans la production de voitures de sport, le travail final remis par Erick de Pauw est validé et la réalisation d’un prototype aussitôt mise en chantier. Le travail des ingénieurs et motoristes qui composent l’équipe réunie par Michel Hommell et qui a pour mission de mener à bien la réalisation de la nouvelle berlinette sont menés tambour battant afin de respecter les délais fixés par son créateur, qui souhaite, en effet, pouvoir la dévoiler au grand public, à l’occasion du Mondial de l’Automobile, qui doit se tenir en octobre de la même année.

Si ceux-ci seront respectés et si les visiteurs du Salon qui se déroule au Palais des Expositions de la Porte de Versailles à Paris auront bien l’occasion d’y admirer les lignes de celle qui se présente, ouvertement, comme l’héritière de la berlinette Alpine, pour Michel Hommell et son équipe, tout, ou, en tout cas, beaucoup de choses restent encore à faire. Car, à cette date, ces derniers ne disposent encore d’aucune usine avec les installations nécessaires pour assurer la production de la berlinette Hommell. Sans compter que la mise au point du prototype est encore loin d’être terminée. Aussitôt que le Mondial de l’Automobile s’achève, le travail sur le prototype de la berlinette reprend alors.

Ce n’est, en effet, qu’au milieu du mois de décembre, soit deux mois après le Salon de l’automobile, que celui-ci effectue ses premiers tours de roues sur le circuit de Montlhéry. Parallèlement aux travaux menés sur le prototype, Michel Hommell est finalement parvenu à trouver le site idéal à ses yeux pour accueillir la production de la sportive qui portera son nom. Il s’agit d’une ancienne fabrique de produits laitiers située à Lohéac, en Bretagne. S’il a choisi cette paisible bourgade, entres Rennes et Redon, c’est que le patron de presse et nouveau constructeur automobile y séjourne souvent depuis de nombreuses années et s’implique fortement dans toutes les activités locales ayant trait, de près ou de loin, avec l’automobile. C’est aussi à Lohéac qu’il créera son propre musée, le Manoir de l’Automobile.

Au milieu du mois d’août 1994, le premier exemplaire de la nouvelle Berlinette Hommell Echappement (un nom de modèle choisi, bien évidemment, en référence au magazine ainsi qu’au groupe de presse fondé par Michel Hommell) sort finalement d’usine. Celle qui a été voulue par son créateur comme l’incarnation de la « vraie » sportive française moderne a été conçue sur la base d’un châssis multitubulaire en acier recouvert d’une carrosserie réalisée, elle, en polyester. Le recours à des matériaux composites pour la fabrication des panneaux de la carrosserie ayant l’avantage, surtout pour un « artisan-constructeur » comme Hommell, de pouvoir ainsi réaliser les carrosseries destinées à habiller ses voitures sans avoir à réaliser de lourds et coûteux investissements dans des machines d’emboutissage.

La berlinette Hommell se présentant comme une sportive « pure et dure » et étant donc également destinée à la compétition, afin d’assurer à la voiture une rigidité optimale, le châssis a également été renforcé par un habillage constitué de panneaux en aluminium. Le châssis ainsi que la structure en alliage léger qui vient la compléter ne sont toutefois par réalisés au sein de l’usine de Lohéac, qui ne dispose, en effet, pas de l’équipement adéquat ni du personnel qualifié pour ce genre de travaux) mais par le département « prototypes » de Peugeot et Citroën, installé au sein de l’usine de Rennes-La-Janais.

C’est aussi celui-ci qui fournit à la firme Hommell la motorisation qui équipe la berlinette. A savoir un quatre cylindres en ligne emprunté à la Peugeot 306 S16 (le prototype exposé au Mondial de 1992 étant, pour sa part, équipé de la mécanique de la 309 GTI 16). Celui-ci se trouvant accouplé à une boîte manuelle à six vitesses d’origine SMAN spécialement conçue par l’équipe d’ingénieurs d’Hommell. Outre le moteur, placé ici aussi à l’arrière mais, à la différence de l’Alpine A110, en position transversal et au centre du châssis (alors que la berlinette vedette des rallyes dans les années 60 et 70, disposait, elle, d’un moteur longitudinal placé en porte-à-faux).

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C’est aussi PSA qui fournit la majorité des autres éléments mécaniques mais aussi un certain nombre de pièces d’équipement ou de cosmétique qui équipent la berlinette. Notamment l’essieu arrière, qui est, en réalité, un train avant emprunté à la Peugeot 405 Mi 16 mais installé, ici, en position retournée (l’assemblage du groupe motopropulseur étant effectué à Sochaux, le fief historique de Peugeot, là aussi, dans un atelier réservé aux prototypes). Les freins avant et les jantes provenant de la 605 V6 ; les éléments de suspension, la direction, les freins arrière et les rétroviseurs étant issus, pour leur part, de la 405 ; le pare-brise et les phares de la Citroën XM, les feux arrière, quant à eux, étant empruntés à la Citroën ZX et les clignotants étant identiques à ceux montés sur les… Renault 4L !

Si la plupart des composants mécaniques de la Berlinette Hommell sont donc fabriqués par d’autres constructeurs, certaines étapes de la préparation mécaniques sont cependant réalisées au sein même de l’usine de Lohéac. Là-bas, la crémaillère est remplacée par une barre qui permet ainsi le réglage des suspensions. Le conducteur ayant ainsi la possibilité de modifier et d’affiner celles-ci quasiment à volonté, afin de pouvoir ainsi les adopter au mieux à son style de conduite. Outre ses lignes à la fois suggestives et assez agressives, certains autres détails reflètent clairement la vocation sportive de la voiture. Notamment les vitres des portières, qui sont réalisées non pas en verre mais en polycarbonate, dans lesquelles sont aménagées des ouvertures rivetées et coulissantes, identiques à celles des voitures courant sur circuit. Tout comme la carrosserie, l’habitacle de la Berlinette Echappement trahit clairement qu’elle se présente comme une sportive « pure et dure », une voiture de course homologuée pour la route. Ceci, dans sa présentation comme dans son équipement.

Le premier mot qui vient à l’esprit en observant l’habitacle est sans aucun doute « spartiate ». Si l’on avait encore un doute sur le fait qu’il s’agit d’une voiture qui est avant tout et surtout conçue pour la compétition, on le perçoit immédiatement en s’installant au volant. Plus encore que le dessin du volant ou les deux sièges baquets, c’est bien l’absence de toute « ornementation », de tout revêtement sur le plancher ainsi que la console centrale et le tunnel de transmission, qui sont simplement constitués de panneaux de tôle rivetés trahissent bien la vocation première de la voiture.

L’un des avantages techniques de la berlinette Hommell est que, étant donné que la carrosserie ne fait pas partie de la structure de la voiture, le châssis peut recevoir n’importe quel habillage. Ce qui constitue un avantage d’autant plus grand que, à peine la berlinette est-elle commercialisée, Michel Hommell a déjà en projets d’en dériver plusieurs versions, destinées à la conduite sur route comme sur circuit, certaines encore plus radicales que le modèle d’origine. Si le cabriolet Cabster, présenté au Salon de Paris en 1994 restera finalement un prototype sans lendemain, la firme dévoilera, l’année suivante, une version barquette basée sur la berlinette et qui semble avoir été créée pour vouloir concurrencer le Spider Renault, présenté à peine quelques mois plus tôt.

Comme celui-ci, la barquette Hommell est dépourvue de pare-brise, qui se voit remplacé par un simple saute-vent, lequel se prolonge, par des éléments en plastique blanc rapportés, sur tout le contour de la cellule découverte de l’habitacle. Même si l’enlèvement du toit n’affecte guère la rigidité de la structure de la voiture, afin de garantir l’intégrité de celle-ci en cas de choc frontal ou latéral ou encore en cas de tonneau, un arceau constitué de tubes d’acier a également été installé derrière les sièges du pilote et du passager. Comme sa rivale de la marque au losange, cette absence de pare-brise rend obligatoire le port de lunettes spéciales, voire même d’un casque pour parvenir à la conduire sans être « incommodé » par les turbulences de l’air, surtout à haute vitesse.

Il faut toutefois comme mentionner que, même si elle présente, de prime abord, comme une simple « décapsulage » de la berlinette, la barquette Hommell ne possède, en réalité, presque aucun embouti en commun avec cette dernière. Bien qu’elle soit plus légère, 940 kg contre 980, que le modèle qui l’a inspiré, elle s’avère toutefois un peu moins puissante (150 ch contre 155) et légèrement moins rapide (210 km/h, alors que la berlinette en revendique, elle, 222). Etant donné son caractère assez radicale qui, plus encore que pour la berlinette, en restreignant fortement l’usage et cantonnait presque exclusivement celui-ci au domaine de la compétition, sa production sera assez limitée. Il n’en sera ainsi produit que 52 exemplaires avant l’arrêt de sa production en 1999.

A cette date, la berlinette Echappement se voit remplacée par une nouvelle version, la RS. Celle-ci se reconnaît immédiatement, par rapport au modèle originel, à son capot avant redessiné et maintenant équipé d’une double paire de phares circulaires qui ne sont plus carénés ainsi que quatre feux eux aussi circulaires installés à l’arrière.

Les modifications apportées à la nouvelle berlinette Hommell ne sont toutefois pas uniquement d’ordre esthétique et touchent aussi la mécanique ainsi qu’une partie des autres organes mécaniques. Le moteur est à présent emprunté à la 306 S16, tout comme la boîte de vitesses qui a toutefois été modifiée en passant entre les mains des ingénieurs d’Hommell afin de l’adapter à un usage en compétition. Le train arrière a lui aussi été revu afin d’améliorer son efficacité en utilisation sur circuit et offrir un meilleur équilibre des masses. Par rapport à la berlinette d’origine, elle est aussi plus légère et plus rapide, avec un poids à vide de 950 kg et une vitesse de pointe de 230 km/h. Des performances qui seront encore optimisées sur l’ultime version de la berlinette, la RS2, présentée en 2000. La mécanique ayant bénéficié, ici, d’une révision complète apportée par le préparateur Danielson, qui permet désormais d’approcher la barre des 200 chevaux (195 exactement), ainsi que le montage d’une nouvelle boîte de vitesses dotée maintenant de six rapports. Ces performances revues à la hausse s’accompagnant également d’un système de freinage renforcé ainsi que de l’installation de nouvelles jantes en 16 pouces.

Le lancement de cette nouvelle génération s’accompagnera aussi d’une série de modifications dans l’habitacle avec le montage d’un nouveau tableau de bord ainsi que d’un ciel de toit au-dessus des sièges. Pour autant, à la présentation ainsi que l’équipement se montrent un peu moins austère que sur la première berlinette, on reste cependant à cent de celle d’une BMW Motorsport ou d’une Mercedes AMG.

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En 2002, pour commémorer les dix ans de la présentation de la première berlinette Echappement au public ainsi que la création de la marque, Hommell dévoile une version spéciale baptisée 10ème anniversaire. Celle-ci se distingue des autres berlinettes par la teinte bleue spécifique de sa carrosserie (qui évoque fortement – et volontairement – le célèbre « bleu Alpine » des berlinettes A110), ainsi que les collecteurs, eux aussi peints en bleu, montés sur sa mécanique, la sellerie en tissu brodé qui recouvrent les sièges, la plaque numérotée avec le chiffre de production ainsi que les autocollants apposées sur ses flancs. Si cette dernière représente une sorte de graal pour un grand nombre de fans de la berlinette, elle en sera aussi la dernière version.

La production de la berlinette Hommell prenant, en effet, fion en décembre 2003. Outre le fait que (malgré le soutien technique et financier apporté par le groupe PSA), le constructeur de Lohéac n’a jamais pu disposer d’un véritable réseau de vente à travers tout le territoire de l’hexagone, le caractère très spécial ainsi que la vocation très spécifique de la Berlinette, avant tout et surtout conçue pour la course et le circuit, réduisait déjà assez fortement le public auquel elle s’adressait.

Compte tenu de tout cela, on peut toutefois estimer que ses chiffres de production n’ont rien de vraiment ridicule, puisque, en près de dix ans de carrière, elle aura été produite (toutes versions confondues) à 242 exemplaires. (En tout cas, selon les données fournies par le constructeur, même si certaines sources mentionnent que la production totale n’aurait guère dépassée les 200 exemplaires). Selon les renseignements fournis par Hommell, ceux-ci se répartissent de la façon suivante : 69 berlinettes Echappement, 52 barquettes, 63 berlinettes RS, 46 berlinettes RS2, 10 berlinettes « 10ème anniversaire » ainsi que le prototype du cabriolet Cabster et celui de la barquette Echappement.

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Cette dernière, présentée en 2003, peu de temps avant l’arrêt de la production, semble avoir été un projet de succession à la première barquette, produite entre 1994 et 97. Malgré ses performances très prometteuses, ce prototype motorisé par le moteur de 177 chevaux emprunté à la 206 RC, ne connaîtra aucune suite en série.

Après la fin de cette très belle aventure, Michel Hommell se consacrera entièrement à la gestion de son groupe de presse consacré au monde de l’automobile ancienne qu’il a fondé à Lohéac et qui rassemble l’une des plus grandes collections de voitures anciennes que l’on peut trouver aujourd’hui en France.

Les 25 ans de la Berlinette Hommell :

Pour en savoir plus sur la marque vous pouvez contacter le club : Automobiles Club Hommell qui regroupe les propriétaires et les passionnés de la marque par mail : automobilesclubhommel@gmail.com. En 2024 le club célébrera les 30 de Hommell.

Texte Maxime Dubreuil

Crédits Photos Dominique Pege, Mathieu Berger et Guena

Un grand merci à Dominique Pege.

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