MORS - Les débuts automobiles d'André Citroën.

MORS – Les débuts automobiles d’André Citroën.

MORS - Les débuts automobiles d'André Citroën.

En 1874, Louis Mors, un ingénieur d’origine belge, rachète une entreprise spécialisée dans la fabrication de fil électrique, qu’il diversifiera ensuite en produisant également des feux et autres pièces destinées à la signalisation pour les chemins de fer, un secteur alors en plein développement. Suite à des problèmes de santé, il décide, à l’âge de 54 ans seulement, de passer les rênes de son entreprise à ses deux fils, Louis « Junior » et Emile, tous deux ingénieurs. Louis Mors « Senior » décédera à peine quatre ans plus tard, en 1884, âge de 58 ans seulement.

Bien qu’à cette époque déjà, un certain nombre d’ingénieurs et d’industriels commencent à s’intéresser fortement à ce que l’on appelle alors les « voitures sans chevaux », l’automobile est encore à un stade véritablement embryonnaire. En outre, beaucoup ne sont pas encore certains du carburant qui est le plus adéquat pour celles-ci : vapeur, électricité ou pétrole (l’on ne parle encore d’essence à l’époque) ?

Sans doute est-ce parce que le premier moyen de transport qui n’utilise pas la traction animale est le train à vapeur qu’un certain nombre de ses pionniers de l’automobile seront convaincus que celle-ci pourra s’adapter sur ces véhicules sans chevaux et constitue donc la voie à suivre. Même s’il est vrai que l’expérience, éphémère et peu concluante, des diligences à vapeur a, toutefois, montré que le système utilisé pour les locomotives ne pourra pas être transposé, tel quel, sur des voitures destinées à circuler dans les rues et les avenues des villes. Ce qui n’empêche, cependant, pas les frères Mors d’être, eux aussi, persuadés que la vapeur pourrait être une solution intéressante. La preuve en est le tricycle qu’ils créeront dès 1885 et qui en sera donc, assez logiquement, équipé. Même s’il est vrai que la chaudière destinée à créer la vapeur fonctionne, quant à elle, au pétrole.

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Est-ce parce qu’ils sont toujours hésitants quant à la solution à adopter, qu’ils ont conscience d’être des novices dans ce domaine ou que le marché n’est pas encore suffisamment développé ainsi que le public, dans sa grande majorité n’est pas encore prêt à accepter de conduire, ou, même, tout simplement de monter à bord de ces étranges machines ? Sans doute tout cela à la fois. C’est pourquoi les frères Mors décident, avec pragmatisme, de continuer patiemment leurs travaux, en particulier concernant le choix du type de carburant à adopter.

Onze ans plus tard, ayant finalement fait leur choix et se sentant enfin prêts à se lancer véritablement dans l’aventure automobile, Louis et Emile Mors dévoilent un nouveau véhicule, lequel dispose, toutefois, à présent, de quatre roues. La carrosserie de celui-ci (comme cela est, encore, presque toujours le cas à l’époque) est entièrement découverte et où les deux banquettes sont placées en vis-à-vis, c’est-à-dire que les deux occupants occupant la banquette avant se retrouvent placés dos à la route.

Une disposition héritée des véhicules hippomobiles, mais qui, même sur un véhicule à moteur, n’a alors rien d’anormal et reste, même, assez courant. Les règles ainsi que les conditions ou l’état de la circulation étant véritablement à cent, pour ne pas dire à mille lieues de ce qu’elles sont aujourd’hui. La grande majorité de celle-ci étant alors encore composé uniquement de véhicules hippomobiles et, en dehors de quelques exceptions notables (s’agissant des endroits comme des périodes de l’année) ne connaissent guère les embouteillages. Sans compter que le Code de la route était presque inexistant, ou, tout du moins, était loin d’être celui que l’on connaît aujourd’hui. C’est pourquoi ce type de disposition, avec la vue des deux passagers qui lui faisaient face et masquaient, en grande partie, la vue de la route, ne posait, le plus souvent, guère de problèmes particuliers au conducteur. Sans compter que la vitesse de ses premières « voitures sans chevaux » ne dépassait guère, ou à peine, celle des fiacres et autres carrioles à cheval.

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[Collection Jules Beau. Photographie sportive] : T. 10. Année 1899 / Jules Beau : F. 25. [Course Paris – Boulogne-sur-Mer];

C’est aussi dans ces dernières années du 19e siècle qu’apparaissent, à la fois, les premières éditions du Salon ainsi que les premières compétitions automobiles, lesquelles deviennent, assez rapidement, un passage quasiment obligatoire pour tous ces nouveaux constructeurs qui souhaitent se faire un nom et parvenir à séduire la clientèle. Emile Mors se passionnera très vite pour cette nouvelle discipline sportive et, bien souvent, n’hésitera pas à prendre lui-même le volant des voitures qui lui et son frère ont créé. Les premiers trophées seront décrochés par la marque en 1898, un an à peine après les premiers engagements en courses et les retombées espérées ne font pas attendre, puisque les ventes approchent, dès cette année-là, de la barre des 200 exemplaires. Ce qui, sur un marché qui en est encore au stade embryonnaire et où l’automobile est encore un moyen de locomotion réservé à une clientèle d’esthètes appartenant aux classes aisées de la société, est loin d’être négligeable.

Ces premiers succès encouragent, évidemment, les frères Mors à tout miser, pour la promotion publicitaire de leurs voitures, sur la compétition. Même s’ils préfèrent se concentrer sur les épreuves sur routes ouvertes dont le principe est que le départ comme l’arrivée se déroulent dans deux villes distinctes. Sans doute, car celles-ci font alors partie des épreuves les plus en vogue, tant auprès de la presse que du public. Parmi les lauriers dont la marque peut s’enorgueillir figurent les courses Paris-Toulouse en 1900 et Paris-Berlin, l’année suivante. En 1903, la course qui se déroule entre Paris-Madrid sera toutefois endeuillée par la mort de Marcel Renault, l’un des deux frères de Louis Renault, ce qui conduit les organisateurs à décider l’arrêt de celle-ci à Bordeaux. C’est donc le premier pilote arrivé dans cette ville qui sera déclaré vainqueur de l’épreuve et il s’agit à nouveau, d’une voiture produite par la firme Mors.

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A peine un an plus tard, à la fin de l’année 1904, Louis et Emile Mors décident, toutefois, de se retirer de la compétition, jugeant que les trophées récoltés au cours des années précédentes ont suffisamment prouvé la robustesse ainsi que la fiabilité technique de leurs voitures. Même si l’on peut penser que, malgré la très bonne santé financière dont jouit alors la marque, des raisons budgétaires ne sont probablement pas étrangères à ce choix, les courses automobiles représentent alors déjà un investissement important (parfois, même, trop) pour de nombreux constructeurs.

Si les succès en courses ont permis à la production automobile, qui n’était, à l’origine, qu’une activité complémentaire à celle du matériel électrique et ferroviaire, de se développer, la production n’en reste pas moins fort artisanale. Il est vrai qu’en ce milieu des années 1900, la production en grande série, telle qu’elle sera créée par Henry Ford n’a pas encore vu le jour (ce dernier ne créera celle-ci, avec son célèbre Model T, au début des années 1910). Bien que la production mensuelle de la marque ne dépasse guère une dizaine ou une douzaine de châssis, il est vrai que la plupart de ses concurrents ne font alors guère mieux. A l’image d’un certain nombre d’entre-eux à la même époque, le duo décide, toutefois, de se diversifier dans la production d’utilitaires légers ainsi que d’autobus.

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A l’époque, l’aîné des deux frères, Louis Mors, commence, cependant, à s’éloigner de l’entreprise familiale pour fonder un laboratoire spécialisé dans la photographie à usage scientifique et médical et, également, un centre de recherche en médecine. De nouvelles activités qui lui vaudront de se voir décerner la Légion d’honneur en 1906.

Au coeur de cette période baptisée la Belle Epoque, la firme, dont l’usine est installée rue du Théâtre, dans le 15e arrondissement de la capitale, emploie pas moins d’un millier de personnes (productions d’automobiles et de matériels électrique et ferroviaire réunies). Malheureusement pour la société des frères Mors, s’agissant de la branche automobile, après la fin de l’aventure en compétition, celle-ci commettra le tort de trop vivre sur ses acquis en oubliant de se renouveler, se laissant, ainsi, sans s’en rendre véritablement compte, progressivement dépassé par un certain nombre d’autres constructeurs.

En outre, même si la production réalisée entièrement à la chaîne, pour toutes les étapes de production d’une voiture, n’arrivera en France qu’au lendemain de la Première Guerre mondiale, un certain nombre d’entre-eux commencent déjà à y réfléchir et commencent déjà à l’appliquer pour certains processus de fabrication. Alors que Mors, de son côté, reste fidèle à des méthodes où la main de l’homme reste l’outil de production principal. Ce qui a pour effet d’engendrer des coûts de production et, en conséquence, des prix de vente assez élevés pour ses modèles. Une autre erreur commise par la marque a de ne pas avoir chercher à diversifier sa gamme vers le bas, avec des modèles plus accessibles en termes de tarifs (même s’il est vrai que la grande majorité des voitures de faible cylindrée, à moteurs mono ou bicylindre restent encore, financièrement, hors de portée du paysan ou de l’ouvrier lambda).

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Même durant la première moitié des années 1900, à l’époque où la marque récoltait régulièrement les trophées en courses, ceux-ci, aussi prestigieux qu’ils soient, ne suffisaient, toutefois, pas à engendrer des commandes en nombre suffisant. Face à une concurrence très (ou trop) nombreuse ainsi qu’aux aléas du marché automobile, comme de l’économie (française, mais européenne), la firme rencontre de plus en plus de difficultés pour se maintenir la tête hors de l’eau. Des difficultés qui s’accroissent au fil du temps et qui (inévitablement, ou, tout du moins, assez logiquement) font naître des tensions entre les frères Mors et une partie des cadres de l’entreprise.

Après s’être vu contrainte de se séparer de ce qui avait été son activité fondatrice, la branche spécialisée dans le matériel électrique, pour tenter de renflouer les caisses et éviter de devoir mettre la clé sous la porte, l’un des principaux administrateurs de la firme, Paul Harbleischer, qui s’était opposé à l’abandon de la production automobile (qui avait été, un temps, envisagé) décide alors de se mettre à la recherche d’un repreneur qui saura apporter, non seulement, apporter les capitaux nécessaires pour redresser le constructeur, mais une stratégie pour assurer sa pérennité et lui permettre d’envisager l’avenir avec le plus de sérénité possible. Le repreneur, ou « sauveur », en question ayant pour nom… André Citroën !

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Lequel n’est pas encore devenu l’un des plus importants constructeurs automobiles qu’il deviendra après la guerre de 1914 – 1918, même s’il est déjà devenu un industriel respecté en tant que fabricant d’engrenages. Si le choix s’est porté sur ce dernier, c’est, probablement, avant tout, par des liens d’alliance familiale : Hugues Citroën, le frère aîné d’André, étant, en effet, le gendre d’Harbleischer. Nommé comme administrateur et directeur général de Mors en février 1908, André Citroën opère alors une réorganisation profonde du constructeur, il permet ainsi, en instaurant de nouvelles méthodes de gestion, plus simples, modernes et pragmatiques, à Mors de retrouver le succès qu’elle avait connu à ses débuts.

L’une des principales clés de la stratégie développée par Citroën étant de ne plus se contenter du marché français, mais de miser également sur l’exportation. Grâce aux moyens financiers et logistiques mis en place par Citroën, ainsi le talent et le dynamisme de ses hommes de confiance, notamment Georges-Marie Haardt (qui, après qu’André Citroën ait fondé sa propre marque, sera chargé par ce dernier d’organiser les célèbres Croisières Citroën), en quelques années seulement, l’on verra, ainsi, les automobiles Mors être vendues jusqu’en Russie et, même, franchir l’Atlantique Sud pour être vendue au Brésil et en Argentine.

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[Collection Jules Beau. Photographie sportive] : T. 18. Année 1902 / Jules Beau : F. 8. [Course d’ automobiles Paris – Vienne, 19 juin 1902];

Considérant, lui aussi, que l’une des principales raisons du déclin qu’a connu la marque, après ses premiers succès, est de ne pas avoir conçu et produit des modèles accessibles à un plus grand nombre d’acheteurs, André Citroën va s’employer à remédier à cela. Le marché des poids lourds n’est pas négligé pour autant, avec un catalogue qui se diversifie rapidement, proposant, ainsi, des véhicules adaptés à presque tous les besoins, allant même jusqu’aux ambulances et aux véhicules de lutte contre les incendies. Les résultats de ces investissements, de ce renouvellement de l’outil industriel et de cette nouvelle stratégie commerciale ne se font pas attendre, puisque les ventes remontent rapidement.

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[Collection Jules Beau. Photographie sportive] : T. 18. Année 1902 / Jules Beau : F. 45v. [Circuit des Ardennes, Bastogne, 30 juillet 1902];

Au début des années 1910, André Citroën s’intéresse à un nouveau type de moteur, mis au point aux Etats-Unis par l’ingénieur Charles Knight : le moteur sans soupapes. Plutôt que de s’adresser directement à son inventeur, il préfère, toutefois, opter pour une solution jugée plus simple : celle de se fournir chez l’un des constructeurs européens qui en ont déjà acquis la licence de fabrication. Une décision sans doute prise pour des raisons de coûts de fabrication (Citroën ayant déjà procédé à des investissements considérables pour moderniser l’usine Mors). Si, à la même époque, d’autres constructeurs français s’intéressent, eux aussi, à cette technique, il paraît, cependant, assez difficile de s’adresser à un « compatriote ». Ceci, étant donné que les futurs modèles Mors équipés de moteurs Knight seraient sans doute amenés à les concurrencer. C’est pourquoi il est alors décidé de s’adresser à un constructeur étranger, le choix se portant sur le constructeur Minerva, installé à Anvers, en Belgique. Un choix qui, outre le fait que celui-ci fabrique déjà les moteurs Knight, est probablement aussi (ou surtout ?) dû au fait que l’homme qui préside alors le conseil d’administration de Minerva n’est autre que David Citroën, le cousin d’André !

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Un pari qui semble gagnant, puisqu’en 1914, l’année qui (comme chacun le sait sans doute) est celle du déclenchement du Premier Conflit mondial, la production de la marque dépassera, pour la première fois de son histoire, la barre du millier d’exemplaires (1 200 pour être plus précis). Si la politique initiée par André Citroën a, de manière indéniable, non seulement, permis à Mors d’éviter la faillite ou un dépôt de bilan, mais également de développer la production à un niveau que la marque n’avait jamais connu auparavant, tous les problèmes financiers du constructeur n’ont pas été effacés. D’autant que le renouvellement de l’outillage de l’usine de la rue du Théâtre et le développement du réseau de la marque hors de France ont nécessité des investissements ainsi qu’un endettement non négligeable.

Le déclenchement du conflit, à l’été 1914, oblige alors Citroën comme Mors à reconvertir leurs installations pour soutenir l’effort de guerre. La firme est alors chargée par André Citroën de fabriquer l’outillage nécessaire pour équiper l’usine que ce dernier a décidé de faire édifier sur le quai de Javel afin d’assurer la production en grande série d’obus destinés à l’Armée française. Même si, comme le feront remarquer certains observateurs après la guerre, avec ce nouveau rôle, le constructeur se voit quasiment réduit à un simple rôle de sous-traitant de l’entreprise Citroën.

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[Collection Jules Beau. Photographie sportive] : T. 21. Année 1903 / Jules Beau : F. 33v. [Paris – Madrid, Tuileries, 19 – 22 mai 1903];

C’est durant celle-ci que Louis Mors décédera, en 1917, à l’âge de 61 ans. Ayant repris en main la fabrication de matériel électrique et s’étant, dès lors, éloigné et progressivement désintéressé du monde de l’automobile, son frère cadet, Emile ne fait guère de difficultés pour céder ses parts et donc la firme automobile qu’ils avaient fondée à Citroën. Il continuera, cependant, la production de matériel électrique jusqu’à sa mort en 1942, âgé de 83 ans.

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Si la guerre prend fin à l’automne de l’année suivante, la reprise de l’activité automobile se voit, toutefois, compliqué par le fait que l’usine Minerva d’Anvers a été victime des bombardements ainsi que des pillages durant l’occupation de la Belgique par l’Armée allemande durant la guerre. Il faudra donc attendre 1920 pour que soit présenté le premier modèle Mors de l’après-guerre. Il s’agit d’une 14/20 HP, toujours équipé, comme ses devancières d’avant-guerre, d’un moteur Minerva de 3,5 litres. Laquelle va, toutefois, se retrouver confronter, dès son lancement, à une concurrence nombreuse et qui, depuis la guerre, s’est, en grande partie, renouvelée et est, désormais, composée, en grande partie, de modèles présentant un meilleur rapport prix/ performances.

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Sans compter qu’André Citroën lui-même va fortement contribuer à bouleverser, de manière profonde, le paysage automobile française. Après avoir été tenté, dans un premier temps, de se lancer dans l’automobile de prestige en faisant étudier un autre modèle à moteur sans soupapes, il décide, finalement, de changer son fusil d’épaule. Séduit par l’exemple de Henry Ford avec sa Ford T, il est persuadé que la production automobile en grande série a, elle aussi, sa place en France. Il fait alors appel à Jules Salomon, concepteur, avant la guerre, des modèles de la marque Le Zèbre, qui figuraient alors parmi les voitures les plus populaires sur le marché français, afin de concevoir un modèle destiné au grand public et qui puisse être l’équivalent de la Ford T aux Etats-Unis.

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Dévoilée en 1919, la Citroën Type A 10 HP, en plus d’être la première voiture française entièrement produite en série, mais aussi le modèle le moins cher vendu dans l’hexagone. Même si les modèles de Citroën et Mors ne jouent donc pas dans la même catégorie, il semble clair que l’ancienne firme des frères Mors n’est, clairement, plus la priorité d’André Citroën et que ce dernier entend bien concentrer son énergie et son attention sur le développement de la marque portant son nom et délaisse donc la firme Mors.

Cette dernière ne bénéficiant donc plus des mêmes moyens que ceux qui lui avaient été octroyés par André Citroën avant la guerre, que ce soit pour la conception de nouveaux modèles comme pour la promotion de ces derniers ainsi que le maintien d’un réseau de distribution suffisant sur l’ensemble du territoire français. A tel point qu’en ce tout début des années 1920, une partie de la presse automobile commence à se poser des questions sur la volonté réelle de Citroën d’offrir un véritable avenir à la marque et, donc, sur son avenir. Lorsqu’est présenté, en 1923, le nouveau modèle de la marque, la 12/16 HP Sport, dont le moteur, toujours d’origine Minerva, est un 2 litres développant une trentaine de chevaux, un certain nombre de journalistes automobiles se doutent déjà que celui-ci risque fort d’être le dernier… La suite des événements leur donnera, malheureusement, raison !

Tandis que les ventes de Citroën s’envolent, celles de Mors, en revanche, déclinent, par la faute d’une concurrence trop importante contre laquelle, faute de bénéficier de ressources suffisamment importantes de la part de celui qui est devenu son seul actionnaire, Mors ne peut plus faire le poids. Ces deux causes ayant pour conséquences que les ventes déclinent de plus en plus au fil du temps.

En mai 1924, la cessation des activités de la marque est finalement annoncée. La marque cessant, officiellement, d’exister l’année suivante, même si un service après-vente sera encore maintenu pendant quelque temps, afin d’assurer l’entretien des voitures encore en circulation et aussi (ou surtout?) de liquider les pièces détachées encore en stock.

Cet acte de décès de la firme Mors ne signera, toutefois, pas la fin des activités des bâtiments de la rue du Théâtre, puisque c’est là que Citroën décide alors d’installer son bureau d’études. C’est là que seront conçus les modèles les plus emblématiques de la marque aux chevrons, à l’image de la Traction, de la 2 CV et de la DS. Même s’il est vrai que les ingénieurs et stylistes qui ont conçu ces modèles mythiques y travailleront, le plus souvent, dans des conditions assez spartiates. C’est sans doute l’une des raisons qui, outre que les bâtiments avaient fini par devenir trop vétustes et exigus qui entraînera le déménagement de celui-ci vers la fin des années 50.

Il ne reste (malheureusement) plus rien, aujourd’hui, des anciennes usines Mors, à l’emplacement desquelles se dresse aujourd’hui un groupe d’immeubles d’habitation. Même si, dans la cour d’entrée de l’immeuble situé au n°44, a été apposée une plaque commémorative rappelant le passé du lieu, attaché à la marque aux chevrons.

Philippe ROCHE

Photos via WIKIMEDIA

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