CITROËN SM aux USA - Les (vraies) raisons d'un échec (partie II).

CITROËN SM aux USA – Les (vraies) raisons d’un échec (partie II).

L’autre cause de cet abandon subit du marché américain trouvant son origine dans les nouvelles normes de sécurité imposées par la législation américaine. Pour pouvoir faire son entrée aux USA, la SM avait déjà dû, au préalable, subir plusieurs modifications, la plus conséquente et la plus visible étant la suppression des phares mobiles de formes carrée ainsi que du carénage vitré sous lequel ceux-ci étaient placés. Sur la version américaine, ils se trouvent remplacés par des optiques rondes et fixes (ce qui enlève toutefois une grande partie de ce qui faisait, à la fois, le charisme ainsi que la spécificité du style de la proue de la SM). L’autre caractéristique principale qui différencie ces dernières des SM européennes étant ses répétiteurs de clignotants aux extrémités des ailes avant et arrière (que l’on retrouve aujourd’hui encore sur les modèles européens vendus aux USA).

Si la marque aux chevrons réussit à en vendre un peu plus de deux mille exemplaires (2 037 très exactement), ainsi que près de quatre cents (396) au Canada voisin. Les modifications déjà réalisées et décrites en détail ci-dessus s’avéreront hélas insuffisantes pour satisfaire aux nouvelles directives qui devaient entrer en vigueur sur le territoire américain pour l’année 1974. Un retrait du marché américain qui (contrairement à son arrivée) se fera sans tambour ni trompette et, même, au contraire, dans la plus grande discrétion. Bien qu’étant en fin de carrière, cette nouvelle réglementation allait aussi précipiter la fin de la carrière américaine de la DS. Celle-ci étant équipée de la même suspension à hauteur variable que la SM (qu’elle avait d’ailleurs « légué » à cette dernière), elle se voyait, elle aussi, victime de cette nouvelle législation.

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Une fin de carrière assez peu glorieuse et même d’autant plus amère que, de tous les modèles Citroën à avoir été vendus aux Etats-Unis, la DS fut (et de loin) celui qui s’est le mieux vendu, avec environ 38 000 exemplaires (toutes carrosseries et motorisations confondues). Une (double) retraite anticipée qui allait avoir, assez rapidement, pour conséquence (même si René France et ses collaborateurs n’en avaient probablement pas encore conscience, en tout cas dans l’immédiat) la remise en cause de la présence même de Citroën sur le marché américain. Pour la marque aux chevrons, le marché nord-américain était devenu marginal et les difficultés financières ainsi que les bouleversements que connaît alors la marque aux chevrons contribueront à décider la nouvelle direction et (qui a dit « surtout »?) l’état-major du groupe PSA de prendre une décision aussi cruelle que radicale.

Pour les mêmes raisons qui avaient causé la fin de carrière précipitée de la SM aux USA, la nouvelle CX, qui venait d’être dévoilée au public à la fin de l’été 74, ne connaîtra pas de (véritable) carrière outre-Atlantique. Bien qu’une poignée d’exemplaires (sans doute de « pré-série », destinés, à l’origine à assurer la promotion du modèle auprès du public ainsi que du réseau) furent toutefois expédiés aux USA avant que le constructeur ne renonce finalement à y commercialiser sa nouvelle berline « haut de gamme ». Extérieurement, l’une des seules spécificités ses (rares) « vraies » CX américaines sont les répétiteurs de clignotants aux extrémités des ailes à l’avant et à l’arrière. Plus singulier est le fait que celles-ci furent quasiment toutes équipées de motorisations Diesel (conséquence de la crise pétrolière et de la flambée des prix de l’essence, celui-ci connaîtra aussi son heure de gloire sur le marché américain, au point que plusieurs constructeurs de Detroit, tels que General Motors, en proposeront également sur un certain nombre de leurs modèles).

De retour au pays, au siège du constructeur à Paris en octobre 1977, suite à une convocation des nouveaux dirigeants de Citroën et PSA, René France apprend, avec autant de stupéfaction que de dépit, qu’il a été décidé , purement et simplement, de retirer la marque aux chevrons du marché américain. Le responsable de Citroën USA (qui, malgré son nom, comprend aussi le réseau de vente situé au Canada voisin) se voyant préciser que la filiale serait officiellement liquidée le 31 décembre suivant et cesserait alors donc toute activité. La dernière mission à laquelle se verra affecté René France pour le compte de Citroën, durant les près de trois mois qui suivront, serra donc d’organiser le démantèlement de la filiale et de son réseau, en se voyant ainsi confier la tâche (ingrate) de licencier le personnel du siège central de New York ainsi que ceux des antennes régionales de Los Angeles et Montréal.

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Un retrait dont la raison principale est, toutefois, à chercher dans le fait qu’au sein du nouveau groupe automobile PSA, c’était bien Peugeot qui était le « meneur ». Or, la marque au lion, présente, elle aussi sur le marché automobile américain et voit donc dans le rachat de Citroën l’opportunité de mettre, là-bas, sur la touche un constructeur qui avait toujours été (en Amérique comme en France) un concurrent gênant. D’autant que Peugeot a l’intention d’y commercialiser sa nouvelle berline haut de gamme, la 604, convaincue que celle-ci a de solides arguments pour séduire le public américain (même si celui-ci lui donnera largement tort). Les dirigeants de Sochaux redoutant que la remplaçante de la DS, si elle était, elle aussi, commercialisée aux USA, ne fasse trop d’ombre à la grande lionne (comme cela sera également le cas sur le marché français).

Lorsque se termine l’année 1977, la marque aux chevrons cesse donc officiellement d’être présente en Amérique du Nord. En presque quarante ans de présence sur le sol américain (les premières importations des Citroën aux USA remontant, en effet, à 1938), les modèles les plus emblématiques du constructeur français, en particulier la Traction et, surtout, la DS, n’auront pas manqué de susciter l’intérêt d’une clientèle avertie (certes minoritaire en regard de l’importance du public et du parc automobile américains, mais, néanmoins, pas si marginale que l’on pourrait le croire). Une clientèle qui a su, à l’image des automobilistes français, apprécier à leur juste valeur l’esthétique si particulière ainsi que le modernisme technique des voitures frappées du double chevron, ceux-ci les changeant, il est vrai, assez fortement de l’orthodoxie technique que les grands constructeurs de Detroit avaient alors quasiment érigée au rang de vertu cardinale.

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Autant dire que la décision de la direction du groupe PSA de se retirer du continent nord-américain ne manque pas de plonger tous ces esthètes automobiles dans un grand désarroi. Ceux-ci ne représentent, certes, que quelques milliers de propriétaires, ce qui, même à l’échelle du marché français, ne constitue qu’un verre et, plus encore, à l’échelle du marché américain, que quelques gouttes d’eau dans la mer (ou dans l’océan). Indépendamment du fait qu’ils se verront ainsi priver de l’opportunité de pouvoir acquérir et, ainsi, rouler dans les nouveaux modèles de la marque aux chevrons, la liquidation de la filiale Citroën USA va aussi avoir pour effet de leur compliquer sérieusement la tâche pour l’entretien (même courant) de leurs voitures. Qu’il s’agisse de la poignée d’exemplaires des premières versions de la CX qui ont été exportée sur le sol américain ainsi que des DS et SM qui y ont été vendues avant elle, toutes nécessitaient souvent (en particulier pour les réparations sur le système hydraulique) des mains expertes ainsi qu’un outillage spécifique. Lequel, tout comme les pièces de rechange, était directement importé, par avion ou par bateau, depuis la France.

Certains anciens concessionnaires courageux refuseront de baisser les bras comme le rideau et continueront à assurer, de leur propre initiative le service après-vente comme au temps où la défunte filiale américaine était dirigée par René France. Si les concessionnaires en question avaient, certes, toujours l’opportunité de passer commande, en France, auprès des sous-traitants et autres revendeurs de la marque, tout ceci se faisant à leurs propres frais, il va sans dire que l’opération ainsi que les coûts (pour l’achat ainsi que pour le transport) étaient nettement plus complexes que du temps de Citroën USA.

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C’est pourquoi plusieurs Citroënistes américains convaincus décidèrent bientôt de reprendre à leur compte l’importation des Citroën aux Etats-Unis. (La plus connue et celle qui dura le plus longtemps étant celle de la société CX Automotive, située à Middlesex, dans l’Etat du New Jersey, qui dura tout de même dix-huit ans au total, de 1979 jusqu’en 1997). Une aventure d’autant plus ardue qu’en plus de ne pas avoir (souvent loin s’en faut) de ressources financières égales à celles dont disposait, en son temps, l’ancienne filiale du constructeur, celle-ci se fera toujours sans aucun soutien (qu’il soit officiel ou non) de la part de la marque. Celle-ci n’ayant d’ailleurs pas manqué, dans la plupart des cas, de manifester sa ferme opposition à ces initiatives et en tentant également, par tous les moyens légaux de mettre fin à celle-ci. L’aventure de la société CX Automotive ne sera, toutefois, pas la seule puisque d’autres sociétés tenteront, elles aussi, d’assurer l’importation ainsi que la vente des modèles Citroën au pays de l’oncle Sam

Une politique qui apparaissait d’autant plus incompréhensible et regrettable que si le maintien ou, même, le retour en Amérique du Nord n’aurait, alors, sans doute pas (ou plus) été suffisamment rentable pour Citroën (et, surtout, pour PSA), cela aurait, néanmoins, pu l’être tout à fait pour un (ou des) importateur(s) indépendant(s). Comme mentionné précédemment, la SM avait vu sa carrière américaine s’arrêtée de manière prématurée (pour ne pas dire brutale) du fait, entre autres, de la loi obligeant toutes les voitures circulant sur les routes américaines à avoir une hauteur de pare-chocs qui soit constamment la même. Une loi fédérale (entrant en vigueur au début de l’année 1974) dont ne furent d’ailleurs pas victimes que les modèles de la marque aux chevrons. Mercedes se voyant, ainsi, elle aussi, obligée de modifier les suspensions à coussin d’air de ses modèles afin de pouvoir continuer leur vente aux Etats-Unis (ce qui était d’autant plus vital pour la marque à l’étoile que ceux-ci représentaient leur premier marché d’exportation).

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Toutefois, en 1981, la nouvelle administration fédérale (celle du nouveau président Ronald Reagan, entré en fonctions cette même année) décide de simplifier les normes d’homologation pour les modèles importés depuis l’étranger, rendant ainsi à nouveau possible de distribuer aux USA des modèles équipés de suspensions à hauteur variable. Ce qui offrait donc la perspective pour la Citroën CX de se voir offrir une nouvelle (et, cette fois-ci, vraie) carrière aux USA, le tout, sans avoir à (trop) subir les multiples contraintes (parfois assez aberrantes) qu’ont connues les voitures européennes importées sur le sol américain durant les années 70.

Malheureusement, non seulement la direction de PSA semblait alors avoir, entièrement et définitivement, enterré toute perspective de revenir un jour, d’une manière ou d’une autre, en Amérique du Nord. Mais il semble que (s’agissant de Citroën comme de Peugeot), l’issue (certes, peu glorieuses) de cette aventure américaine leur ait laissé un goût à ce point amer qu’il semble y avoir eu, pendant longtemps, une sorte « d’omerta » sur celle-ci. Ainsi, la direction du groupe ne s’est pas contentée de tourner simplement la page de celle-ci, mais d’avoir, véritablement,voulu arraché du livre de l’histoire (désormais commune) de la marque au lion comme de celle des chevrons et, ensuite, la jeter au feu. Comme si elle avait cherché, ainsi, à l’effacer, autant que possible, de la mémoire collective des cadres du groupe, comme si celle-ci n’avait jamais existé ! Bien qu’aujourd’hui, les nouveaux dirigeants de PSA ainsi (ou, surtout) les gardiens du passé et du patrimoine de Citroën aient abandonné cette « politique de l’oubli » ou « du déni », ce chapitre ne figure pas véritablement parmi ceux qui sont le plus mis en avant par le constructeur. Ce qui explique qu’il reste, encore aujourd’hui, très (voire) trop méconnu de la plupart des amateurs de Citroën anciennes.

CITROËN SM aux USA - Les (vraies) raisons d'un échec (partie II).

Si la constitution du nouveau groupe Stellantis, regroupant les différentes marques des groupes Chrysler mais aussi Fiat et PSA, avait, pendant un temps, laissé espérer que les deux marques françaises de ce nouveau géant mondial de l’industrie automobile (c’est-à-dire aussi bien Peugeot que Citroën) puisse faire leur retour aux USA. Carlos Tavares, le PDG de PSA et directeur général de Stellantis, avait pourtant caressé cette ambition (ou ce rêve) lors des tractations avec Chrysler et Fiat qui aboutiront à la création de Stellantis. Malheureusement pour ce dernier, il sera, assez vite, contraint d’y renoncer en 2021, l’état-major du groupe préférant, en effet, à la fois, miser, pour son développement en Amérique du Nord, sur ses divisions américaines (à savoir Chrysler, Dodge et Jeep) ainsi que sur d’autres marques européennes, comme Alfa Romeo. Laquelle peut, il est vrai, se prévaloir d’une image sportive et prestigieuse nettement plus susceptible de susciter l’intérêt de la clientèle américaine que Peugeot ainsi que Citroën.

Philippe ROCHE

Photos Wheelsage

En vidéo https://www.youtube.com/watch?v=KyXFbuE5Eto&ab_channel=Atmo

L’épisode 1 https://www.retropassionautomobiles.fr/2024/03/renault-3-la-r4-du-pauvre/

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