RENAULT 14 - Bonne ou mauvaise poire ?

RENAULT 14 – Bonne ou mauvaise poire ?

Dans l’histoire des modèles de la marque au losange sous l’ère de la Régie Nationale des Usines Renault, si la plupart de ceux-ci connurent un très beau succès (en étant ainsi produits à plusieurs millions d’exemplaires). Et même, pour certains d’entre-eux, ont même marqué de leur empreinte l’évolution de l’automobile (telle que la R16, qui sera la première berline familiale française à disposer d’un hayon, une caractéristique réservée, jusqu’ici, réservée aux véhicules utilitaires).

Mais il y eut aussi quelques « moutons noirs » ou « vilains petits canards », qui, pour des raisons parfois très diverses, n’ont pas connu le succès espéré par le constructeur et ont même vu leur carrière écourtée et sont très vite tombés, une fois celle)ci terminée, dans les limbes de l’oubli. Parmi ces derniers, s’il y en a bien une qui mériterait ces deux qualificatifs, c’est bien la Renault 14.

RENAULT 14 - Bonne ou mauvaise poire ?

Il est vrai que lorsque l’on connaît, ou que l’on découvre, l’histoire de sa genèse, l’on est en droit de se dire que celle-ci était véritablement marquée par le sceau du mauvais sort, qu’elle était véritablement née sous une mauvaise étoile et que toutes les planètes semblaient alignées de travers pour que la R14 devienne, avant même d’être commercialisée, un enfant malade de l’automobile française.

A l’origine, celle-ci qui fut désignée en interne sous le nom de code de « Projet 121 » n’était pourtant destinée qu’à être une « simple voiture compacte » destinée à concurrencer les nouveaux modèles de la catégorie comme la Volkswagen Golf (qui, eux aussi, s’étaient très vite convertis au concept de la « cinquième porte », avec le succès que l’on sait).

RENAULT 14 - Bonne ou mauvaise poire ?

L’une des principales erreurs commises par la direction de Renault a été d’avoir voulu expérimenter sur ce projet le système de conception assistée par ordinateur. Un procédé qui, au début des années 70, constituait alors une véritable révolution (dans l’industrie automobile comme dans de nombreux autres secteurs) mais qui (comme souvent lorsque l’on met en application des procédés d’un genre nouveau) va connaître un certain nombre de ratés et autres balbutiements. Alors qu’il ne faut, aujourd’hui, que quelques heures seulement à une fraiseuse numérique pour façonner, à partir d’un bloc de résine, une maquette en taille réelle, à l’époque de la conception de la R14, il faudra à une machine similaire… pas moins d’une année entière !

Ce qui aura conséquence inévitable de retarder fortement le lancement de la future Renault 14. Ainsi, alors que l’essentiel de ses lignes de cette dernière est fixé dès 1971, il faudra pourtant attendre près de cinq longues années, rien de moins, jusqu’en janvier 1976, pour que la nouvelle berline compacte du losange soit finalement dévoilée au public. Et encore, les clients intéressés devront encore patienter jusqu’au mois de mai suivant pour pouvoir en passer commande.

RENAULT 14 - Bonne ou mauvaise poire ?

Un autre handicap supplémentaire est que, à la suite d’un accord signé entre la Régie et la marque au lion (aboutissant à la création d’une filiale commune, La Française de Mécanique, laquelle assure alors également la production du V6 PRV), il est décidé d’équiper la R14 d’une motorisation issue de la gamme Peugeot. En l’occurrence, le quatre cylindres en ligne de 1,2 litre et 57 chevaux emprunté à la 104 et placé en position transversale sous le capot de la nouvelle R14 (une autre première pour la marque au losange). Un handicap, car, à une époque où de nombreuses familles françaises roulent encore en Citroën, Peugeot, Renault ou Simca de père en fils, un modèle du losange équipé d’un moteur portant l’emblème du lion avait toutes les chances d’être regardé d’un oeil assez mauvais par la clientèle de Renault. Une mentalité quelque peu « chauviniste » qui est d’ailleurs partagée par la majorité des concessionnaires de la marque, lesquelles ne montrent, donc, guère d’empressement et de conviction pour vendre un modèle considéré comme « illégitime » ou « bâtard ». Les emprunts à la banque d’organes de Peugeot ne se limitent d’ailleurs pas à la motorisation, mais concerne aussi le train avant ainsi que le pédalier (empruntés, là aussi, à la 104). (Certaines rumeurs affirmant qu’elle reprend même l’entièreté des soubassements de la 104, lesquelles s’avéreront toutefois infondées, la R14 reprenant, en réalité, le train arrière de la R5).

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En outre, lors de son lancement, elle n’est d’ailleurs proposée qu’avec cette seule motorisation (laquelle, grâce au poids contenu de la voiture, qui n’affiche, en effet, que 865 kg sur la balance, parvient à emmener celle-ci à un peu plus de 140 km/h) ainsi qu’en deux finitions seulement. Lesquelles, aussi bien la TL que la version L d’entrée de gamme pèche par un niveau d’équipement assez minimaliste. Les seules options qui sont alors proposées au catalogue étant les sièges en simili, les vitres teintées, le toit ouvrant (souple) ainsi que la peinture métallisée.

La Renault 14 étant aussi restée dans les mémoires (aussi bien celles des amateurs d’automobiles que des professionnels du marketing) pour la célèbre campagne conçue par l’agence Publicis (alors l’une des plus importantes agences publicitaires de France, mais aussi d’Europe, tout sauf des amateurs donc !). En observant la silhouette de la R14, les créatifs de Publicis auxquels furent confiés le dossier lui trouvèrent une forte ressemblance avec une poire. (Outre les lignes extérieures de la voiture, cette comparaison faisait aussi référence à la générosité du volume intérieure de l’habitacle.

RENAULT 14 - Bonne ou mauvaise poire ?

Ni une ni deux, convaincus d’avoir alors eu une « idée de génie », ces derniers lancent une vaste campagne de pub avec des affiches grand format où l’on verra, sur les unes, la Renault 14 entourée par la silhouette d’une poire dessinée en pointillés et, sur d’autres, une poire à l’intérieur de laquelle figure l’intérieur de l’habitacle de la R14 avec ses quatre occupants (accompagnés d’un chien sur la banquette arrière). Le tout accompagné par des slogans (se voulant) « accrocheurs », tels qu’ « Une idée nouvelle de la voiture » ou encore « Une poire, c’est confortable ».

Sauf que ces « brillants génies » de la pub semblaient avoir oublié que le terme de « poire » a aussi une connotation assez péjorative ! A posteriori, au vu du résultat, l’on en droit de se demander si l’idée ne leur est pas venu un soir de pot entre amis, après une bonne murge au beaujolais nouveau ou au Ricard et donc dans des esprits passablement embrumés par les effets de l’alcool ! Le « fruit » de cette campagne publicitaire ne se fera pas attendre… et il sera plutôt désastreux, pour Renault et (surtout) pour la R14. Les clients potentiels ayant, tout simplement, l’impression d’être pris pour des poires ! Même s’il faut reconnaître que les effets de cette campagne de pub ratée semblent avoir été quelque peu exagérés, elle reste, cependant, toujours un cas d’école en la matière, enseigné, aujourd’hui encore, dans toutes les écoles de commerce aux quatre coins de l’Hexagone !… En tout état de cause, elle n’aura donc aucune influence positive sur les ventes de la Renault 14, lesquelles continueront de se dégringoler au fil des années.

RENAULT 14 - Bonne ou mauvaise poire ?

Même si les apparences peuvent (sur certains points, tout du moins) être trompeuses, l’impression qui est ressentie par une grande partie du public ainsi que de la presse spécialisée est que la Régie semble avoir, à certains égards, « renié » son modèle et, alors qu’elle vient à peine d’être  commercialisée, de l’avoir déjà abandonné à son sort, préférant concentre son attention et ses efforts sur d’autres modèles de sa gamme, bien plus plébiscités par le public et dotés d’une image nettement plus flatteuse.

Les évolutions que connaîtra la R14 durant sa carrière se compteront quasiment sur les doigts d’une main. L’année-modèle 78 verra ainsi l’apparition d’une nouvelle finition « haut de gamme » TS (toujours motorisée par le quatre cylindres Peugeot de 1,2 litre mais porté, ici, à 69 chevaux), profitant d’une dotation élargie en matière d’équipements de série (vitres électriques, condamnation centralisée, montre, compte-tours, phares à iode). Celle-ci recevant également, à l’occasion du millésime suivant voyant, un léger lifting, intérieur et extérieur, comprenant de nouveaux pare-chocs avant et arrière, des clignotants à l’extrémité des ailes avant ainsi que le montage dans l’habitacle de nouveaux sièges provenant de la R18). La R14 bénéficiant également, l’année suivante, d’une nouvelle motorisation (toujours d’origine Peugeot) dont la cylindrée sera portée à 1 360 cc (avec une puissance de 59 ch pour la GTIL et de 70 chevaux pour la TS) ainsi que d’une boîte à cinq vitesses.

RENAULT 14 - Bonne ou mauvaise poire ?

Des évolutions dans le bon sens qui, malheureusement pour elle, ne suffiront toutefois pas à lui redonner un second souffle sur le plan commercial. Avec autant de chats noirs accrochés à ses baques, l’on comprend sans mal qu’il n’en ait été produit, au final, qu’un peu moins d’un million d’exemplaires (un peu plus de 999 000, pour être plus précis, alors que Renault espérait, au départ, atteindre la barre des deux millions) jusqu’en 1983. Date à laquelle celle qui fut toujours considérée comme le « vilain petit canard » de la Régie disparaîtra dans l’anonymat le plus complet et dans l’indifférence générale.

RENAULT 14 - Bonne ou mauvaise poire ?

La direction de Renault ayant bien compris que l’une des causes de l’échec commercial de la R14 était bien d’avoir eu recours à des moteurs (en partie) d’origine Peugeot, celle-ci décidera d’en revenir, pour ses remplaçantes (car, en effet, elle ne fut pas remplacée par un mais bien par deux modèles, les R9 et R11) à une mécanique cent pour cent « maison », le célèbre Cléon fonte.

Philippe ROCHE

Photos Wheelsage

En vidéo https://www.youtube.com/watch?v=8liCNHWDM7k&ab_channel=Atmo

Une autre Renault https://www.retropassionautomobiles.fr/2022/09/clio-v6/

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