SIMCA 1100 - Simca sur la voie de la modernité.

SIMCA 1100 – Simca sur la voie de la modernité.

                           

Lorsqu’en 1963, le groupe américain Chrysler, « petit dernier » (en termes de taille comme de création) des trois grands groupes automobiles américains de Détroit, devient actionnaire majoritaire de Simca, en ce qui concerne l’aspect purement technique, la gamme Simca reste attachée à des solutions éprouvées. Ceci, qu’il s’agisse de la petite berline 1 000 d’entrée de gamme (avec sa mécanique placée à l’arrière) ainsi que des nouvelles berlines et breaks 1300 et 1500 qui viennent d’être commercialisées, lesquelles, de leur côté, conservent une architecture tout ce qu’il y a de plus classique. A savoir, une mécanique en position longitudinale à l’avant, associée à une transmission aux roues arrière.

A noter que ces dernières furent les derniers modèles lancés sous l’ère du fondateur de la marque, Henri-Théodore Pigozzi, quelques mois à peine avant que celui-ci ne soit évincé par les Américains. Georges Héreil, le successeur de Pigozzi, placé à la tête de Simca par la maison-mère américaine, aura, toutefois, souvent fort à faire pour maintenir l’autonomie de Simca face aux pressions de la direction de Chrysler. Bien que rencontrant un large succès, il est toutefois, rapidement, évident qu’à terme, ces deux modèles ne pourront suffir, à eux seuls, à assurer à Simca des volumes de vente suffisants ainsi que pour lui permettre de conserver la place qui est la sienne sur le marché français. Le lancement, au début de cette décennie, de la Citroën Ami 6 et de la Renault R4 , suivi, quelques années plus tard, par la Peugeot 204, ayant démontré que l’avenir pour les voitures populaires était bien dans la traction avant.

Un changement que Pigozzi lui-même avait sans doute bien perçu, car c’est à l’époque où ce dernier tenait encore les rênes de Simca que le projet d’une berline de taille moyenne dotée des roues avant motrices sera mis à l’étude. Lequel, aussi bien sur le plan technique que du point de vue esthétique, rappelait la future Autobianchi Primula étudiée par Fiat (qui sera dévoilée en 1964). Héreil étant lui aussi, convaincu, non seulement, de la pertinence du choix de l’architecture du « tout à l’avant » mais aussi que ce nouveau modèle permettra à Simca de disposer d’un modèle populaire doté d’un caractère plus polyvalent que la 1 000 à moteur arrière*. Il devra cependant user de tout son pouvoir de persuasion et déployer une plaidoirie savamment étudiée afin de parvenir à convaincre ses patrons américains, fort réticents au départ, car celui-ci leur apparaissait inutilement sophistiqué pour une voiture destinée aux classes populaires.

Il est vrai qu’en dehors de quelques exceptions notables, l’ensemble des modèles alors produits par les constructeurs américains (qu’il s’agisse de Chrysler comme de Ford ou General Motors) reste attaché à une très grande orthodoxie technique. Au sein du groupe au pentastar, les modestes Plymouth comme les luxueuses Imperial demeurent toutes fidèles à l’archiclassique architecture (exposée plus haut) similaires à celles des Simca 1300 et 1500 françaises. Pour la maison-mère de Simca, étant donné que ces dernières ainsi que la petite berline 1000 d’entrée de gamme se vendent assez bien, il n’y a donc guère d’utilité à vouloir concevoir un nouveau modèle (quel que soit le segment de gamme où s’inscrira celui-ci) qui ne reprenne pas la même architecture technique. Les Américains arguant qu’outre que ces solutions techniques présentent le double avantage d’être largement éprouvés ainsi que peu coûteux à produire (et offrant également une grande facilité d’entretien), le public auquel doit s’adresser la nouvelle Simca n’est (dans sa grande majorité, en tout cas) guère sensible à l’innovation technique.

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Bien que, sur le fond et sur tous les points cités, ce raisonnement ne soit pas faux (et même assez pertinent), si Georges Héreil tiendra bon sur ses positions pour que celle qui sera la première Simca à traction avant, c’est probablement aussi parce qu’il tient à « dépoussiérer » l’image de la marque à l’hirondelle*, face à Citroën (qui, depuis le lancement de la Traction Avant en 1934, a érigé l’avant-gardisme en une sorte de « religion ») ainsi qu’à Peugeot qui (en ce qui concerne la transmission aux roues avant comme sur d’autres points techniques fondamentaux) a décide de lui emboîter le pas. Il n’y a d’ailleurs pas qu’en ce qui concerne sa transmission que la nouvelle 1100 va innover. Mais aussi par le fait qu’elle sera la première Simca à voir sa mécanique implantée en position transversale, à être équipée d’un carter commun pour l’embrayage et la transmission, ainsi que d’une direction à crémaillère et d’une suspension par barres de torsion. Sans, évidemment, oublier qu’elle est la première Simca dont la carrosserie reçoit une cinquième porte (c’est-à-dire un hayon), une caractéristique qui (en dehors de la Renault R16) n’est alors pas courante au sein de la production automobile française en ce milieu des années 60.

Bien qu’elle ne soit pas véritablement laide (loin de là), c’est donc bien, avant tout et surtout, par sa fiche technique nettement plus moderne que celle des autres modèles contemporains de la gamme Simca ainsi que ses qualités pratiques que la nouvelle 1100 entend convaincre la clientèle visée. Si le dessin de la face avant reprend, dans ses grandes lignes, celui des précédentes 1300 et 1500, c’est surtout par son profil en « deux volumes et demi » que la nouvelle venue innove et, de prime abord, déroute aussi quelque peu les clients traditionnels de Simca lors de sa première présentation publique, au Salon de Paris d’octobre 1967.

A lire les comptes-rendus des journalistes de la presse automobile, la nouvelle Simca 1100, à défaut d’un style qui fasse l’unanimité, peut, en tout cas, se prévaloir d’une tenue de route ainsi que d’un confort qui la place parmi les meilleures de sa catégorie. Preuve, sans doute, que le constructeur était convaincu, dès le départ, du succès que remporterait sa nouvelle berline compacte sur le marché français, elle sera, dès sa présentation, proposée dans une gamme fort variée, avec le choix entre quatre carrosseries différentes (trois ou cinq portes, un break trois portes ainsi qu’une fourgonnette tôlée) et trois niveaux de finition (LS, GL et GLS). Même si, sur le plan des performances, ces ambitions apparaissent, toutefois (au début, tout du moins) plutôt modestes, puisque les deux motorisations qui sont alors proposées ne développent, respectivement, que 53 et 56 chevaux. Le catalogue en matière d’équipements optionnels de toutes sortes est, lui aussi, très bien fourni, avec, même, certaines options assez singulières, comme la transmission semi-automatique Ferodo Verto* (associant un coupleur hydraulique à une boîte de vitesses ne comportant, toutefois, que trois rapports seulement).

A l’occasion du millésime 1969, la gamme s’élargit vers le bas, avec la présentation d’une version d’entrée de gamme dont la mécanique a été retravaillée afin d’être ramenée aux cotes (alésage et course) identiques à ceux du moteur de la Simca 1000 (ce qui lui permet ainsi de se ranger dans la catégorie fiscale des modèles de 5 CV). Cette nouvelle version étant disponible avec la finition de base LS (uniquement s’agissant de la berline, toutefois). Cette nouvelle version s’adresse donc à une clientèle aux moyens assez limités (qui ne pouvait, auparavant, s’offrir que la petite 1000 à moteur arrière et qui, ainsi, a, désormais, la possibilité de rouler dans un modèle plus spacieux et d’un usage plus pratique). Si cela explique (logiquement) qu’elle ne soit proposée, qu’avec les finitions les plus dépouillées, les effets de la crise pétrolière décideront finalement le constructeur a élargir l’offre pour cette dernière et de la proposer, à partir de février 1974, avec la finition la plus cossue, la GLS (laquelle recevra, ici, la nouvelle dénomination GLE).

Si la 1100 5 CV sera supprimée de la gamme en 1976, elle sera, toutefois, remplacée, en entrée de gamme, par une version « basse compression » de la mécanique 6 CV, adaptée afin de pouvoir fonctionner à l’essence ordinaire. Laquelle sera proposée, entre autres dans une nouvelle version LX (aussi orthographiée « Elix » dans certains catalogues ou sur certains marchés) à la présentation aussi « aguichante ». Avec ses contrastes de couleurs (avec des bandes adhésives de couleur vive sur la partie supérieure des flancs ainsi que les montants derrière la vitre arrière, alors que le reste de la carrosserie, de son côté, arbore une teinte plus sombre) ainsi que sa calandre noire mate et sa sellerie traitée en orange vif. Disponible uniquement avec la carrosserie trois portes, la 1100 LX entend séduire une clientèle plus jeune, mais elle connaître, cependant, qu’une existence assez éphémère.

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En ce qui concerne les évolutions appliquées à l’ensemble des versions de la gamme, celle-ci ne se comptera, cependant, presque que sur les doigts d’une main. Entre autres, un nouveau tableau de bord redessiné, se distinguant par sa surface plane, à présent, équipé de cadrans circulaires en 1970 (remplaçant ainsi la planche de bord avec le cadran linéaire unique des deux premiers millésimes). Ainsi, sur les berlines, qu’un hayon au dessin, lui aussi, redessiné (de formes plus galbées), bénéficiant d’une lunette arrière de plus grande taille à partir de 1972. Citons également, en 1975, des feux arrière agrandis et, surtout, un nouveau tableau de bord, au dessin, certes, beaucoup plus moderne (tout du moins, pour l’époque) mais qui abandonne, désormais, entièrement le bois ainsi que les chromes pour le plastique noir intégral.

S’il est vrai que les premières 1100 de la fin des années 60 n’avaient aucune prétention sportive (plafonnant ainsi, en vitesse de pointe, entre 135 et 145 km/h), Simca va, néanmoins, assez rapidement, dynamiser l’image de sa berline compacte avec de nouvelles motorisations nettement plus performantes. La première d’entre-elles étant la 1100 Special, sous le capot de laquelle on retrouve le moteur emprunté au coupé 1200 S, alimenté par deux carburateurs Weber. Cette dernière se distinguant, extérieurement, par ses phares à longue portée, de forme rectangulaire, encastrés dans la calandre, de jantes ajourées* et, dans l’habitacle, d’un tableau de bord équipé d’un compte-tours ainsi qu’un volant « tulipé » à trois branches et une décoration en bois autour des cadrans. Le système de freinage se voit également optimisé, avec l’ajout d’un servofrein.

Si elle peut se prévaloir de performances intéressantes, avec près de 160 km/h en vitesse de pointe, revers de la médaille, la consommation est loin d’être négligeable. Une gourmandise en carburant qui sera toutefois corrigée à partir de l’année-modèle 1972 grâce au montage d’une motorisation dont la cylindrée sera portée de 1 204 à 1 294 cc, dont l’alimentation est confiée, à présent, à un seul carburateur double corps (même si la puissance reste, cependant, identique : 75 ch). Si la 1100 Special n’est proposée qu’en berline (trois ou cinq portes), son moteur de 1,3 l sera, toutefois, également disponible (bien que durant une courte période seulement) avec la carrosserie break.

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La version la plus puissante de la Simca 1100 sera, toutefois, la Ti, qui bénéficiera (à nouveau) d’une alimentation assurée par deux carburateurs et dont la puissance atteint, cette fois, 82 chevaux, pour une vitesse de pointe de 165 km/h. Le plumage se voulant (évidemment) à la hauteur du ramage, avec des becquets aérodynamiques, des jantes réalisées en alliage léger, une batterie de six projecteurs additionnels (les deux premiers placés dans la calandre, deux autres sous le pare-chocs et les deux derniers sous les phares), une planche de bord revêtue de noir ainsi que des sièges avant équipés d’appuie-têtes.

Si le lancement de la version Ti, à l’automne 1973, marquera (sur le plan des performances) l’apogée de la 1100, l’arrivée de sa remplaçante, la nouvelle Horizon, en 1977, marquera, quant à elle, le début de son déclin. Conséquence quasiment inévitable, la gamme est alors progressivement réduite. Fin 1980, pour son ultime millésime de production 51981 donc), celle-ci n’est plus proposée que dans cinq versions ainsi qu’une seule motorisation de 58 ch.

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Entretemps, la marque Simca aura connu bien des changements, pour ne pas dire des bouleversements. Avec le changement de sa raison sociale, laquelle reçoit, à l’été 1970, le nouveau nom de Chrysler-France (lorsque le groupe américain devient propriétaire de la totalité des parts de Simca) et revente de celle-ci (ainsi que ses filiales anglaise et espagnole) à Peugeot à peine huit ans plus tard (Chrysler se trouvant alors confronté à de graves difficultés financières). Pour rappel, la marque au lion (qui a déjà racheté Citroën à peine quatre ans plus tôt) décide alors d’abandonner le nom de Simca pour celui de Talbot (ceci, entre autres, dans un souci de rationalisation, afin de pouvoir ainsi diffuser les anciens modèles Simca sous un même nom, aussi bien sur les marchés britannique et espagnol qu’en France). Même si (sans doute à la demande, pour ne pas dire sous la pression de la direction française) la maison-mère américaine acceptera de conserver à la 1100, ainsi qu’à la 1000 et aux « nouvelles » 1301 et 1501 (« nouvelles » est toutefois un bien grand mot, étant donné qu’il ne s’agit de rien d’autre que des nouvelles versions des anciennes 1300 et 1500, légèrement relookées) le nom de Simca.

Tout du moins jusqu’à l’année-modèle 1980, où la 1100 se verra alors rebaptisée Talbot-Simca et ensuite, pour son ultime millésime, Talbot « tout court ». (Même si, en dehors des sigles et noms apposés sur le capot avant et le hayon arrière, ainsi que le nouveau logo circulaire avec un grand « T » sur fond rouge sur le volant, rien ou presque ne la différencie des anciens modèles vendus sous le nom de Simca). Il est vrai qu’en ce début des années 1980, l’ex-Simca 1100 approche des quinze ans d’âge et qu’à une époque où les lignes tracées à la règle et à l’équerre sont, désormais, devenues la norme, ses lignes commencent à accuser « quelque peu » leur âge.

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Cette longue carrière est, en tout état de cause, assez illustrative de la politique, ou, plutôt, de l’absence de véritable stratégie commerciale) du groupe Chrysler pour sa filiale française (ainsi que pour ses filiales européennes en général. A savoir que le renouvellement ainsi que la diversification de leur gamme n’a jamais vraiment fait partie des priorités du groupe américain. En outre, celui-ci semble ne jamais avoir compris (ou même, tout simplement, tenter de comprendre) les goûts ainsi que les attentes de la clientèle française. Le trio des Chrysler 160, 180 et 2 Litres, commercialisé en 1970 et qui sera un échec commercial assez cuisant, en apportant sans doute la preuve. En dehors de ces dernières ainsi que de la 1100, les seules véritables nouveautés commercialisées par Simca sous l’ère Chrysler seront les Simca 1307 et 1308. (Lesquelles, si elles décrocheront le titre envié de « Voiture de l’Année » en 1976 et en dépit du succès qu’elles remporteront dès leur lancement, n’éviteront pas la revente de Simca à Peugeot).

Pour en revenir à la 1100, celle-ci connaîtra son point culminant en 1973 (avec près de 297 000 exemplaires sortis des chaînes d’assemblage de l’usine de Poissy cette année-là, contre « seulement » un peu plus de 138 000 lors de sa première année complète de production, en 1968). Laquelle déclinera aussi progressivement pour ne plus atteindre qu’un peu plus de 41 600 unités en 1980. Signe évident qu’il était temps pour la Simca/Talbot 1100 de passer définitivement la main à l’Horizon et de faire valoir ses droits à la retraite. Ce qui sera le cas au terme de l’année-modèle 1981, la 1100 quittant alors la scène quasiment sur la pointe des pieds.

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Tout du moins en ce qui concerne les modèles de « tourisme », les déclinaisons utilitaires, quant à elles, (les fourgonnettes VF 1 à pavillon « normal » ainsi que les versions VF 2 et VF 3 à pavillon surélevé ou pick-up bâché) poursuivant toutefois leur carrière durant plusieurs années encore. Les ultimes dérivés de la 1100 ne quitteront, en effet, la scène qu’en 1985 (à noter que ceux-ci seront vendus sur le marché britannique sous le nom de la marque américaine Dodge, l’une des divisions américaines du groupe Chrysler). Au total (s’agissant des versions de tourisme, berline 3 et 5 portes ainsi que les breaks 3 et 5 portes, toutes confondues), la Simca/Talbot 1100 aura été produite à peu plus de 576 000 exemplaires en quatorze ans de carrière.

Philippe ROCHE

Photos Wheelsage

En vidéo https://www.youtube.com/watch?v=ygB5KJtL2t8&ab_channel=PetitesObservationsAutomobiles

D’autres Simca https://www.retropassionautomobiles.fr/2021/02/simca-ariane/

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