ISOTTA-FRASCHINI TIPO 8 - La Rolls-Royce italienne.
ISOTTA-FRASCHINI TIPO 8 ROADSTER CASTAGNA

ISOTTA-FRASCHINI TIPO 8 – La Rolls-Royce italienne.

Lorsque la marque automobile italienne Isotta Fraschini présente son nouveau modèle, la Tipo 8 (prononcé « otto » dans la langue de Dante), celle-ci a déjà acquise une solide réputation, qui a d’ailleurs, depuis longtemps, dépassée les frontières de l’Italie.

La première automobile construite par l’entreprise fondée en 1902 par Cesare Isotta et les frères Fraschini, la Socièta Anonima Fabbrica di Automobili Isotta Fraschini (son nom officiel) se présentera sous la forme d’un modèle motorisé par un moteur quatre cylindres d’origine De Dion (L’un des pionniers de l’aventure automobile en France) développant 24 chevaux et une transmission d’origine Renault, qui sont montées sur des châssis faits maison. Lesquels reçoivent des carrosseries qui viennent également de France. Quand, en 1905, l’ingénieur Giustino Cattaneo (1881 – 1973) entre, comme directeur technique, au service de la marque, celle-ci prend rapidement une nouvelle ampleur. Sous son impulsion, les voitures de la marque abandonnent bientôt l’utilisation des moteurs ainsi que des autres pièces mécaniques et des carrosseries venant de l’étranger pour devenir bientôt des voitures de fabrication entièrement italienne. Contrairement à la plupart des constructeurs qui, en Italie comme ailleurs, estiment que le marché intérieur offre, sur le plan commercial et industriel, des perspectives de développement amplement suffisantes et qu’ils n’ont donc guère besoin de chercher à écouler une partie de leur production vers d’autres pays, Isotta Fraschini, elle, au contraire, prend très tôt conscience de l’intérêt de se développer sur les marchés extérieurs, notamment vers celui du pays qui est en passe de devenir la plus grande nation industrielle du monde, à savoir les Etats-Unis. Même si ses débuts outre-Atlantique, comme sur les marchés des autres pays européens, ne se fera pas toujours sans mal et qu’elle subira très tôt les aléas de l’économie moderne (Avec, notamment, pendant une courte période, une prise de contrôle de l’entreprise par le constructeur français Lorraine-Dietrich). Ces difficultés ne l’empêcheront toutefois pas de continuer à développer ses modèles, ceux-ci adoptant une grande partie des progrès techniques qui émaillent le développement, parfois fort rapide, de l’automobile. Parmi les modèles développés par Isotta Fraschini à cette époque, le plus puissant fut la Tipo KM, produite entre 1911 et 1914, dont le moteur atteignait l’imposante cylindrée de 10 618 cc !

Ainsi, après avoir abandonné la transmission par chaîne au profit de l’arbre de transmission, plus solide pour transmettre la puissance du moteur aux roues des voitures et aussi plus fiable, elle adopte également les freins sur les roues avant. Une innovation alors absente chez la grande majorité des autres constructeurs, car, à l’époque, seules les roues arrière étaient motrices et beaucoup d’entre-eux ne voyaient donc pas l’utilité d’installer des freins sur les roues à l’avant, qui servaient alors seulement à diriger la voiture. Bien que certains pensent alors que cela affectera la tenue de cap des autos, le système prouvera rapidement son utilité ainsi que sa fiabilité. Pourtant, il mettra encore un certain temps à se généraliser, même chez les autres constructeurs de voitures de luxe. (Rolls-Royce ne l’adoptera ainsi qu’une quinzaine d’année plus tard). A la même époque, la marque diversifie ses activités, en se lançant dans la construction de moteurs destinés à la marine et à l’aviation.

La Première Guerre Mondiale, qui éclate en 1914 servira à la marque, comme à beaucoup d’autres constructeurs, de « laboratoire » pour tester de nouvelles solutions techniques et lui permettra de développer cette nouvelle activité. Lorsque la guerre éclate, la firme avait également atteinte un haut niveau de développement, non seulement sur le plan technique mais aussi industriel, en participant activement à toutes les grandes compétitions automobiles, aussi bien en Italie qu’à l’étranger.

Une fois la paix revenue, la marque décide pourtant d’abandonner la compétition et de se concentrer sa production automobile sur les modèles de prestige. Si les années 1920 seront marqué par l’émergence, en Europe, des premiers vrais constructeurs de voitures populaires, produisant leurs modèles à la chaîne, en grande série, elles marqueront aussi l’apogée des constructeurs de voitures de luxe. Par ailleurs, sur le marché américain, qui reste, à l’étranger, sa cible principale, il n’y a guère que dans le secteur du haut de gamme que les constructeurs que les constructeurs européens peuvent réussir à se faire une place sur le marché américain.

Après le décès de Oreste Fraschini, ses frères quittèrent la société en cèdant leurs parts au conte Lodovico Mazzotti, qui était devenu, peu après la guerre, l’actionnaire principal de la marque et qui en devint alors le président.

C’est en décembre 1919 qu’est dévoilé, dans le show-room de la marque à Milan, le premier châssis de celle qui deviendra, dans l’histoire de la firme, son modèle phare, la Tipo 8. (En réalité, le modèle avait déjà été lancé en 1912, mais sa vraie carrière ne débuta réellement qu’après la Grande Guerre). Entre autres raffinements techniques, la voiture bénéficie de freins sur les quatre roues et est équipé d’un bloc-moteur et d’une culasse entièrement réalisées en alliage léger. Toutefois, des problèmes de fonderie l’obligeront à revenir à une solution plus classique avec l’emploi de la fonte d’acier pour les moteurs du modèle de série. La mise au point du moteur se révèle d’ailleurs plus longue et difficile que prévue. Ce qui fait que les premiers exemplaires de la Tipo 8 ne seront livrés qu’en avril 1921. De plus, dans sa première version en tout cas, le huit cylindres de l’Isotta Fraschini n’est pas vraiment un foudre de guerre, puisqu’il ne développe que 80 chevaux. Equipée de carrosseries légères, comme sur les torpédos et les cabriolets, la voiture peut néanmoins atteindre les 130 km/h. (Mais lorsque le châssis reçoit les lourdes carrosseries des limousines, elle ne peut guère prétendre à plus de 110 km/h).

Conscient que, sur le plan des performances et dans sa version originelle, le modèle avoue rapidement ses limites, Cattaneo met alors rapidement à l’étude une nouvelle version plus poussée de l’Isotta. Celle-ci est présentée en 1924, sous la dénomination Tipo 8A. Celle-ci a été modifiée au niveau du châssis comme au niveau du moteur. La mécanique passe ainsi d’une cylindrée de 5,9 à 7,3 litres et voit sa puissance passée à 110 chevaux. Cette trentaine de chevaux supplémentaires ne sont pas de trop et sont même fort bienvenus pour permettre de mouvoir dignement la voiture, surtout dans ses versions d’apparat dont le poids peut alors facilement approcher des trois tonnes. (Le châssis pèse déjà, à lui seul, près d’une tonne et demie et elle atteint déjà environ 2 300 kg lorsqu’elle est carrossée en simple cabriolet). Cattaneo et les ingénieurs du bureau d’études de la marque ne s’arrêtent pourtant pas là et la gamme va bientôt se diversifier, avec l’apparition de la Tipo 8A S (pour Spinto, sport en italien) et la 8A SS (pour Super sprinto, Super Sport), dont la motorisation développe, respectivement, 135 et 155 chevaux, grâce à une augmentation du rapport volumétrique ainsi qu’une distribution et une carburation améliorées. Ce qui permet à la Tipo 8, dans sa version la plus puissante, d’atteindre assez facilement les 160 km/h. Sur les versions sportives, l’usine proposera également un châssis à court, dont l’empattement a été réduit à une longueur de 3,42 m (3,71 m sur la version normale).

ISOTTA-FRASCHINI TIPO 8 - La Rolls-Royce italienne.
ISOTTA-FRASCHINI TIPO 8 1923

Malgré le potentiel intéressant des Tipo 8A S et SS, l’usine ne les engagera toutefois pas en compétition. En tout cas de manière officielle. Mais plusieurs pilotes privés remporteront à son volant plusieurs victoires marquantes, dont une sixième place à la première édition des Mille Miles en 1927, avec le comte Maggi, qui avaient pour mécaniciens les frères Bindo et Alfieri Maserati (qui créeront plus tard la marque portant leur nom), qui travaillaient alors à l’époque chez Isotta Fraschini. (Les premières Maserati de course utiliseront d’ailleurs de nombreux éléments mécaniques provenant de chez Isotta Fraschini).

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ISOTTA-FRASCHINI TIPO 8A MILLE MIGLIA 1927

La marque apporte régulièrement toute une série de modifications (plus ou moins profondes suivant les années et les versions) au modèle afin de lui permettre de rester dans la course, face à une concurrence aussi nombreuse que féroce. C’est dans cette optique qu’est présentée, à l’automne 1930, la nouvelle version de l’Isotta Fraschini, la Tipo 8B. Cette nouvelle version a bénéficié de nombreuses améliorations sur le plan technique, notamment le remplacement des amortisseurs à friction par des modèles hydrauliques et un radiateur de volets à commande thermostatique, ceci, afin de réguler la circulation de l’air et garantir une température de fonctionnement optimum et donc le meilleure refroidissement possible pour la mécanique. Une seule version est désormais disponible, qui reprend le moteur le plus puissant, celui de la Tipo 8A SS, qui, en remplacement de la boîte de vitesses classique, peut être accouplé, en option, à une transmission conçue par la firme britannique Wilson et qui se caractérise par son système de présélection des vitesses. Une option inscrite au catalogue suite à la recommandation d’Anthony Lago (qui reprendra plus tard la filiale française de la marque Talbot et créera les célèbres Talbot Lago) qui était à cette époque l’importateur de la marque en Grande-Bretagne.

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ISOTTA-FRASCHINI TIPO 8 1930

Parmi tous les carrossiers qui auront le privilège d’habiller les châssis de l’Isotta-Fraschini Tipo 8, en Italie comme à l’étranger, l’un des meilleurs et des plus célèbres est certainement la carrosserie Castagna. Lorsque l’entreprise, basée elle aussi à Milan (ce qui facilite, bien évidemment, les contacts et un partenariat), sort de ses ateliers ses premières réalisations sur les Tipo 8, elle a déjà une longue histoire derrière elle, puisqu’elle a été fondée en 1849 et donc commencée son activité sur les véhicules hippomobiles (puisque les premières automobiles ne feront leur apparition en Italie que près de cinquante ans plus tard). Comme elle le fera plus tard pour les voitures, l’entreprise fondée par Carlo Castagna, se spécialise, rapidement, dans les réalisations de grand luxe pour la clientèle aisée destinée à la haute société milanaise. S’intéressant très tôt à l’automobile, Castagna passe, dès 1898, une série d’accords avec plusieurs constructeurs dans le but de fournir à leurs clients des voitures prêtes à rouler. A cette époque, la plupart des marques, quel que soit le genre de voitures qu’elles construisent, ne fournissent en effet leurs modèles que sous forme de châssis, ou alors avec des carrosseries fort sommaires. Le client devant alors, après avoir pris livraison de son châssis, se charger de s’adresser au carrossier de son choix our la réalisation de la carrosserie. Ne tardant pas à se faire un nom au sein du marché automobile italien, le carrossier milanais s’attire aussi bien les faveurs des sportifs que des membres de la haute bourgeoisie ou de la noblesse. En 1914, au décès de son père, Ercole Castagna prend alors les rênes de l’entreprise. Après avoir participé à l’effort de guerre en construisant des cellules d’avions, la carrosserie va profiter, une fois la paix revenue, des nouvelles technologies développées pour l’aéronautique. L’entreprise va ainsi équipé une partie de ses réalisations de carrosseries souples utilisant le brevet Weymann. Plutôt que de s’investir dans des programmes de recherche et de développement souvent coûteux, Castagna préfère observer ce que font ses concurrents et se faire concéder des licences de brevets qu’elle utilisera ensuite pour ses propres réalisations. En plus du brevet Weymann, le carrossier va ainsi exploiter également le procédé de construction Baehr, d’origine française et, plus tard, la licence Clairaplax et les brevets du carrossier Hibbard & Darrin. A son âge d’or, dans les années 1920, les ateliers, située Via Montevido, s’étendent alors sur 20 000 mètres carrés, sur deux étages, et réalisent plus d’une centaine de voitures par an (Ce qui représente un beau score pour un carrossier qui fait toujours appel à des méthodes entièrement artisanales et illustre bien la notoriété acquise par celui-ci).

ISOTTA-FRASCHINI TIPO 8 - La Rolls-Royce italienne.
ISOTTA-FRASCHINI TIPO 8A 1928

Les premiers châssis de la marque Isotta-Fraschini arrive au sein des ateliers de Castagna en 1923, en plus de ceux des Fiat, Alfa Romeo, Bianchi et Lancia (Pour ne citer que les constructeurs italiens). La réputation du constructeur a alors largement franchie les frontières de la région de Milan et même de l’Italie, puisqu’en 1927, le carrossier exposera l’une de ses réalisations, un roadster Isotta-Fraschini doté d’accessoires fabriqués en argent, à l’hôtel Commodore de New York. D’autres voitures sorties de ses ateliers recevront également des selleries en fourrure ou en peau de reptiles ainsi que des appliques et des marqueteries serties de pierres dures. Preuve supplémentaire du succès acquis par Castagna, deux ans plus tard, au Salon automobile de New York, toutes les Isotta-Fraschini carrossées par Castagna seront vendues en une seule journée. Avec cette nouvelle et grande célébrité, l’entreprise verra aussi des châssis des prestigieuses marques américaines, comme Duesenberg, passés par ses ateliers. Autre réalisation marquante du carrossier, le coupé Lancia Dilambda exposé au Salon de Milan en 1932, dont l’habitacle bénéficie d’un cabaret à liqueurs et d’un nécessaire de toilettes réalisé par Jean Patou, le créateur de Joy, le parfum le plus cher au monde. A côté des modèles de prestige, Castagna travaillera cependant aussi sur des modèles de grande diffusion, comme les Fiat. En septembre 1932, un coupé 508 carrossé par Castagna participera ainsi au célèbre et prestigieux concours d’élégance de la Villa d’Este.

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ISOTTA-FRASCHINI TIPO 8 ROADSTER CASTAGNA

Malheureusement pour Castagna, tout comme pour les constructeurs de voitures de prestige, la grande dépression va aussi (logiquement) affecté les carrossiers spécialisés dans les réalisations de haut de gamme. Même si Castagna continuera à faire honneur à sa réputation et à réaliser des créations marquantes sur les Lancia et les Alfa Romeo, ainsi sur des châssis de marques étrangères comme Mercedes (dont une commandée, en 1937, par le Vatican à l’attention du Pape Pie XI) et, autre commande prestigieuse, une Fiat 2800 pour le roi Victor-Emmanuel III. Durant la Seconde Guerre Mondiale, Castagna se reconvertira dans la fabrication d’ambulances et d’équipements militaires. Une fois celle-ci achevée, l’entreprise reprendra la construction de ses carrosseries sur les voitures de luxe, en exploitant également de nouveaux brevets, comme celui Vutotal conçu par le carrossier français Labourdette, même si celui-ci lui occasionnera quelques déconvenues. Contrairement à la plupart des autres carrossiers italiens, Castagna refusera toutefois de se diversifier dans la production, en petites séries, de versions « ludiques » dérivées des modèles populaires ou dans la fabrication d’utilitaires, et continuera à se cantonner dans les réalisations sur des modèles de prestige entièrement faites à la main. C’est sans doute ce qui causera sa perte, l’entreprise devant fermer ses portes en 1954… Avant que l’entreprise ne finisse par réouvrir ses portes, plus de quarante ans plus tard, en 1995 !

Bien qu’elle se signalise, tout comme pour sa devancière, par le haut degré d’excellence de sa construction, le gros point noir de cette voiture reste toutefois son prix : 10 000 $ en châssis nu. Ce qui la place parmi les modèles les plu chers du marché automobile. Et la comparaison avec la plupart des voitures américaines de prestige n’est guère en faveur de l’italienne : Une Cadillac 12 cylindres équipée d’une carrosserie usine coûte, en effet, moins de 6 000 $ ! En plus du coût pour l’acquisition du châssis, déjà exorbitant, il fallait évidemment ajouté à cela celui pour la réalisation de la carrosserie choisie par le client pour le faire habiller et il n’était pas rare que, lorsqu’elle était réalisée par les carrossiers les plus réputés de l’époque, en Italie où à l’étranger, comme Castagna à Milan ainsi que Le Baron ou Fleetwood aux Etats-Unis, le prix total de la voiture, entièrement terminée et prête à rouler, atteigne les 20 000 dollars.

ISOTTA-FRASCHINI TIPO 8 - La Rolls-Royce italienne.
chassis no. 1664.engine no. 1664

C’est d’ailleurs certainement ce tarif, d’un niveau exceptionnel, qui représentait indéniablement un gage d’exclusivité, qui a convaincu de nombreuses personnalités, parmi les plus riches de l’époque, à passer commande d’une Isotta Fraschini. Parmi ces dernières, en Italie, il y eut le roi Victor-Emmanuel III ainsi que le souverain pontife de l’époque, le pape Pie XI, et, à l’étranger, le roi Faycal d’Egypte, la reine de Roumanie, l’Aga Khan, le prince Louis II de Monaco ainsi que plusieurs maharadjas indiens. Parmi les célébrités américaines qui roulèrent en Isotta Fraschini, on compta aussi l’actrice Clara Bow, le champion de boxe Jack Dempsey et le magnat de la presse William Randolph Hearst. Mais le plus célèbre d’entre-eux fut certainement l’acteur Rudolph Valentino, qui en posséda (paraît-il) pas moins de quatre. Il n’eut malheureusement jamais l’occasion de pouvoir conduire la dernière d’entre-elles, réalisée par le carrossier Le Baron. Client aux goûts très raffinés mais exigeant, l’acteur fera, à plusieurs reprises, au cours de sa fabrication, modifier son cabriolet Tipo 8A S, qui, à cause de cela, ne sera finalement terminé que deux mois après sa mort ! Celui-ci sera alors exposé à la contemplation de ses nombreuses admiratrices, restées inconsolables à l’annonce de son décès. Un rôle en or, digne d’une histoire de cinéma, que celle d’une voiture d’exception acquise par un client immensément célèbre qui décéda avant même d’avoir pu la conduire !

Comme pour beaucoup d’autres constructeurs de voitures de luxe, américains ou étrangers, la crise économique déclenchée par l’effondrement de la bourse de Wall Street à New York, en octobre 1929, va porter un coup très rude (pour ne pas dire fatal) à beaucoup d’entre-eux. Pour Isotta Fraschini, ceci est d’autant plus catastrophique que la marque écoulait jusqu’alors aux Etats-Unis plus du tiers de sa production et que ce qui représentait jusque-là son principal marché d’exportation va alors se réduire comme peau de chagrin. Du fait de ses méthodes de fabrication presque entièrement artisanales et (conséquence de celles-ci) des prix astronomiques auxquels étaient vendus ses châssis, on ne s’étonnera pas que la production automobile du constructeur milanais n’ait guère dépassée, dans les meilleurs années, qu’une centaine d’exemplaires par an et que, avec la crise qui ravage l’Amérique et qui va bientôt s’étendre à l’Europe, celle-ci va, bien évidemment, fondre comme neige au soleil. La firme fut même contrainte de réduire son capital à 9 millions de lires seulement, alors qu’il était de 60 millions en 1924.

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ISOTTA-FRASCHINI TIPO 8 LANDAULET CASTAGNA

Pour sauver la marque, Giustino Cattaneo, qui, entre-temps, en est devenu le directeur général, songe à un partenariat avec le géant de l’automobile américain Ford (Les dirigeants de la firme, après avoir effectué plusieurs voyages aux Etats-Unis, avaient donné leur accord pour céder une partie du capital au constructeur américain, qui voulait alors disposer d’une filiale en Italie). Mais ce projet va se retrouver briser dans l’oeuf par Benito Mussolini, qui, depuis 1922, règne en maître sur l’Italie. Le « Duce » ne cache pas, depuis longtemps déjà, son ambition d’édifier, dans un futur proche, une Europe dominée par l’ordre fasciste. Ce dernier oppose son veto à tout projet de coopération avec les Américains. Ce qui mit aussi fin au projet de Henry Ford de pouvoir y construire ses propres modèles, alors qu’il avait fait l’acquisition d’un terrain de cinq hectares à Livourne pour y édifier sa future usine, mais, là aussi, les autorités italiennes y mirent leur veto. Ford devant alors se rabattre sur un projet moins ambitieux qui était de faire construire ses voitures au sein des usines d’Isotta, qui seraient alors agrandies pour y accueillir cette nouvelle activité. En 1930, l’accord semblait sur le point d’aboutir, mais plusieurs grands industriels italiens, parmi lesquels Giovanni Agnelli, le fondateur de la marque Fiat, firent pression sur le gouvernement pour empêcher Ford, qui n’aurait sans doute pas manquer de devenir un concurrent gênant, de s’implanter en Italie. Agnelli jugeant en effet inadmissible qu’alors que, victime comme beaucoup de la crise, ses usines tournaient au ralenti, on puisse permettre à un constructeur Américain de s’installer sur le territoire italien, ce qui, à ses yeux, feraient encore diminuer le chiffre d’affaires et les parts de marché des constructeurs nationaux. Peu de temps après, une nouvelle loi fut promulguée stipulant que toute création d’une nouvelle usine ou l’agrandissement d’une usine existante ne pouvait se faire sans avoir reçu l’autorisation du Ministère de la guerre. Henry Ford n’obtint jamais les autorisation nécessaires et renonça alors à ses projets sans insister.

Un refus du pouvoir fasciste qui avaient aussi des raisons liées aux ambitions guerrières et territoriales du régime. Isotta Fraschini est alors l’un des principaux fournisseurs de l’Armée italienne en ce qui concerne les moteurs utilisées par l’aviation et la marine. C’est pourquoi, il veut évidemment éviter à tout prix que celui-ci ne passe entre les mains d’un groupe industriel appartenant à une nation dont il pressent sans doute que, en cas d’un nouveau conflit européen, elle pourrait alors devenir un ennemi. Une décision qui eut toutefois pour conséquence de faire perdre à Isotta Fraschini une occasion unique d’assurer ainsi son développement industriel, notamment celui de sa production d’automobiles. Bien qu’étant lui-même un grand amateur de belles voitures (Il est l’un des plus fidèles clients d’Alfa Romeo et posséda également trois Isotta Fraschini), le Duce « prie » alors instamment la firme de se concentrer sur ses productions à caractère militaire. Cattaneo n’apprécie guère de se voir ainsi forcer la main et ne se prive pas de le faire savoir et, dès le départ, ne s’entend guère avec le nouvel état-major mise en place à l’instigation du régime. A la fin de l’année 1933, l’ingénieur est poussé vers la porte de sortie. Six mois plus tard, à l’été 1934, la dernière Isotta Fraschini Tipo 8 B quitte l’usine de Milan. A peine une trentaine d’exemplaires en ont été construits depuis 1931. (Contre environ 950 exemplaires pour la Tipo 8 AS construits entre 1925 et 1931). Cattaneo travaillera alors, pendant une courte période, pour Alfa Romeo, au département aéronautique et fondera ensuite avec son fils (qui, auparavant, travaillait lui aussi chez Isotta-Fraschini) en 1936, a propre entreprise, la CABI (Cattaneo Applicazzioni Brevetti Italiani), qu’il dirigera jusqu’en 1962. A sa mort, en 1973, il aura créé 36 modèles de voitures, 19 modèles de véhicules utilitaires et militaires, ainsi que 15 types de moteurs marins et 18 moteurs d’avions. Un très beau palmarès !

En 1935, Mussolini rattache Isotta Fraschini au groupe industriel Caprioni, spécialisé dans la production d’armements. Les bâtiments au sein desquels était auparavant réalisés les prestigieux et imposants châssis portant le sigle IF servent désormais à la production à la chaîne des camions MAN assemblés sous licence. La construction des moteurs d’avions et de bateaux, qui est devenue l’autre spécialité de la marque, tourne, elle, à plein régime afin de satisfaire la demande de l’Armée, l’Italie, tout comme son alliée, l’Allemagne nazie, se préparant alors à entrer dans un nouveau conflit mondial, au terme duquel, selon les ambitions et les certitudes du Duce, l’Italie retrouvera sa grandeur territoriale telle qu’elle la connaissait du temps de l’Empire romain !

Malgré cet arrêt forcé de la production de leurs luxueuses automobiles, à l’adresse historique de la marque, Via Monterosa, à Milan, les membres du bureau d’études de la marque ne se découragent pas pour autant et sont persuadés de pouvoir un jour rétablir la prestigieuse lignée inaugurée au début des années vingt par la Tipo 8 et de parvenir à reconquérir la place que détenait autrefois Isotta Fraschini dans le peloton de tête des constructeurs de voitures de haut de gamme européen. A la tête de ce groupe d’ingénieurs figurent Giuseppe Morosi, qui supervise la production des utilitaires, et Luigi Fabio Rapi, un jeune et talentueux ingénieur. Les deux hommes mettent alors en chantier l’étude d’une berline à moteur six cylindres (Un choix dicté par la volonté d’élargir la clientèle de la marque et de se placer dans une gamme de prix moins déraisonnable que la Tipo 8). Ce projet se verra toutefois stoppé, de manière abrupte, par la nouvelle direction de la marque (et donc par le pouvoir fasciste), l’automobile ne figurant plus parmi parmi les activités attribuées à Isotta Fraschini.

L’ingénieur Rapi n’est cependant pas du genre à renoncer facilement et décide de poursuivre ses travaux, mais cette fois dans la clandestinité. Il décide toutefois de repartir à zéro et de lancer l’étude d’un nouveau projet pour une voiture de prestige, rompant radicalement avec le passé. En collaboration avec Aurelio Lampredi (Un ingénieur qui travaillera plus tard chez Fiat et Ferrari), Rapi décide de doter la future Isotta Fraschini de solutions techniques pour le moins non conventionnelles. L’entrée en guerre de l’Italie, en juin 1940, va toutefois venir mettre un frein à ces études. Celles-ci se poursuivent toutefois, dans le plus grand secret. Rapi espérant que le développement du projet sera arrivé à son terme au moment où la guerre sera terminée. Profitant de l’expérience acquise par la marque avec la construction des moteurs d’avion et leur haut niveau d’exigence technique, l’ingénieur va progressivement s’affranchir des conventions dans le domaine automobile. Si les premiers dessins établis en 1938 montraient encore une approche assez traditionnelle de l’automobile, assez proche des dernières Tipo 8 B de 1934, le voyage que Rapi va effectuer en Tchécoslovaquie (annexée par l’Allemagne nazie en 1939 et devenue alors le Protectorat de Bohême-Moravie) durant la guerre va avoir une influence déterminante sur ses travaux. Là-bas, il est impressionné par l’audace des Tatra. Selon, ces grosses limousines aérodynamiques équipées d’un V8 refroidi par air placé à l’arrière montrent la voie à suivre.

ISOTTA-FRASCHINI TIPO 8 - La Rolls-Royce italienne.
ISOTTA-FRASCHINI TIPO 8

Les premières esquisses de la future Tipo 8 C, dessinées en 1943, illustrent bien la nouvelle orientation qu’entend prendre Rapi avec ce nouveau modèle. Pour celui-ci, il choisit une structure originale, composée d’une armature soudée au châssis sur laquelle seront posés les éléments de la carrosserie. Preuve du perfectionnisme de l’ingénieur Rapi et du haut degré d’excellence qui l’entend atteindre avec cette nouvelle Isotta, la structure de la voiture subira de sévères testes de résistance dans l’usine d’aviation du groupe Caproni. Les aléas de la guerre viendront toutefois, à plusieurs reprises, menacés le travail de Rapi. En juillet 1943, quelques jours avant le débarquement des Alliés en Sicile, qui marquera le début de la fin du régime fasciste en Italie, les hommes de main de Mussolini débarquent dans le bureau de Rapi, à la recherche de saboteurs. Ils tombent sur les plans du projet pour la future Isotta mais ne peuvent y reconnaître une voiture et croient les déclarations de l’ingénieur, qui affirme qu’il s’agit d’un projet pour un bateau de guerre rapide.

A cette époque, le projet de la Tipo 8 C est déjà bien avancé. Aurelio Lampredi, de son côté, a développé un V8 équipé de culasses hémisphériques, refroidi par eau, avec un arbre à cames par banc de cylindres. Différentes cylindrés sont envisagées, de 2,5 l à 3 litres. (Une version 3,4 litres sera également étudiée mais finalement écartée)). Le bloc-moteur, la boîte de vitesses et le différentiel sont contenus par un carter commun en alliage léger.

Comme tous les autres pays d’Europe qui ont été touchés par la guerre, tout manque en Italie au lendemain du conflit. Malgré la difficulté de trouver les matériaux nécessaires à la construction du prototype, celui-ci sort bientôt des ateliers du carrossier Zagato. En plus de son implantation mécanique, en porte-à-faux à l’arrière, ce premier prototype de la Tipo 8 C ne peut renier, par ses lignes, une évidente filiation avec les Tatra tchécoslovaques. Autre singularité technique, le refroidissement de la mécanique est assuré par deux radiateurs sur les côtés du moteur. Le second prototype, lui aussi réalisé par Zagato, sera, sur ce point, plus « classique » avec un unique radiateur placé à l’avant. Bien que fort coûteux, ce système apparaît comme la seule solution pour éviter les problèmes de surchauffe. Ce second prototype sera présenté à la presse internationale à l’occasion du départ de la course des Mille Miglia en 1947. On ne sait exactement s’il y a eu deux prototypes construits sur deux châssis différents ou si Rapi et le carrossier Zagato se sont, tout simplement, contentés de modifier le premier prototype. (La seconde hypothèse semble toutefois la plus probable).

Le lancement officiel de la nouvelle Isotta Fraschini Tipo 8 C Monterosa a lieu au Salon de l’automobile de Paris en octobre 1947. La voiture qui est présentée sur le stand de la marque se présente sous la forme du coach moins aérodynamique et aux lignes plus classiques signé Touring (équipé toutefois d’un toit vitré en plexiglas que l’on peut occulter grâce à un panneau métallique qui s’escamote dans le toit), qui ne sont pas sans rappeler celles des nouveaux modèles de la production américaine comme les Kaiser-Frazer et les Studebaker. Parmi les autres singularités, sur le plan technique, on découvre une suspension par blocs de caoutchouc et une transmission semi-automatique équipée d’un overdrive. La puissance annoncée oscille entre 115 et 125 chevaux et la vitesse de pointe dépasse les 160 km/h, ce qui est alors un bel exploit pour une voiture de cette taille.

ISOTTA-FRASCHINI TIPO 8 - La Rolls-Royce italienne.
ISOTTA-FRASCHINI TIPO 8C MONTEROSA

En plus du coach, le carrossier Touring créera également une limousine, aux lignes fortement inspirées de celle du coach, sans doute pour mieux convaincre ceux qui constituaient auparavant la clientèle traditionnelle de la marque et pour mieux affirmer la filiation avec les anciennes Tipo 8 A et B (qui étaient le plus souvent carrossées en limousines traditionnelles). Autre clin d’oeil aux anciennes carrosseries traditionnelles des voitures de prestige d’avant-guerre, un imposant cabriolet à quatre portes réalisé par Boneschi.

Nourrissant de grandes ambitions pour la nouvelle Isotta Fraschini, Rapi envisage même de partir la présenter aux Etats-Unis. (L’ingénieur n’ayant sans doute pas oublié que la marque était autrefois fort connue et apprécie sur le marché américain). Comme beaucoup d’autres constructeurs européens de voitures de luxe, il a rapidement compris que l’Amérique constituait un marché un marché non négligeable et même vital pour assurer l’avenir de la marque.

ISOTTA-FRASCHINI TIPO 8 - La Rolls-Royce italienne.
ISOTTA-FRASCHINI TIPO 8C MONTEROSA

Malheureusement pour Rapi, l’obsession de la perfection et du luxe va souvent de pair avec un manque de conscience des réalités. Le coach Touring présenté au Salon de Paris est affiché à un prix exorbitant et le public, comme les membres de la presse automobile, n’ont guère de mal à deviner que ceux des nombreuses autres versions déjà présentées (comme la limousine également due à Touring ou la berline décapotable créée par Boneschi) seront du même niveau. Pour Isotta-Fraschini, on peut dire que l’histoire se répète, à l’exemple de ce qui s’était passé au début des années avec la dernière Isotta, la Tipo 8 B, lancée sur un marché européen alors en plein tempête suite à la crise économique de 1929. Tout comme sa devancière, la nouvelle Tipo 8 C que Rapi et ses collègues s’apprêtent à lancer débarque dans une Europe à peine sortie de la guerre, en grande partie en ruines, tant sur le plan économique qu’industriel et où l’on manque de tout.

Malgré toutes ses qualités, pourtant indéniables et soulignées dans la presse automobile, les perspectives commerciales, surtout sur le marché européen, apparaissent plus qu’incertaines. Et l’argent vient déjà à manquer pour développer le projet et lui offrir un réel avenir commercial. Rapi et le reste des hommes qui en sont à l’origine et l’ont porté à bout de bras n’ont d’ailleurs même plus les moyens de s’offrir, à eux ainsi qu’aux voitures, un billet sur un bateau vers les Etats-Unis pour qu’elles aient une chance d’y être présentées aux Salons automobiles à New York ou à Detroit.

Bien qu’elle soit redevenue indépendante après la guerre, Isotta-Fraschini s’allie à son ancien « tuteur », le groupe Caproni, au sein du CEMSA Caproni Holding. Le but de ce rapprochement d’offrir à la marque de nouveaux moyens financiers pour lui permettre de mener à bien le projet de la Tipo 8 C et de lui offrir une chance de voir sa carrière commerciale réellement. La nouvelle direction de la firme demande alors à l’ingénieur Alessandro Baj de faire le point sur le projet Monterosa et d’en évaluer les opportunités à l’exportation. Dans cette optique, plusieurs idées sont alors envisagées, comme d’équiper la 8 C d’un moteur douze cylindres et d’une boîte de vitesses automatique.

Mais, à l’époque, de nombreux conflits d’opinion sur ce que doit être le futur industriel de l’Italie paralysent l’activité. Le Parti communiste (qui tient alors le haut du pavé sur la scène politique italienne et qui sera d’ailleurs le plus puissant au sein des pays d’Europe occidentale) ainsi que les syndicats (qui subissent alors, souvent de manière très forte, son influence) s’opposent à tout programme de production d’une voiture de luxe (Le groupe CEMSA-Caproni étant une entreprise d’Etat). De plus, le gouvernement italien refuse d’accorder toute aide financière au projet, ayant déjà dépensé beaucoup d’argent pour un autre projet d’automobile conçu par le groupe CEMSA, la Caproni F11, une traction avant moderne à moteur flat-four (qui n’est pas sans évoquer, sur bien des points, l’Hotchkiss Grégoire ou les Citroën Traction et DS).

Si cette dernière ainsi que l’Isotta-Fraschini Monterosa sont exposées côte à côte au Salon de Paris en octobre 1949, il semble bien qu’à ce moment-là leur sort, à toutes deux, soient déjà scellé. Isotta-Fraschini est mis en liquidation (La division spécialisé dans les moteurs d’avions fut alors revendue au constructeur Breda et rebaptisée « Fabbrica Automobili Isoota Fraschini e Motori Breda S.p.A., puis, en 1980, Isoota Fraschini Motori, dont le siège se trouve aujourd’hui à Bari) et le projet Caproni F11 est lui aussi abandonné. En ces temps de disette et de reconstruction, les pouvoirs publics de la toute jeune République italienne estimant, en effet, que la production de ce genre de voitures, surtout au vu de l’état du marché automobile italien, apparaît tout sauf prioritaire.

Aujourd’hui encore, il est difficile de dire avec certitude combien de châssis de la Tipo 8 C Monterosa furent construits. Surtout que, comme on l’a vu, certains châssis reçurent successivement plusieurs carrosseries. Parmi celles-ci, il y en eut, au total, entre cinq et six. De tous les prototypes de la 8 C, il n’existe plus, aujourd’hui, que deux survivantes (Le coach créé par Touring et la berline décapotable carrossée par Boneschi).

ISOTTA-FRASCHINI TIPO 8 - La Rolls-Royce italienne.
ISOTTA-FRASCHINI TIPO 8C MONTEROSA

Entamée en 1938, l’activité de construction des poids lourds se poursuivra jusqu’en 1955, la firme commençant progressivement à développer ses propres modèles, dont le plus connu, l’IF D80, sera assemblé au Brésil par le constructeur local F.NM., auquel Isotta Fraschini a d’ailleurs fourni l’outillage de l’usine.

Bien plus tard, dans les années 1990, eut lieu une dernière tentative de résurrection d’Isotta-Fraschini. Suite, sans doute, à la résurrection de la marque Bugatti par des industriels italiens (avec la supercar EB110), beaucoup caressèrent alors l’envie de remettre sur le marché des marques de prestige d’autrefois. Parmi eux, un industriel italien du nom Giuliano Malvino, rachète, en 1993, l’utilisation du nom d’Isotta-Fraschini et annonce, par l’entremise de son entreprise, Fissore, la renaissance de la marque. Ne voulant pas se compliquer la tâche et préférant choisir la solution de la facilité et de l’économie de moyens (Sans doute afin de pouvoir lancer rapidement la voiture sur le marché), Malvino parvient à convaincre l’état-major du constructeur allemand Audi de lui fournir des composants techniques issus de l’A8 afin de réaliser un prototype.

Celui-ci est dévoilé au public au Salon de Genève en mars 1996, sous la forme d’un cabriolet équipé d’un hard-top, recevant l’appellation Isotta-Fraschini T8. Nourrissant de grande ambition pour cette nouvelle Isotta et persuadé qu’elle n’aura guère de mal à séduire la clientèle aisée, Malvino envisage d’en produire pas moins de 5 000 exemplaires en trois ans, la plupart d’entre-eux étant destiné au marché américain. Mais, malgré une idée de départ et une voiture qui, au premier coup d’oeil et sur le papier, apparaît assez intéressante, cette « Isotta-Fraschini de l’ère moderne » révèle une finition bâclée, guère digne de ses devancières d’autrefois, qui pouvaient prétendre à être l’égal des Rolls-Royce, et elle ne recueille que des sourires navrés de la part des spécialistes de la presse automobile. Un an plus tard, Isotta-Fraschini disparaît de nouveau, pour la troisième fois de son histoire, apportant ainsi la preuve que, à lui seul, un nom chargé d’histoire ne suffit pas pour se faire une place sur le marché automobile.

Outre des moyens (souvent conséquents), il faut aussi que le modèle proposé soit digne du nom célèbre qu’il entend porter et aussi (Un « détail » qui n’est pas négligeable) qu’il ait une résonance claire non seulement au sein des amateurs d’automobiles mais aussi dans l’esprit du grand public ; Ceci explique (En tout cas en grande partie) la raison pour laquelle la tentative de résurrection de la marque Maybach, orchestrée par Mercedes-Benz, n’a été qu’un feu de paille : Bien que fort convaincant, que ce soit du point de vue technique ou sur celui de la qualité d’assemblage (qui n’avait rien à envier à ces rivales britanniques), ses lignes paraissaient trop proches de celles des modèles de la marque à l’étoile et elle n’apparaissait donc, aux yeux du public, que comme une « super-Mercedes », simplement plus cher et plus luxueuse. De plus, dans l’esprit de l’homme de la rue, le nom de Maybach n’évoquait quasiment plus rien (Sauf certains amateurs d’histoire qui se rappelaient peut être que le Graf Zeppelin, le célèbre dirigeable qui, en 1929, avait effectué le tour du monde, était équipé de moteurs construits par Maybach). Si, un jour, une nouvelle tentative de résurrection d’Isotta-Fraschini a lieu, il est à espérer que le modèle se montrera, cette fois, plus convaincant que celle présentée dans les années 90… « Wait and see ! » (Attendre et voir!) comme disent les Anglais !

Maxime DUBREUIL

Photos Wheelsage et Wkikimedia

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En vidéo https://www.youtube.com/watch?v=obBLWcZiSZA&ab_channel=FantasyJunction

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