AMC JAVELIN AMX - La Corvette en ligne de mire.
AMC JAVELIN AMX _GO PACKAGE_ 1971

AMC JAVELIN AMX – La Corvette en ligne de mire.

Le groupe AMC (American Motors Corporation) trouve ses origines dans la fusion, en 1954, de deux des derniers constructeurs américains indépendants, Nash et Hudson. C’est au cours des années 1950 que se dessine le paysage de l’industrie automobile américaine tel qu’on le connaît encore aujourd’hui, avec la montée en puissance des trois grands groupes que sont General Motors, Ford et Chrysler et, en parallèle, le déclin et la disparition progressive des derniers constructeurs indépendants. Après la seconde guerre mondiale, faute d’avoir compris à temps que les temps ainsi que le fonctionnement de l’industrie et la demande du public avaient changé, parmi ces derniers, nombreux seront ceux qui seront contraints, purement et simplement, de mettre la clé sous la porte.

Les nouveaux venus ne connaîtront guère une destinée plus glorieuse, ne connaissant qu’une existence éphémère, le plus ambitieux d’entre eux, Henry Kaiser, devant se résigner à quitter le marché en 1955, moins de dix ans après y avoir fait son entrée (tout au moins s’agissant des voitures de tourisme, le groupe connaîtra un succès bien plus probant sur le marché des tout-terrains, en rachetant, l’année précédente, la firme Willys qui avait produite la célèbre Jeep utilisée par les GI’s lors de la guerre).

En ce début des années 50, parmi ces marques indépendantes qui voit le ciel s’assombrirent au-dessus d’elles, deux d’entre-elles, comprenant qu’il n’y plus d’issue pour leur avenir que dans une alliance afin de constituer un quatrième et nouveau groupe automobile, décident d’unir alors leur destin. Les deux firmes en question ayant pour noms Nash et Hudson. La première s’étant, depuis sa création, fait une spécialité des voitures populaires (concurrençant donc les Chevrolet et les Plymouth) ; la seconde, de son côté, officiant plutôt dans le segment des modèles de catégorie « intermédiaire » (où l’on trouvait également les Oldsmobile et Pontiac chez General Motors, Mercury pour Ford ainsi que les Chrysler d’entrée de gamme). Hudson finira par disparaître trois ans plus tard, en 1957, tout comme Nash (même si celle-ci subsistera encore quelques années sur certains modèles et certains marchés) pour laisser bientôt place à la « nouvelle » marque Rambler (qui était en réalité un constructeur né au début du XXème siècle), laquelle cédera à son tour sa place, en 1966, au nom d’AMC, en référence aux initiales du groupe (le nom de Rambler étant, simplement, à présent, celui d’un modèle de milieu de gamme, dont la production se poursuivra jusqu’en 1970).

Le groupe American Motors se signalera par la production de quelques modèles originaux comme la Gremlin (qui contribuera à créer une nouvelle catégorie, celle des subcompacts avec pour objectif de contrer « l’invasion » des voitures japonaises et européennes, qui connaissaient alors un succès grandissant auprès des classes populaires) ainsi que la Pacer (qui connaîtra la célébrité en devenant, au cinéma, la voiture de Coluche dans L’Aile Ou La Cuisse ou, bien plus tard, de Guillaume Canet dans Narco). S’il est aussi fort actif sur le marché des 4×4 (ayant racheté la marque Jeep en 1970), concernant sa gamme de voitures de tourisme dans son ensemble, il convient toutefois de reconnaître que celle-ci n’a de vraiment atypique ou révolutionnaire, étant directement calquée sur celle de ses trois grands rivaux. Un choix opéré, avant tout, par pragmatisme : si la Gremlin et la Pacer connaîtront un certain succès (tout au moins au début de leur carrière, l’originalité de leurs lignes consistuant, il est vrai, l’un de leurs seuls vrais arguments de vente et leur concept finissant, aussi, par avouer ses limites), en tout état de cause, elles ne peuvent suffire, à elles seules, à assurer la pérennité financière du groupe.

AMC PACER

Outre la Hornet pour la catégorie des modèles compacts, la Matador (remplaçante de la Rambler) pour les voitures dite « medium-size » et de l’Ambassador sur celle des « full-size », dans la seconde moitié des années soixante, AMC allait aussi s’attaquer à un nouveau marché, né à peine quelques années plus tôt et qui était, très rapidement, devenu l’un des plus importants de l’industrie automobile américaine : celui des pony cars. Apparu avec le lancement de la célèbre Mustang de Ford en 1964, le succès, aussi important qu’immédiat qu’a remporté cette dernière a, bien évidemment, poussé tous ses concurrents à se lancer eux aussi dans la bataille en dégainant leurs propres armes.

Même si cette réponse un peu plus tardive de la part de ces derniers aura souvent pour conséquence (en tout cas au départ) que leurs propres pony cars se situeront derrière la Mustang (même si ce sera parfois de très près) sur le plan des chiffres de vente. Sans compter que les armes utilisées par certains des rivaux de Ford ne seront pas toujours à la hauteur pour leur permettre de lutter à armes égales avec le groupe de Dearborn. Ce sera ainsi le cas de Chrysler avec la Plymouth Barracuda, dont la première génération s’avérera un peu trop fade et trop placide, en termes de lignes comme de performances ; ainsi que de General Motors, qui était convaincue que la seconde génération de la Corvair (seule voiture américaine de grande série des années 60 à reçevoir un moteur arrière), qui avait été « virilisée » grâce un lifting (très réussie) en 1965 réussirait, sans trop de mal, à lui tenir tête. C’était toutefois sans compter sur le célèbre ouvrage de Ralph Nader (« Dangereuse à toutes les vitesses ») qui la clouera au piloris et l’obligera finalement à quitter la scène, sans tambours ni trompettes, quelques années plus tard.

Du côté d’American Motors, évidemment, les membres de l’état-major du groupe comprennent rapidement qu’il y a là un bon coup à faire. Ce qui, en plus d’augmenter leurs chiffres de vente (ainsi, logiquement, que leurs chiffres d’affaires) de disposer d’un modèle qui ait une carrure (et un « charisme ») suffisamment grand pour endosser le rôle de « porte-drapeau » de la gamme. (En ce milieu des années 1960, ce n’est, en effet, pas vraiment la berline Ambassador, laquelle n’est encore, à l’époque, simplement, qu’une version plus luxueuse de la Rambler, qui pourrait l’endosser, celle-ci ne se situant guère qu’au même niveau, concernant la puissance de sa mécanique et son prix de vente, qu’une Buick d’entrée de gamme*).

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AMC AMX concept car 1966

Le nouveau porte-drapeau en question aura pour nom la Javelin, présentée en 1967. Si celle-ci n’est, dans l’ensemble, ne présente pas un rapport prix/performances fortement meilleur que ses concurrentes, elle se situe, en tout cas, dans la bonne moyenne et va permettre au pony-car d’AMC de connaître un succès assez probant. Toutefois, se tenant toujours à l’affut des nouvelles modes (surtout si celles-ci peuvent, éventuellement, leur permettre de couper l’herbe sous le pied de ses trois grands rivaux, ou, en tout cas, leur permettre de ravir une plus grosse part du gâteau du marché automobile sur le continent nord-américain), le groupe American Motors n’entend pas s’en tenir là. Car, quelques années seulement après l’apparition des pony cars, un autre phénomène va émerger et prendre une ampleur encore plus rapide : celui des muscle cars.

Bien que la Javelin puisse se targuer d’une ligne assez agressive et de motorisations dont les puissances n’ont rien de ridicule, la direction comme le bureau d’études d’AMC sont bientôt convaincus que, pour soutenir la comparaison et se distinguer sur un marché où, non seulement, les rivales se multiplient et montrent des dents de plus en plus longues, il leur faut un nouveau cheval de bataille. C’est-à-dire un modèle plus exclusif et radical encore que la Javelin, affichant des performances supérieures à celle-ci, ou, tout au moins, qui puisse afficher, de façon très clair, sa vocation à rivaliser avec les meilleures sportives européennes ainsi que les muscle cars américains les plus emblématiques. Ce qu’ambitionne de créer l’état-major ainsi que le bureau d’études du groupe American Motors, c’est donc bien une sorte de « Super Javelin », adopte à séduire les plus exigeants des amateurs de haute performances.

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AMC JAVELIN AMX 1968

C’est ainsi que se présente celle qui sera baptisé d’un nom constitué, en toute « simplicité », de trois lettres et dont la dénomination, tout en renvoyant, pour les deux premières d’entre-elles, aux initiales du constructeur, évoque aussi (surtout concernant la troisième et dernière lettre de sa dénomination) une sorte de projet top secret d’arme militaire. En tout cas, cette dénomination n’a sans doute pas été choisie au hasard et a, clairement, été choisie pour mieux souligner le caractère exclusif de cette nouvelle sportive. La dénomination en question ? « AMX » (pour American Motors eXperimental). Bien qu’elle sera parfois baptisée Javelin AMX dans certains catalogues de la marque ou sur certains marchés, c’est bien sous ce seul nom à trois lettres qu’elle est officiellement dévoilée au public en février 1968.

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AMC JAVELIN AMX 1970

Si elle emprunte d’ailleurs le châssis de la Javelin, ce qui se remarque immédiatement, surtout lorsque l’on observe la voiture de profil, est que celui-ci a été raccourci de manière significative. Conséquence de ce raccourcissement substantiel, l’habitacle s’avère beaucoup plus étriqué, ce qui n’empêche pas un grand nombre d’observateurs (tant parmi les acheteurs potentiels que les journalistes de la presse automobile) de s’étonner toutefois quelque peu lorsqu’ils constatent que celui-ci n’offre, en tout et pour tout, que deux places.

Un choix d’autant plus inattendu et inhabituele au sein de la production américaine (y compris parmi les sportives les plus puissantes) que le seul autre modèle qui présente la même caractéristique est la Chevrolet Corvette (l’objectif de concurrencer cette dernière était d’autant plus clair que le concept-car épnoyme de 1966, possédait, lui aussi, une carrosserie en fibre de verre ; le modèle de série se contentera, toutefois, d’une carrosserie en acier classique). Si l’on en juge par la communication qui est faite par AMC, dans les brochures comme dans les clips publicitaires, c’est d’ailleurs clairement elle (bien qu’elle ne soit, le plus souvent, jamais nommée) qui est clairement dans la ligne de mire de la nouvelle AMX.

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AMC JAVELIN AMX 1968

Extérieurement, si son style reste (volontairement) assez proche de celle de la Javelin « normale », l’AMX ne possède toutefois aucun panneau de carrosserie en commun avec cette dernière, son style étant d’ailleurs dû à un carrossier italien à la réputation prestigieuse : Alfredo Vignale. Etant donné sa vocation, qui est de brûler (abondamment) de la gamme le long des avenues ainsi que sur les longues highways qui parcourent (parfois de long en large) l’immensité du territoire américain ainsi que de permettre à leur conducteur de battre de nouveaux records au 100 ou 400 mètres lorsque le feu de signalisation passe au vert.

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AMC JAVELIN AMX 1970

Assez logiquement, l’AMX n’acceuillera donc souvent sous son imposant capot (dont la longueur, contrairement à celle de l’empattement et de l’habitacle, n’a, lui, pas du tout été réduit) que les plus gros moteurs alors disponibles au sein de la banque d’organes du groupe AMC, tous (bien évidemment, là aussi) des V8. La cylindrée et la puissance de ces derniers allant de 225 ch pour le V8 de 4,7 l baptisé Typhon jusqu’à 315 chevaux pour le V8 de 6,4 litres, avec, entre les deux, un bloc de 5,6 litres développant 280 ch. Ces motorisations faisant, toutefois, toutes trois appel à une alimentation assurée par un seul carburateur à quadruple corps.

Côté transmission, comme cela est d’ailleurs le cas chez certains autres constructeurs à l’époque (il n’est pas inutile de le dire ou le rappeler, tant l’image des conducteurs américains ne jurant que par les boîtes de vitesses automatiques, dans les années 60 et encore de nos jours, est ancrée dans nos esprits), celle montée de série est une boîte mécanique à quatre vitesses, fabriquée par la firme Borg Warner. Même si une transmission automatique (conçue par le même fournisseur, mais ne disposant, ici, que de trois rapports) reste disponible en option pour les acheteurs au tempérament plus placide.

Avec de telles cavaleries sous son capot et déboulant sur les roues arrière, l’AMC AMX semble, de prime abord, bien armée (surtout concernant sa version la puissante) pour se mesurer à des rivales aux dents aiguisés comme la Corvette, mais aussi la Mustang, les Pontiac Firebird et GTO, les Dodge Charger et Plymouth Barracuda ou encore les Chevrolet Camaro et Chevelle. Ceci, pour ne citer que ses rivales les plus connues chez nous, l’univers des muscle cars américains de l’époque comprenant un certian nombre d’autres sportives restées peu voire inconnues sur le marché européen.

Comme sur ces dernières et afin de répondre au mieux aux attentes des conducteurs (souvent exigeants et souhaitant également pouvoir disposer d’une machine personnalisée selon leurs désirs), est également proposée le Go Package. Un pack d’options, disponible uniquement sur les deux plus gros V8, comprend des freins à disques sur les roues avant, une suspension renforcée, des pneumatiques spécifiques (des Goodyear Polyglass à liseré rouge), un pont autobloquant, un système de refroidissement plus performant ainsi que des bandes de carrosserie autocollantes. Toujours sur le plan des performances, sur la plus puissante des AMX, le 0 à 100 km/h est atteint en 6,9 secondes et le 400 mètres en 15,2 sec.

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AMC JAVELIN AMX 1968

Si le prix de base auquel est vendu l’AMX (avec le V8 « small block » de 4,7 l, de 3 245 dollars, n’est pas négligeable, il se situe toutefois, globalement, dans la moyenne de celui des autres muscle cars américaines de l’époque. Certaines d’entre-elles, même dans leurs versions de base, étant d’ailleurs même nettement plus chères (ainsi, une Chevrolet Chevelle « d’entrée de gamme » est affichée pas moins de 4 000 dollars, un tarif qui peut grimper jusqu’à 5 000 $ avec les V8 « big blocks »).

Outre le fait que le caractère particulier que revêt l’AMC AMX au sein des sportives sortis des chaînes des constructeurs de Detroit la destine à une offre plus réduite que les muscle cars « standards », cette nouvelle muscle car inédite présente également un argument d’exclusivité supplémentaire. Si la plupart des autres constructeurs (dans le segment des modèles de grand sport comme dans les autres catégories) proposèrent régulièrement un grand nombre de séries spéciales et limitées sur la plupart de leurs modèles, rares furent toutefois ceux qui, parmi ces derniers, furent, dès leurs débuts, commercialisés uniquement en série limitée.

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AMC JAVELIN AMX _GO PACKAGE_ 1971

Tel fut le cas de l’AMX, dont le service commercial d’AMC informa qu’elle ne sera produite, pour son premier millésime, qu’à 10 000 exemplaires, ainsi qu’à 20 000 unités pour l’année-modèle 1969. Des chiffres qui, s’ils peuvent paraître importants (et donc ne pas vraiment représenter ce que l’on appelle chez nous une production vraiment « limitée », à l’échelle de la production américaine et en comparaison avec les chiffres de production de la Camaro ou de la Mustang, on peut toutefois qualifier ces chiffres de production limitée. En réalité, la production de l’AMX pour le millésime 68 sera encore plus limitée que cela, puisqu’elle n’atteindra jamais ce quota, se limitant à 6 725 voitures (très exactement). Celui de 1969 ne sera guère meilleur concernant les chiffres de ventes*, alors que la direction et les responsables du marketing d’American Motors se donnent pourtant du mal afin de promouvoir l’AMX et de démontrer que celle-ci est digne des meilleures références de sa catégorie.

Dans cet objectif, lorsque le modèle fera son entrée en scène, le pilote Craig Bredlove, spécialisé dans les records de vitesse, se verra d’ailleurs confié le volant d’une AMX, avec laquelle il réussira d’ailleurs à battre plus d’une centaine de records (106, pour être plus précis). Même s’il faut néanmoins avouer que (en tout cas pour les deux tiers, voire les trois quarts des records en question), ceux-ci furent remportés dans des catégories qui n’étaient plus disputées depuis vingt ou trente ans et qui furent même spécialement créées pour l’occasion ! Ceci expliquant sans doute, en grande partie cela.

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AMC JAVELIN AMX _GO PACKAGE_ 1971

Il est vrai que le fait que l’AMX ne dispose que de deux places seulement et de son look quelque peu atypique (surtout en ce qui concerne son profil, dû à son empattement fort court) ont de quoi rebuter une partie de la clientèle. Laquelle, même quand elle recherche avant tout la performance, veut néanmoins conserver un caractère assez polyvalent et donc disposer d’une voiture avec laquelle on puisse aussi bien faire les courses que la course !

Mais les raisons de cette mévente de l’AMX ne sont sans doute pas uniquement à chercher dans le modèle en lui-même mais aussi du côté de son constructeur. Est-ce (en partie) à cause de ses origines ? Toujours est-il qu’en plus d’être toujours rester, d’un point de vue des chiffres de production, éternellement en « queue de peloton » par rapport à ses trois grands rivaux (dont il est vrai que ces derniers ne se privèrent souvent pas d’abuser clairement de leur position dominante), cette image de « Petit Poucet » qui lui collait à la peau ne pouvait pas manquer (d’une manière ou d’une autre) de porter préjudice à l’image d’AMC et de ses modèles auprès d’une part importante du public. Ne disposant, en outre, pas de moyens financiers comparables à ceux de General Motors, Ford et Chrysler, le constructeur pâtit quelque peu d’une gamme de modèles moins large et qui ne peut être renouveler aussi souvent que celles de ses concurrents. Sans compter que le quatrième constructeur américain dispose aussi d’un réseau de concessionnaires nettement moins important que celui des « big three », ce qui limite, là aussi, de manière concrète, la diffusion de ses modèles (qu’il s’agisse des pony et muscle cars comme des voitures de tourisme « classiques »). Autant de raison qui déteignent, indirectement mais de manière bien concrète, sur les ventes de l’AMX et qui explique que celle-ci peine (malgré des efforts pourtant nombreux et réels) à trouver sa place sur un marché, il est vrai, très encombré (pour ne pas dire, tout simplement, saturé).

En plus de cela, ou en tout état de cause, le ciel va commencer à s’assombrir sur le marché des sportives, l’augmentation sans grandissante de la puissance des moteurs ne va pas aussi manquer d’entraîner (indirectement, mais dans un lien de cause à effet clairement établi dès le départ par beaucoup) une augmentation, elle aussi sans cesse grandissante, des accidents graves, voire mortels. Si bien qu’au début des années 70, les responsables de la sécurité routière, inquiets de voire les chiffres de ces derniers connaîtrent une croissance exponentielle, vont alors décider de sévir et d’appliquer des mesures radicales. Les compagnies d’assurance aussi, lesquelles, ne supportant bientôt plus de voire leurs finances fondrent comme neige au soleil et de devoir, parfois même, presque se saigner aux quatre veines afin de devoir verser aux propriétaires des muscle cars que ces derniers ont accidenté (ou, dans certains, tout simplement envoyées à la casse) à force de se prendre pour Steve McQueen dans Bullitt, prennent, eux aussi, une décision radicale en revoyant (fortement) à la hausse leurs primes pour les modèles les plus puissants.

A partir de 1971, celles-ci atteignent désormais, pour toutes les muscles cars dépassant la barre des 300 chevaux, jusqu’à 30 ou 35 % du prix d’achat de la voiture ! Autant dire que cela ne va pas manquer de farie mal au portefeuille et de refroidir les ardeurs de plus d’un ! Ainsi (et contrairement à ce que l’on a longtemps et souvent dit et écrit à ce sujet), l’ère des muscle cars était déjà terminé au moment où éclatera la première crise pétrolière, à l’automne 1973, celle-ci n’étant, au final, que « la dernière torpille qui achèvera de couler le navire ».

Entre-temps et en dépit des efforts déployés par AMC pour réussir à redresser la barre et à faire remonter la pente aux ventes de sa très (trop?) exclusive et/ou atypique AMX. Sans aller jusqu’à parler (en tout cas, à ce moment-là) d’échec commercial, les commerciaux et l’état-major d’American Motors doivent cependant tous reconnaîtrent que le succès de leur « Super Javelin » auprès des amateurs d’originalité comme de performances n’ont pas été à la hauteur de leurs attentes. Ce mauvais départ et ce bilan commercial en demi-teinte ne semble pas, pour autant, entamer leur détermination à tout faire pour se tailler une place (la meilleure possible, cela va sans dire) sur ce marché qui, en cette fin des « roaring sixties », a encore véritablement le vent en poupe (plus pour longtemps, malheureusement, mais cela, aucun des constructeurs américains présent dans ce segment ne se doute encore, à aucun moment).

Comme il est alors d’usage chez tous les constructeurs aux USA et dans la catégorie des muscle cars sans doute plus que dans n’importe quelle autre, il est important, afin d’entretenir l’effet de nouveauté et donc la demande du public, d’offrir, à chaque nouveau millésime, un lifitng (même superficiel) à tous leurs modèles. AMC et l’AMX (tout comme la Javelin) ne font pas exception à la règle.

A l’occasion de l’année-modèle 1969, en plus d’un nouveau tableau de bord, celle-ci va mettre encore un peu plus l’accent, au travers de deux séries limitées, sur l’exclusivité, la performance ainsi que la compétiton. La première est baptisée Bid Bad AMX (tout un programme, mais les marques américaines sont alors très friandes de ce genre d’appellation, qui traduit bien le côté un peu « bad boys » ou « Hell’s Angels »* d’une grande partie de la clientèle, souvent jeune et à la personnalité « rebelle » clairement assumée). Sous ce nom aussi agressif qu’un brin prétentieux ne se cache, toutefois, qu’un simple rhabillement cosmétique de l’AMX, un sorte de « survêtement » pour se donner des airs encore plus sportif. En l’espèce, trois teintes spécifiques au choix (orange, vert et bleu, tous très « flashy », les couleurs fluos ou pastels étant alors à la mode sur les sportives, y compris sur les européennes) recouvrant l’intégralité de la carrosserie (en ce compris les pare-chocs). Une option à prix donné (34 dollars seulement!) mais qui ne connaîtra toutefois guère de succès (même à l’échelle des ventes de l’AMX), puisque seuls 762 acheteurs en passeront commande (se répartissant comme suit : 284 en orange, 283 en vert et 195 en bleu).

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AMC JAVELIN AMX _GO PACKAGE_ 1971

La seconde, baptisée « SS » (est-ce en référence au package du même nom proposé par Chevrolet sur ses sportives comme la Camaro et la Corvette?) quant à elle, délaisse quelque peu le plumage mais voit le ramage être profondément transformé et même optimisé puisque l’AMX SS a clairement été conçue dans l’objectif de la compétition (plus exactement, à l’usage des pilotes de dragsters), puisqu’elle reçoit sous son capot ce qui constitue, non seulement, le plus gros moteur qui sera jamais monté sur l’AMX mais aussi, certainement, la plus puissante motorisation jamais montée sur un modèle du groupe AMC. S’il s’agit toujours du V8 de 6,4 litres, celui-ci se trouve, cette fois, alimenté par deux carburateurs Holley à quadruple corps qui font bondir la puissance, celle-ci atteignant pas moins de 340 chevaux.

Il est vrai que le prix pour avoir le privilège de prendre en mains le volant de cette « Super AMX » (qu’aurait sans doute certainement apprécié, en connaisseur, le personnage incarné par Vin Diesel dans la saga Fast And Furious) est aussi en rapport avec le degré d’exclusivité ainsi que les performances promises. Il faut aussi avoir les moyens de signer un chèque dont le montant approche les 6 000 dollars, c’est-à-dire deux fois le prix d’une AMX avec la motorisation de base (et sans les options), ce qui place véritablement cette version « compétition-client » au niveau des sportives de haut de gamme de la production américaine, au même niveau qu’une Chevrolet Chevelle « big block » ou qu’une Mustang Shelby. Au vu de ce tarif quasiment stratosphérique, il est aisément compréhensible que la production de cette AMX de course fut assez confidentielle : à peine 52 ou 53 exemplaires en tout.

Comme avec les autres versions compétition de ses rivales, les chiffres de vente étaient un aspect quelque peu secondaire, l’objectif essentiel étant d’attirer l’attention du public ainsi que de la presse spécialisée sur l’AMX et de montrer (une nouvelle fois) que celle qui était présentée par son constructeur comme « l’anti-Corvette ». La cinquantaine de conducteurs (ou, plutôt, de pilotes, car pour être maîtrisée à haute vitesse, elle nécessite souvent une expérience confirmée en matière de pilotage!) auront, toutefois, sans doute été rapidement convaincus qu’ils en avaient pour leur argent, ses chronos étant, en effet, dignes (pour l’époque, s’entend) d’un véritable dragster. Lors d’une course NHRA, une AMX SS parviendra ainsi à parcourir le 400 mètres en 10,73 secondes.

Si la presse automobile ne se privera pas de s’en faire l’écho, malheureusement pour le groupe American Motors, cela n’aura guère d’impact sur le volume des ventes de l’AMX. En tout état de cause, celle-ci ne connaîtra qu’une existence éphémère, voire même « météorique », puisqu’elle ne dura qu’un seul et unique millésime, la version SS se voyant, en effet, contrainte de quitter la scène en 1970.

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AMC JAVELIN AMX 1968

Si le crépuscule des muscle cars ne s’amorcera véritablement qu’à partir de l’année suivante, avec la flambée des tarifs des compagnies d’assurance, avant celle de l’essence, les assureurs commence pourtant alors déjà à froncer les sourcils et à grincer des dents. Or, si des grands groupes comme General Motors et Chrysler peuvent se permettre de maintenir à leur catalogue des sportives débordant de chevaux et à la consommation gargantuesque malgré la chute de plus en plus forte (qui va, même, bientôt devenir vertigineuse) de leurs ventes, un « petit » groupe « indépendant » comme AMC, lui, ne pouvait, en revanche, s’offrir ce genre de « luxe ».

Si le constructeur tente de « polir » l’image quelque peu l’image de l’AMX et d’attirer une clientèle plus large en baissant le prix de vente de la version d’entrée de gamme, qui voit celui-ci passé ainsi sous la barre des 3 400 dollars, là encore, l’effort sera vain, puisqu’un peu plus de 4 100 exemplaires seulement de l’AMX auront été produites au terme de l’année-modèle 70. Si certains modèles et constructeurs persistent et signent (comme, chez General Motors, Chevrolet avec la Camaro et Pontiac avec la Firebird), en n’hésitant pas afin de passer entre les mailles du filet tendu par les assurances, carrément à tricher sur les chiffres annoncés dans les données techniques des brochures (la puissance réelle étant, ainsi, parfois 15 à 20 % plus élevée que celle indiquée), en 1972, tous seront finalement obligés de s’incliner et les amateurs de performances de constater, amers et résignés, que l’ère des muscle cars était bel et bien terminée.

AMC JAVELIN AMX - La Corvette en ligne de mire.

Le constat l’est d’autant plus pour AMC que celui-ci a renouvelé son engagement en compétition et que sa persévérance dans ce domaine a fini par payer (en tout cas en ce qui concerne les trophées), puisque le constructeur remporte, cette année-là, le championnat TransAm (mais s’il faut avouer que, au vu du contexte qui, en dehors des pistes, est de plus en plus défavorable aux muscle cars, la concurrence n’est y plus aussi forte et nombreuse qu’avant, ce qui a, évidemment, facilité grandement la tâche d’AMC). Une fois encore, la poisse semble pourtant coller à la tôle ou aux pneus de l’AMX, puisqu’elle ne provoquera guère d’afflux de nouveaux clients chez les concessionnaires. Il est vrai aussi que, face à ces temps nouveaux où la vitesse est désormais mal vue, les modèles sportifs, même dans leur version de base et donc avec les motorisations les plus sages, apparaissent maintenant « politiquement incorrects ».

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AMC JAVELIN AMX 1970

A l’occasion du millésime 72, l’AMX est pourtant entièrement revue, abandonnant, en partie, son statut de sportive « pure et dure » et sans concession et s’efforçant de faire comme tout le monde avec un habitacle agrandi et offrant à présent quatre places. Sur le plan esthétique, l’AMX perd toutefois une part assez importante de sa personnalité dans l’opération, pour n’être plus, au final, qu’une version un peu plus exclusive de la Javelin. Si la motorisation « standard » est un V8 de 5,9 l développant 245 ch, le Go Package, proposé en option, comprend désormais un big block de 6,57 litres qui, grâce à un carburateur quadruple corps, atteint la barre des 330 chevaux. Le pack en question comprenant également une suspension plus ferme, une prise d’air fonctionnelle (il n’est pas inutile de le souligner, beaucoup de muscle cars de l’époque arbhorant, en effet, une prise d’air factice), un circuit de refroidissement de plus grande capacité, un système de freinage avec des disques sur les roues avant, des jantes type « Sport » et pneus en taille 15 pouces ainsi qu’une double ligne d’échappement.

AMC JAVELIN AMX - La Corvette en ligne de mire.
AMC JAVELIN AMX 1974

Malgré une obstination qui a pourtant de quoi forcer le respect (surtout, d’abord, face à une concurrence de taille et ensuite d’une situation où le sport et la performance, autrefois encensées, sont maintenant vouées aux gémonies), le public se détournera encore un peu plus de l’AMX, puisque moins de 2 200 exemplaires de celle-ci sortiront de chaînes à la clôture du millésime. Au vu de ce bilan, plus que mitigé (il s’agit même là d’un euphémisme !), il n’est pas exagéré de dire que l’année-modèle 1972 ne s’annonce pas sous les meilleurs auspices.

AMC JAVELIN AMX - La Corvette en ligne de mire.
AMC JAVELIN AMX 1974

Le modèle pouvant se vanter (comme ne se prive d’ailleurs pas de le mentionner le constructeur dans ses publicités) de compter alors parmi les sportives les plus performantes de la production américaine (même s’il convient, pour être tout-à-fait objectif, de reconnaître que cela est aussi dû une concurrence beaucoup plus clairsemé qu’auparavant, un certain nombre des plus sérieuses rivales de l’AMX ayant été forcées de se mettre à la diète, voire, tout simplement, de quitter la scène!). Signe des temps et de la nouvelle morosité ambiante, le moteur de base consiste, à présent, en un simple (et, surtout, anémique) huit cylindres de 4,9 ! litres développant 150 chevaux ! Heureusement, le V8 de 245 ch et, surtout, le « big block » de 330 chevaux sont maintenus au catalogue, ce qui permet à l’AMX de demeurer une sportive digne de ce nom. Si les ventes remontent quelque peu, avec 3 220 exemplaires (très exactement) écoulés durant cette année-là.

AMC JAVELIN AMX - La Corvette en ligne de mire.
AMC JAVELIN AMX 1974

1972 ne sera toutefois pour l’AMX, d’un point de vue des ventes comme sur le plan des performances, qu’un ultime « baroud d’honneur ». A partir de 1973, l’AMX ne sera plus, à l’image de la Javelin, qu’une simple pony car « bon chic bon genre », sans plus aucune véritable prétention sportive ainsi qu’une simple version mieux équipée et peu plus voyante de cette dernière. Le ramage n’étant désormais plus (du tout) à la hauteur du plumage ! Les deux modèles achevant d’ailleurs leur carrière, sans tambours ni trompettes (pour ne pas dire dans l’anonymat et l’indifférence presque générale) à la fin de l’année 1974.

Maxime Dubreuil

Photos DR

D’autres voitures US https://www.retropassionautomobiles.fr/2021/12/chrysler-k-cars-les-plus-europeennes-des-voitures-americaines/

Une américaine en vidéo https://www.youtube.com/watch?v=UDx0Opwl8CY&t=27s&ab_channel=R%C3%A9troPassionAutomobiles

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