SANTA MATILDE - Grande Turismo do Brasil.
SANTA MATILDE SM 4.1 (1978 - 1983

SANTA MATILDE – Grande Turismo do Brasil.

Dans les années 70, le Brésil est alors soumis, comme la plupart des pays d’Amérique du Sud, à une dictature militaire, afin de renflouer les caisses de l’Etat, celle-ci décide alors d’instaurer une politique protectionniste qui frappe de lourdes taxes d’importation tous les produits d’importation, notamment en ce qui concerne les automobiles. Les constructeurs (principalement américains comme General Motors mais aussi européens comme Volkswagen) ayant toutefois déjà implanté des usines de montage dans le pays, ils ne seront toutefois guère impactés par cette mesure.

C’est plutôt du côté de certains riches Brésiliens sont de fervents admirateurs de voitures de grand sport, car, outre l’importation des voitures en question en elle-même, cette mesure frappe aussi également les pièces détachées nécessaires à leur entretien, qui deviennent de plus en plus difficiles à se procurer. Avec pour effets que beaucoup de ces belles sportives, à la moindre panne, se retrouvent dès lors bientôt condamnées à rester au garage, ce qui ne va pas évidemment pas manquer de plonger dans le mécontentement ainsi que dans le désarroi leurs propriétaires.

Parmi eux figurent Humberto Pimentel, qui dirige à l’époque une société de matériel agricole. Ce dernier, sans doute comme un certain nombre de ses compatriotes tentent alors de trouver une sportive « de substitution » au sein de la production automobile brésilienne. Or, la seule véritable voiture de sport produite à l’époque au Brésil, la Puma GTB, ne lui plaît guère. Ce qui va finalement le décider à créer, « tout simplement », sa propre voiture. Probablement l’homme n’est-il pas sans ignorer que certains amateurs fortunés et éclairés comme lui, parce qu’il ne parvenait pas à trouver, au sein de la production automobile, une voiture qui correspondent exactement à leurs exigences, avaient alors décider de devenir constructeurs automobiles. Si eux l’avaient fait, alors pourquoi pas lui ?

Une voiture n’en étant pas vraiment une sans moteur, le choix d’une motorisation est l’une des premières tâches auxquelles les membres de l’équipe que Pimentel vont devoir s’atteler. Faute de pouvoir comme l’avait fait Lamborghini avant lui, créer son propre moteur en partant d’une feuille blanche ils doivent donc se rabattre sur une motorisation déjà existante et – condition sine qua non, étant donné les barrières douanières mises en place par le régime – produite dans le pays.

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Est-ce, à la fois, parce que l’Italie passe alors comme « le » pays de l’automobile en Europe, tant en ce qui concerne la réussite de leurs lignes que l’excellence de leur motorisation et parce qu’Alfa Romeo est implantée au Brésil ? En tout cas, dans un premier temps, Pimentel espère bien pouvoir obtenir le très beau six cylindres produit par la filiale locale de la célèbre firme milanaise mais les discussions avec celle-ci tourneront toutefois court, ce qui l’oblige alors à se tourner vers la division brésilienne d’un autre grand constructeur, américain celui-là : General Motors.

Celui-ci acceptant, sans trop de difficultés, de livrer le moteur monté sur l’un des modèles-phares de la gamme brésilienne de Chevrolet, l’Opala. Celui-ci, lui aussi un 6 cylindres, n’est pas aussi noble, sur le plan technique, que son homologue italien, il a, en tout cas, l’avantage d’être robuste et facile à entretenir. A défaut d’être très puissant, il permet à tout cas au coupé grand tourisme imaginé par Humberto Pimentel d’offrir des performances assez honorables.

Ce changement de motorisation va toutefois avoir des répercussions sur le reste de la voiture et notamment en ce qui concerne son design. Pour les lignes de la carrosserie, l’inspiration semble, là aussi, être à chercher du côté de l’Italie, notamment de certaines des GT de l’époque comme la Lamborghini Jarama. Même si certains pourront sans doute objecter que celle-ci, bien que dessinée par Marcello Gandini pour le compte de Bertone, n’était pas vraiment la meilleure création ni de l’un ni de l’autre. En tout état de cause, la greffe de ce gros bloc américano-brésilien va avoir pour conséquence de faire perdre à la silhouette de la voiture ses proportions initiales.

Si le projet initial ne brillait sans doute ni pas son élégance ni même par une véritable agressivité, il faut reconnaître que le résultat final, lorsqu’est finalement dévoilé le modèle de série, est assez « pataud ». Le nom du « designer(s) » ne sont d’ailleurs pas passés à la postérité, en tout cas en dehors du Brésil. Outre l’Italie, l’inspiration semble, selon toute vraisemblance, être aussi à chercher du côté des modèles américains de l’époque. Tant, par ses lignes générales comme par le traitement de plusieurs parties bien précises, on ne peut s’empêcher de lui trouver une certaine ressemblance avec un certain nombre de coupés populaires ou de muscles cars des années 70. Malheureusement pour la GT brésilienne voulue par Pimentel, celle-ci affiche un style plus ou moins décevants.

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SANTA MATILDE SM 4.1 (1978 – 1983

On pourra, évidemment, objecter que, dans l’ensemble, avec la crise pétrolière et la récession économique que celle-ci engendra aux USA, l’industrie automobile américaine vivaient alors une période plutôt sombre et agitée et que de nombreux modèles produits alors par les constructeurs de Detroit étaient de véritables ratages stylistiques. Néanmoins, vu sous certains angles, la Santa Matilde* trahit bien, à la fois, le manque ou la limite du talent du qui en ont tracés les lignes mais aussi le caractère artisanal de sa conception. Vu sous certains angles, on dirait presque une AMC Gremlin customisée ou une Volkswagen Sirocco reliftée à la mode soviétique. Le pavillon paraissant alors trop haut ; la ceinture de caisse trop tombante au niveau de la malle de coffre, pouvant ainsi presque faire croire à une voiture à hayon ; des flancs trop inclinés de leur partie supérieure, un porte-à-faux avant u peu trop prononcé. Si tous ces défauts de style, comme mentionné, se rencontre sur beaucoup de voitures américaines, mais aussi européennes, de l’époque, on est toutefois en droit de se dire que Humberto Pimentel et son équipe aurait dû revoir leur copie avant de lancer la mise en production de la Santa Matilde en 1978.

Assez heureusement pour eux, la clientèle à laquelle elle est destinée ne se montre pas trop regardante ou exigeante, sans doute consciente qu’il s’agit bien là du seul véritable modèle de grand tourisme brésilien. Malgré une vitesse de pointe un peu « juste », dans le Brésil de la fin des années 70 et du début des années 80, rouler en Santa Matilde était sans doute l’une des meilleures manières, aux yeux de ses propriétaires, d’afficher son patriotisme, sa fierté d’être Brésilien(ne). Ce qui, naturellement, (et même si Pimentel à financer toute l’opération entièrement sur ses deniers personnels, sans aucune aide extérieure, notamment de l’Etat) n’est pas pour déplaire au régime militaire. Même si son prix de vente ne la met pas vraiment à la portée du premier citoyen venu, dans un pays où le protectionnisme est devenu l’un des piliers de la politique du gouvernement de l’époque et où même pour les classes aisées, rouler quotidiennement et faire entretenir régulièrement une voiture étrangère n’est pas toujours une tâche aisée, la Santa Matilde n’a guère de mal à trouver son public.

Ce qui encourage d’ailleurs rapidement Pimentel à faire évoluer sa création, afin, non seulement, de lui faire gagner en puissance mais aussi de la rendre plus confortable mais aussi plus sûre. Si, comme la plupart des réalisations artisanales de l’époque, elle souffrait d’une finition assez perfectible et d’une fiabilité aléatoire, les défauts les plus rédhibitoires seront, en grande partie, résolus sur la deuxième série, apparue en 1982. Celle-ci profite également de quelques retouches esthétiques qui, s’ils affinent quelque peu la ligne de la voiture, n’en font pas pour autant une reine de beauté. Outre le coupé trois volumes d’origine, la gamme s’enrichie également d’une nouvelle carrosserie Hatchback qui présente l’avantage d’offrir un coffre doté d’un plus grand volume de charge.

Du côté des motorisations, outre le 6 cylindres d’origine Chevrolet, le client peut également opter pour un quatre cylindres turbo, développant une puissance quasiment identique à ce dernier mais ayant la particularité de fonctionner… à l’alcool ! Depuis l’éclatement de la première crise pétrolière, un certain nombre d’industriels au Brésil avaient, en effet, eu l’idée de développer ce type de motorisation afin de faire face à la flambée des prix des carburants. Si les motorisations de ce genre affichaient souvent une consommation plus importante que les moteurs classiques à essence, ce défaut était toutefois fortement contrebalancé par le fait que les alcools industriels de tous types étaient beaucoup moins chers à produire et étaient donc vendus nettement moins chers au litre que l’essence.

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SANTA MATILDE SM 4.1 (1978 – 1983)

Si une troisième série fait son apparition dès l’année suivante, celle-ci ne présente toutefois que des différences minimes par rapport à sa devancière. Elle s’en distingue principalement par des jantes et des pneus de plus grand diamètre, un réservoir de plus grande taille ainsi que la présence d’une trousse à outils dans le coffre

Toujours attentif aux nouveautés que propose les constructeurs européens et américains et constatant que, dans le courant des années 80 (après la vague sécuritaire qui avaient sévi durant la décennie précédente et presque provoqué leur disparition du marché américain), les cabriolets redeviennent à la mode aux Etats-Unis, Pimentel souhaite alors créer une version cabriolet de la Santa Matilde. Comme la marque n’a aucune expérience dans le domaine et afin de pouvoir doter son cabriolet d’un système de capotage qui soit, à la fois, le plus simple et le plus pratique possible, tout en étant d’une qualité de réalisation comparable à ses rivales étrangères, Pimentel n’hésite pas, pour cela, à faire l’acquisition d’une Mercedes 450 SL qui sera consciencieusement démontée par les ouvriers de l’usine afin d’étudier le fonctionnement de la capote. Commercialisée en 1984 et proposée au catalogue jusqu’en 1990, cette version décapotable ne sera toutefois produite, durant ces six ans, que par intermittence et en nombre assez restreint (76 exemplaires en tout, selon les données fournies par le SM clube do Brasil, le club officiel de la marque).

Après avoir connu son heure de gloire jusqu’au milieu des années 80, les nuages commencent toutefois à s’accumuler dans le ciel de la firme Santa Matilde et, pour celle-ci comme pour le Brésil, le vent commence à tourner. Après la fin du régime militaire et le retour de la démocratie en 1985, le nouveau gouvernement finit, en 1989, par supprimer les droits de douane qui frappaient jusqu’ici les voitures importées. La firme Santa Matilde va alors amorcer son déclin, n’ayant guère les moyens de lutter contre les coupés et cabriolets de grand tourisme importés des Etats-Unis ou d’Europe et, outre un prix de vente bien plus attractif qu’auparavant. Sans compter qu’une simple Ford Mustang, Chevrolet Camaro ou Porsche 944 d’entrée ou de milieu de gamme, simplement équipée d’un gros six cylindres ou d’un « petit » V8 offre un rapport prix/performances assez supérieur à celui de la Santa Matilde.

A cela, il faut ajouter que, justement parce qu’elle avait été conçue à l’époque où le Brésil vivait sous une dictature militaire et où les pénuries et le rationnement étaient monnaie courante et aussi qu’elle se présentait comme une sportive de « substitution », elle incarnait une période sombre du pays, que la plupart des Brésiliens souhaitaient désormais oublier.

Le premier coup porté à la firme sera toutefois le conflit né entre Pimentel et le Syndicat de la métallurgie, avec pour résultat que celle-ci se voit alors obligé d’arrêter pendant un mois et demi. Un arrêt subit qui aura pour conséquence que le projet d’une version à quatre portes de la Santa Matilde, alors à l’étude, restera finalement dans les cartons.

Si la quatrième série, ou Mark IV, fait son apparition en 1991, le remplacement des quatre phares ronds par de grandes optiques rectangulaires ne peut toutefois suffire, à lui seul, à moderniser une ligne dont l’élégance n’était déjà pas vraiment l’atout majeur et dont la genèse remonte maintenant plus de douze ans. Esthétiquement parlant, la Santa Matilde commence donc quelque peu à accuser son âge et, malheureusement pour elle, la firme, qui est à cent lieues d’avoir la stature des filiales locales des grands constructeurs étrangers présent au Brésil, n’a guère les moyens de lui offrir un lifting intégral, ou même partiel.

Au début des années 1990, la marque sombre alors, progressivement, dans une sorte de « léthargie », en tout cas partielle la production devenant intermittente, la Mk 4 n’étant plus assemblée que sur commande spéciale jusqu’en 1995. A cette date, la production de la Santa Matilde s’arrête alors de manière quasi définitive.

La marque tentera bien, deux ans plus tard, un « come-back » avec la présentation d’une « nouvelle » Mark 5. Les guillemets sont voulus et, même, bien appropriés, tant le terme de « nouvelle » est un bien grand mot pour désigner ce modèle qui n’est, finalement, qu’une Santa Matilde Mark 4 vaguement et hâtivement remise au goût du jour.

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SANTA MATILDE SM 4.1 (1978 – 1983)

Ce n’est, en effet, pas le léger lifting opéré sur la face avant (avec des clignotants transparents à la place des clignotants orange), des pare-chocs et une calandre redessinée et le montage de nouvelles jantes, ou encore d’un tableau de bord numérique à l’intérieur de la voiture, qui pourront vraiment changer la donne et moderniser une ligne qui, même au Brésil, apparaît résolument passée de mode. Malgré une fiche technique, elle aussi, mise à jour, avec le montage de la mécanique ainsi que des trains roulants de la Chevrolet Omega*, le public, même ceux qui ont les moyens de rouler des coupés de grand tourisme, ont désormais tourné le dos à la Santa Matilde et ne veulent plus nécessairement de rouler dans une voiture produite et créée au Brésil. Seuls trois exemplaires, en tout et pour tout, de cette ultime évolution de la Santa Matilde seront produits avant que la firme ne baisse définitivement le rideau en 1997.

A la fois parce que le public auquel elle s’adressait était assez restreint (étant donné le niveau du pouvoir d’achat de la grande majorité des Brésiliens, surtout à l’époque, l’achat d’une voiture neuve, même la plus modeste, n’était pas vraiment à la portée de tous) et aussi du fait de sa fabrication qui restait, en grande partie, assez artisanale, la production de la Santa Matilde fut, somme toute, assez limitée. En dépit d’une carrière qui s’est ainsi étalée sur près de vingt ans, entre 1978 et 1997, seules 937 exemplaires furent ainsi produits. Durant sa meilleure année, en 1986, la marque n’a guère assemblé plus de 207 voitures. De toute manière, les méthodes de production de la marque, qui, sur bien des points, restaient encore fort artisanales, ne lui permettaient guère d’en produire beaucoup plus.

Si, aujourd’hui, la Santa Matilde conserve un assez grand nombre d’aficionados dans son pays natal, avec un club officiel rassemblant les propriétaires du modèle qui demeure d’ailleurs fort actif, son aura au Brésil ne fut sans doute jamais aussi importante que celle de sa principale rivale, la Puma.

Texte Maxime Dubreuil

Photos DR

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