BNC - Tout pour la course !

BNC – Tout pour la course !

Derrière ces initiales, qui renvoient aux noms de Bollack, Netter et Compagnie, se trouve une firme qui, durant son âge d’or, celui des années 1920, fut, à la fois, l’une des meilleures incarnations du sport automobile populaire, mais aussi « pur et dur ». A l’image d’autre firme à l’histoire beaucoup plus connue et prestigieuse (telle que Ferrari), c’est bien avant tout et surtout dans l’univers de la compétition automobile que se trouve l’origine de sa création. Une marque dont aucune des initiales ne reprend, pourtant, celles du nom de son créateur, Jacques Muller.

Après avoir travaillé pour le constructeur de poids lourds Saurer, avant d’être ensuite employé par Anzani et Berliet. Malgré l’éclatement de la guerre, ses connaissances en matière de mécanique ainsi que dans l’aéronautique lui permettront, à partir de 1916, d’être éloigné du front, en étant affecté au sein des usines d’Hispano-Suiza. A la fin du conflit, il ouvre un bureau d’études situé à La Garenne-Colombes, où il met en chantier la conception d’un cyclecar. Un engin sportif léger dont la mode est alors toute naissante et dont il sera l’un des pionniers sur le marché français. Apparu au Royaume-Uni juste avant la Première Guerre mondiale (et dont l’une des figures de proue n’est autre que Henry Frederik Morgan), ce terme désigne (comme son appellation le laisse deviner) un engin, le plus souvent, à trois roues, généralement équipé d’un moteur de moto, monté sur un châssis et dans une carrosserie assez rudimentaire de fabrication maison. Des deux côtés de la Manche, un certain nombre d’artisans constructeurs vont bientôt se lancer dans cette aventure, profitant, en Angleterre comme en France, d’une législation permettant, à condition que la cylindrée du moteur et que le poids à vide de l’engin ne dépasse pas une limite bien définie, bénéficier d’un régime fiscal comparable à celui des motos. Un grand nombre d’entre-eux recevront d’ailleurs un moteur acheté à un constructeur de deux-roues. (Même si certains de ces constructeurs, disposant de moyens sensiblement plus élevés que les autres, pourront concevoir et produire leurs propres motorisations).

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Le cyclecar conçu par Muller, baptisé JMK, qui sera exposé au Salon de Paris de 1919 (le premier depuis la fin de la guerre) se présentant, quant à lui, sous la forme d’un torpédo deux places (placées en position décalée). Le système d’éclairage étant, quant à lui, assez rudimentaire, puisqu’il se contente de phares fonctionnant à l’acétylène, mais il est vrai que (contrairement aux automobiles populaires), les cyclecars sont, avant tout et surtout, des engins de loisir et que leurs propriétaires les utilisent donc peu de nuit. (Même si un éclairage électrique est aussi disponible en option). A l’avant, sous son capot, se trouve un bicylindre en V d’origine Train*, d’une cylindrée de 995 cc. S’il ne peut atteindre qu’une vitesse maximale de 65 km/h, ce n’était pas du tout ridicule pour l’époque, lorsque l’on sait qu’une voiture populaire comme les premières Citroën ou les Renault d’entrée de gamme ne dépassaient guère les 80 ou 90 km/h. Même si une motorisation à la cylindrée, à la puissance ainsi qu’au comportement plus souple, un quatre cylindres de 892 cc, de fabrication SCAP, était également proposé.

Malgré sa qualité de construction ainsi que sa fiabilité, le cyclecar conçu par Jacques Muller ne rencontre guère le succès qu’il aurait, pourtant, mérité. Ceci, en grande partie, du fait d’une concurrence déjà nombreuse et assez âpre. Bien qu’il propose, par la suite, plusieurs nouveaux types de carrosseries, victime de ressources financières trop limitées, il se voit, finalement, obligé, au bout d’une aventure qui n’aura duré que trois ans à peine, de vendre sa société à Lucien Bollack. Celui-ci connaissant fort bien l’univers des cyclecars, puisqu’il travaille comme correspondant pour le magazine britannique Light Car & Cyclecar et qu’il occupe également le poste de vice-président du Cyclecar Club de France. Grâce à l’appui de l’un de ses amis, René Netter, qui devient alors son associé, il rachète l’entreprise fondée par Muller. Ce dernier continuant, toutefois, à faire partie de l’aventure, puisqu’il conserve le directeur technique de la marque qui prend alors le nom de BNC. Celle-ci s’installe dans de nouveaux ateliers situés à Levallois.

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La gamme comprenant désormais trois modèles (tous dérivés du cyclecar originel conçu par Jacques Muller). Le modèle Tourisme, réalisé sur un châssis constitué de tôles d’acier, motorisé (comme son prédécesseur) par un moteur SCAP permettant d’atteindre les 70 km/h et qui est disponible avec plusieurs carrosseries, à deux ou trois places suivant les cas. Le modèle Sport, quant à lui, reçoit un moteur Ruby Sport de 972 cc et habillé d’une carrosserie allégée. Vient enfin le modèle Super Sport, toujours équipé d’une mécanique construite par le motoriste Ruby, mais qui bénéficie, sur ce dernier, d’une distribution à soupapes en tête (ce qui est alors rare sur les voitures, surtout populaires, mais à vocation sportive, les soupapes latérales restant alors la norme). Grâce à ses performances ainsi que son poids réduit, il peut approcher (dans des conditions optimales) la barre symbolique des 100 km/h. Du fait d’un système de freinage à l’efficacité relative (surtout que seules les roues arrière sont équipées de freins). De bonnes performances pour un engin de ce genre à l’époque, qui lui permettront d’engranger quelques beaux trophées en compétition, l’une des premières victoires remportées par BNC et aussi l’une des plus glorieuses étant certainement celle remportée par les deux exemplaires engages au Tour de France Auto dans la catégorie 1 100 cc.

A l’occasion du Salon de 1923 seront présentés les nouveaux Types DZ et FZ, lesquels ne sont, toutefois, que de simples évolutions de l’ancien modèle Tourisme, avec, toutefois, leur lot de changements et d’améliorations (bien que de nature ainsi que d’importance assez diverse), la plus notable consistant, ainsi, dans une nouvelle suspension avant à ressorts verticaux et à système cantilever à l’arrière sur le FZ. La qualité de fabrication des cyclecars BNC (supérieure à certains de leurs concurrents), leurs bonnes performances, leurs prix de vente souvent assez attractifs ainsi que les succès en course contribuant à augmenter, assez rapidement, leur diffusion. D’autant qu’en plus de la région parisienne, des vendeurs de la marque s’installent bientôt aussi aux quatre coins de la France et, même, dans plusieurs autres pays européens. Conscients que c’est bien dans le domaine de la course automobile que la marque a bâti une grande partie de son image, les dirigeants de BNC décident alors d’investir encore plus celui-ci. Ce qui va se traduire par une présence dans presque toutes les épreuves, qu’elles soient d’importance nationale ou qu’elles se situent, même, simplement, à l’échelon régional ou local.

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Un choix qui va s’avérer judicieux, puisqu’en 1924, le nombre de trophées obtenus dans les épreuves de toutes sortes va, très vite, monter en flèche. Que ce soit à la nouvelle édition du Tour de France Auto, à Paris-Nice, aux 12 Heures de Madrid. Celle qui courra lors du Grand Prix des Voiturettes, qui, en 1924, se déroulera, pour la première fois sur l’autodrome de Miramas, avait été spécialement conçue en vue de cette épreuve. Toutefois, la plupart du temps, les voitures qui s’illustrent au sein des épreuves dans lesquelles s’inscrit la marque sont identiques aux modèles de série ou ne reçoivent qu’une préparation assez superficielle. Ce qui représente, néanmoins, tant pour la marque que pour ceux qui roulent en BNC, un atout : le constructeur comme ses clients pouvant, en effet, se vanter que leurs modèles sont de véritables « voitures courses homologuées sur route ».

Le modèle Super Sport qui constitue toujours le « cheval de bataille » du constructeur peut, à présent, être équipé, en option, d’un démarreur électrique, ainsi que de freins sur les roues avant (ces derniers n’étant pas inutiles, voire même plutôt indispensables, compte tenu des performances que celui-ci peut atteindre !). Le modèle Sport, de son côté, pouvant également voir le moteur Ruby remplacé par une autre motorisation, d’origine Chapuis-Dornier, d’un litre de cylindrée. Le modèle recevant alors la dénomination GCD ou GBS suivant la motorisation qui l’équipe. Souhaitant désormais concentrer l’essentiel de ses efforts sur la compétition, la direction de BNC décide alors d’abandonner la production des cyclecars au profit des « véritables » voitures, à la vocation sportive clairement assumée, voire même, pour les plus puissantes d’entre-elles, destinées presque exclusivement à la compétition. Celles-ci courant soit sous les couleurs officielles de la marque aux mains de pilotes indépendants.

Si les versions « tourisme classiques » des modèles DZ et FZ disparaissent alors du catalogue, outre les versions grand sport ou course, ces derniers sont toujours également disponibles en versions utilitaires. Comme plusieurs autres de ses concurrents (tels que Darmont et Sandford en France, ainsi que Morgan au Royaume-Uni), BNC propose également plusieurs de ses modèles dans des versions spécialement conçues pour le transport de marchandises. Il va sans dire qu’au vu du gabarit des modèles en question, la charge utile reste, évidemment, très inférieure à celle d’un utilitaire léger classique (de 75 kg sur les premières versions, jusqu’à 150 kg sur les plus abouties d’entre-elles, alors que la capacité de charge d’une fourgonnette telles que celles produites par Citroën ou Renault, atteignent, en moyenne, les 350 kg). Ce qui n’empêchera pourtant pas ces « utilitaires de poche » ou « mini-utilitaires », tels que l’on pourrait les surnommer, de connaître leur heure de gloire, notamment auprès des livreurs de journaux.

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C’est aussi à cette époque que l’homme qui peut être considéré, à de nombreux points de vue, comme le véritable fondateur de l’entreprise, Jacques Muller, décide de quitter BNC, du fait de désaccords devenus de plus en plus importants et fréquents avec Bollack et Netter. Il est vrai aussi que les accords qu’ils avaient passés avec ces derniers prévoyaient le versement de royalties, étant donné que, bien que la plupart des modèles proposés à présent par la firme aient assez bien évolués depuis le cyclecar qu’il avait créé et commercialisé sous son nom, les nouvelles BNC restent, toutefois, toujours basées, peu ou prou, sur celui-ci. Malheureusement pour Muller, malgré ses efforts et ses réclamations, il n’obtiendra jamais les sommes dues par ses repreneurs pour la licence de son cyclecar. Considérant donc cela (à juste titre) comme une rupture de contrat, il reprend alors sa liberté. Il retourne alors s’établir à La Garenne-Colombes, où il fondera une entreprise spécialisée dans les appareils de graissage. S’il diversifiera également, par la suite, ses activités et ses études dans l’aéronautique, l’automobile demeurera toujours l’un de ses principaux centres d’intérêt. Même s’il ne créera, toutefois, plus jamais de petite sportive populaire semblable à celle qui est à l’origine de la lignée des BNC.

Le nouveau Type H, apparu à la même époque et qui sera la dernière création de Jacques Muller avant son départ de BNC, servira de base pour une grande partie des nouveaux modèles de la gamme de l’année 1925. En ce milieu des années 1920, les cyclecars et autres « voiturettes » utilitaires commençant déjà à se voir supplantés par le succès rapide des utilitaires légers proposés par les constructeurs automobiles et souvent basés sur les modèles de tourisme populaires produits par ses derniers. C’est pourquoi BNC décide alors de s’engager clairement sur la voie que la marque avait déjà commencé à prendre au cours des années précédentes. A savoir de baser, à présent, toute sa politique commerciale sur la course automobile. Les engagements se multiplient et, avec eux, (assez logiquement) les trophées dans les épreuves de toutes sortes.

Si le constructeur peut compter sur ses deux meilleurs pilotes, Ivanowsky et Billiet, Lucien Bollack lui-même, qui abandonne alors le costume du patron pour la combinaison de pilote à l’occasion de certaines épreuves. Qu’il s’agisse du Grand Prix de la Marne ou de celui des Voiturettes ainsi que le Bol d’Or (pour ne citer que celles-ci), la firme BNC est alors, clairement, un acteur incontournable du monde de la course automobile, alors capable de tenir tête à des concurrents aux moyens, pourtant, parfois, nettement plus importants. Si les voitures vendues par BNC à des particuliers sont donc souvent très proches (voir, parfois même, quasiment identiques) à celles courant sur pistes ou sur circuits, il n’en reste pas moins qu’aussi performantes soient-elles, tous les acheteurs n’ont pas le coup de volant d’un pilote professionnel. Certains d’entre-eux se plaignant (à juste titre) d’une suspension à l’efficacité relative, ainsi que de freins qui finissent rapidement par avouer leurs limites, la firme décide alors de procéder, sur ces deux points essentiels, à une « remise à niveau », sur son nouveau modèle Course, motorisé par une mécanique de 1,1 litre. Afin de commémorer comme il se doit les victoires obtenues en compétition ainsi que rappeler que celle-ci constitue bien « l’ADN » de la marque, les modèles créés par BNC reçoivent désormais, systématiquement ou presque, le nom des circuits sur lesquels cell-ci a remporté ses plus grandes victoires : Miramas, Paris-Nice et Montlhéry.

Malheureusement pour BNC, cette sorte de repli sur la compétition, si elle avait, pendant un temps, fait son succès, sera aussi, par la suite, l’une des causes de son déclin. Le fait que la plupart des modèles proposés par la marque soit (comme mentionné plus haut) de véritables « voitures de course homologuées sur route » les réservent, en effet, à une clientèle, somme toute, quelque peu restreintes, acceptant de s’accommoder de conditions de conduite assez spartiates, d’un confort rudimentaire et possédant aussi une solide expérience de la conduite sportive. Les habitudes ainsi que les désirs d’une partie de la clientèle commencent déjà à évoluer. Celle-ci réclamant, ainsi, de pouvoir rouler dans des voitures plus confortables et mieux équipées, bénéficiant d’une capote digne de ce nom leur permettant, si pas de rouler en toutes saisons et par tous les temps, à tout le moins que l’usage d’une voiture, aussi sportive soit-elle, ne soit plus, nécessairement, cantonnée à celle d’un engin de loisir avec lesquels son propriétaire ne puisse guère rouler que durant la belle saison. Autrement dit, des voitures qui sont, sur bien des points, l’antithèse d’une BNC !

Finissant par prendre conscience que la marque ne pourra plus se cantonner éternellement sur le marché des sportives « pures et dures », Lucien Bollack lance alors l’étude d’un modèle populaire de 8 CV fiscaux, sans véritable vocation sportive. Malheureusement pour Bollack et (surtout) pour BNC, ce nouveau modèle ne bénéficiera (ce qui est assez curieux et guère compréhensible) sans véritable campagne publicitaire de la part de BNC. Est-ce parce qu’ayant été habitués, jusqu’à présent, à ne vendre que des petites sportives au caractère assez radical, la grande majorité des concessionnaires de la marque n’ont ni la formation, ni, même, la mentalité adéquate pour promouvoir ce genre de voitures auprès du public ? Ou que la clientèle de la marque, constituée, jusqu’ici, essentiellement (pour ne pas dire presque uniquement) d’amateurs de conduite sportive se sentant une âme de pilote, ne pouvant guère comprendre (et donc accepter) la nouvelle orientation commerciale que semblait être en train de prendre BNC et qu’elle se montrait donc « réfractaire » à cette nouvelle 8 CV populaire ? En tout état de cause, celle-ci ne rencontrera guère le succès qu’avait espéré Lucien Bollack et qui aurait sans doute permis à la firme de se remettre sur les rails.

Il est vrai aussi que le marché des voitures populaires était alors déjà complètement saturé, par des constructeurs (qu’il s’agisse des « poids lourds » de ce segment comme des « seconds couteaux ») à l’image déjà bien établie. Bien que, sur le papier, l’idée d’une BNC à la vocation moins radicale, destinée à usage au quotidien et à un public plus large, semblait fort intéressante, toutes ces raisonss expliquent sans doute assez bien que la BNC 8 CV ait manqué sa cible. (Elle ne fut d’ailleurs pas la seule dans ce cas. A la même époque et par la suite, d’autres concurrents de BNC tenteront aussi d’opérer ce virage, mais avec des tentatives qui, bien souvent, sur le plan commercial, ne seront guère concluantes).

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Ayant installé et pris la direction d’un nouveau bureau d’études, qu’il a installé à Paris, Lucien Bollack travaille alors à la mise au point d’un nouveau châssis d’un genre inédit. Celui consistant, en réalité, en un double châssis : la première partie supportant les principaux organes mécaniques (notamment le moteur et la transmission) et l’autre partie la carrosserie. Chacune partie de l’ensemble étant relié aux autres par des joints souples. Bollack a aurait eu l’idée à cause de l’état plutôt médiocre (voire assez mauvais) d’une grande partie du réseau routier français de l’époque (en particulier dans les campagnes). Ce système devant, ainsi, permettre aux éléments mécaniques comme à la carrosserie de la voiture de mieux absorber les chocs et vibrations sur ce genre de routes (en particulier lorsque la voiture roule à vitesse élevée).

Lucien Bollack est convaincu de l’efficacité de celui-ci, qui pourrait alors conférer aux futurs modèles BNC qui en seront équipés, un confort routier nettement supérieur à celui de la plupart des voitures de l’époque. A tel point qu’il tente également d’y intéresser d’autres constructeurs français à ce système (en espérant, évidemment, leur en vendre les droits d’utilisation et donc toucher, grâce à celui-ci, d’importantes royalties). Ce qui aurait, ainsi, permis de renflouer les caisses de la firme BNC. Malheureusement pour Bollack, à cause de problèmes, aussi nombreux qu’imprévus survenus pendant l’étude de celui-ci, il se verra finalement contraint et forcé de jeter l’éponge. Avec des conséquences qui (comme l’on peut aisément l’imaginer) seront assez néfastes, non seulement pour les finances de BNC que pour l’image de la marque ainsi que sa propre réputation personnelle).

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Or, les nuages commencent à s’amonceller dans le ciel de BNC : les victoires en courses se font, à présent, plus rares, ce qui, évidemment, pour un constructeur qui a tout misé sur la compétition, aura un impact direct sur les ventes. D’autant qu’avec l’échec de la populaire 8 CV ainsi que du projet du « double châssis », les moyens manquent désormais fortement pour renouveler la gamme. Malgré tout, Bollack parvient, avec ce qu’il reste dans les caisses du constructeur, à réunir les sommes nécessaires pour la conception et la mise en production d’un nouveau châssis qui constitue, en quelque sorte, pour BNC un « retour aux sources ». Ce nouveau châssis se distinguant de tous les modèles produits jusqu’à présent par sa calandre inclinée, qui va caractériser tous les nouveaux modèles sportifs produits par la firme. Au sein du catalogue de la marque, ce nouveau châssis peut être équipé, au choix, d’une mécanique d’origine SCAP ou Ruby, à côté de laquelle figure aussi une version réservée à la compétition sur laquelle se trouve montée une motorisation suralimentée, elle aussi fournie par la firme SCAP.

La nouvelle arme créée par Bollack semble bien être le joker que ce dernier ainsi que les agents et clients de la marque attendaient, puisque, dès son lancement, la firme fait alors son retour sur les podiums. Avec, entre autres, un doublé lors du Bol d’Or en 1927. Une très belle victoire qui, outre la prime qu’elle touchera à l’issue de cette victoire, permettra aussi à BNC de retrouver les faveurs de la clientèle sportive. Les finances de l’entreprise retrouvant des couleurs, la marque peut également élargir son engagement en compétition, en particulier dans des épreuves aussi médiatiques que difficiles. Au premier rang desquelles figure les mythiques 24 Heures du Mans. La firme ayant, en effet, décidé de participer à l’édition 1928. La concurrence est toutefois rude, même dans la catégorie où se trouve inscrit la voiture engagée, celle des voitures de 1 100 cc, ce qui constitue sans doute l’une des raisons pour lesquelles celle-ci ne pourra faire mieux qu’une 7e place dans sa catégorie. Lors de l’édition du Bol d’Or qui se court la même année, l’épreuve se terminera, là aussi, par une légère déception, puisque le constructeur devra se contenter, ici, d’une troisième place.

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Comme Bollack finira par s’en apercevoir, le regain, tant en ce qui concerne les ventes que les trophées en compétition, ne sera qu’éphémère et le soufflé va, assez vite, retombé. BNC se retrouvant alors à nouveau au creux de la vague, Lucien Bollack et Lucien Netter décident, finalement, de passer la main. Ce nouveau revers ayant, manifestement, eu raison de leur énergie et de leur passion comme de leurs finances.

L’industriel Charles de Ricou se montre alors intéressé par la reprise du BNC. Dans un premier temps, l’arrivée de ce nouveau repreneur redonne de l’espoir et, même, un véritable optimisme au sein des employés de l’usine de Levallois ainsi qu’au réseau de la marque. Il est vrai que l’un des premiers actes décidé par Ricou d’effacer l’ardoise de l’entreprise et, donc, de renflouer les caisses, ainsi que de renouveler l’offre du catalogue. Il est vrai qu’à partir du milieu des années 1920, BNC avait, d’une certaine façon et à certains égards, vécu sur ses acquits et que la plupart des nouveaux modèles n’étaient en réalité qu’une évolution, plus ou moins profonde (et, souvent, plus légère que profonde) des modèles précédents. Une manière de faire qui résulte, toutefois, avant tout, plus de moyens assez limités, plus que d’un manque d’esprit d’innovation.

Charles de Ricou a bien conscience qu’une très grande partie de la notoriété de BNC repose sur la course automobile et qu’il est donc indispensable que la marque maintienne, presque « coûte que coûte », son engagement en compétition. Toutefois, il réalise, lui aussi, que la firme ne peut plus tout miser sur les engagements en course, comme elle l’avait fait pendant très (voire trop) longtemps. Ricou est convaincu qu’afin de garantir son avenir, BNC se doit de proposer également, aux côtés de ses petites sportives au caractère radical, des modèles moins performants, mais aussi plus pratiques, plus confortables et mieux équipés et donc plus utilisables au quotidien.

A la différence que, contrairement à Bollack, qui avait tenté d’inscrire la marque BNC sur le marché des voitures populaires, avec la 8 CV, Ricou, de son côté, a pour ambition d’investir le marché de la voiture de luxe. Ce qui peut, toutefois, apparaître comme une gageure, pour ne pas dire un pari aussi audacieux que risqué, dans la mesure où, en cette fin des années 1920, le marché des voitures de prestige en France est déjà bien encombré et où BNC n’avait jamais été présent auparavant. Ricou semble, toutefois, convaincu de la pertinence de son projet. Les deux nouveaux modèles incarnant cette nouvelle orientation portant les noms d’Aigle et d’Acacias (faut-il y voir une éventuelle passion de Charles de Ricou pour les oiseaux ainsi que pour les arbres exotiques ou est-ce que sont les hommes du Service commercial de la marque qui en sont à l’origine ?).

Ce dernier, bien qu’elle se présente comme un modèle de grand tourisme, conserve, néanmoins, un certain accent « populaire », puisque la motorisation que l’on retrouve sous son capot est un quatre cylindres de 1,5 litre, fourni par la firme britannique Meadows. Alors que le premier cité, au contraire, s’affirme clairement comme une voiture de haut de gamme, avec son huit cylindres en ligne de 5 litres d’origine Lycoming. (Une entreprise américaine appartenant à Errett Cord, dont les moteurs, en plus de la marque portant le nom de ce dernier ainsi que de ceux de la firme Auburn, seront utilisés par plusieurs autres constructeurs français de l’époque, à l’image de Georges Irat). Si l’un comme l’autre devaient, à l’origine, être équipés d’une suspension inédite, de type pneumatique, dévoilée à l’occasion du Salon automobile de Paris en 1929, cette innovation ne connaîtra, finalement, aucune suite en série, sans doute (à l’image du « double châssis », créé par Lucien Bollack, avant) par manque de fiabilité.

Une montée en gamme visant à diversifier (et, surtout, à élargir) son public qui ne fait, toutefois, pas oublier à la firme ses origines et ce qui constitue donc, toujours, son « coeur de marché ». A savoir les voitures de sport et la compétition. Cet « esprit sportif » étant incarné par le nouveau châssis Type 527, lequel est disponible en trois versions : la première, qui reçoit l’appellation (un peu « ronflante » de Grand Sport Paris Biarritz) conserve toujours le classique moteur Ruby de 1,1 litre ; la seconde, baptisée « Monza », est équipée du quatre cylindres SCAP, bien connu, lui aussi, des clients de la marque et, en haut de gamme, de la version Montlhéry, laquelle peut être motorisée, au choix, par le moteur SCAP, à la différence que celui-ci se trouve équipé, ici, d’un compresseur Cozette ou un moteur Ruby de Type K. Auquel vient s’adjoindre un nouveau racer dont le moteur bénéficie d’une distribution à double arbres à cames en tête ainsi que d’un système de suralimentation à compresseur. Ce dernier semblant avoir été inspiré par les voitures de sport produites par la marque Lombard, ce qui n’est sans doute pas vraiment une coïncidence, étant donné que celle-ci a, elle aussi, été rachetée par Charles de Ricou.

Entre les Type 527 et Lombard, ainsi que les modèles Acacias et Aigle figurent également deux autres nouvelles BNC : le Saint-Hubert, qui se présente sous la forme d’un torpédo sportif et l’Armenonville sous celle d’un roadster. Si celui-ci fait également au moteur Ruby, la particularité principale de sa fiche technique concerne son système de freinage de type « auto-serreur » breveté par la firme, monté, en outre, sur les quatre roues. Ces deux derniers modèles étant, nettement, plus orientés vers ce que l’on pourrait appeler le « grand tourisme populaire », une catégorie qui, au sein du marché français, reste, toutefois, encore assez marginale. La grande majorité des voitures françaises de grand tourisme (dont les modèles de référence, qui feront leur apparition quelques années plus tard, seront la Delahaye 135 ainsi que les Hotchkiss et Talbot-Lago Grand Sport) étant, en effet, des modèles de grosse cylindrée destinée à une clientèle d’élite.

Ricou semblant de plus en plus dispersé son attention ainsi que ses fonds dans le rachat successif de plusieurs firmes automobiles : après BCN et Lombard vient ainsi également s’ajouter Rolland-Pilain. Ce qui, évidemment, ne va pas être bénéfique pour BNC (ni pour aucun autre des constructeurs rachetés par Charles de Ricou non plus, d’ailleurs). D’autant qu’à cela vient s’ajouter la crise économique survenue aux Etats-Unis en 1929 et qui commence maintenant à gagner l’Europe, ce qui ne va rien arranger pour les affaires de Charles de Ricou, comme pour celles de BNC. Notamment en ce qui concerne la carrière commerciale des modèles Acacias et Aigle. Lesquels, du fait du statut de « nouveau venu » de BNC sur le segment des voitures de luxe et donc du manque de « légitimité » de la firme au sein de celui-ci, souffraient donc d’un handicap assez sérieux aux yeux d’une clientèle pour qui ce critère était alors considéré comme essentiel.

La situation n’est guère meilleure s’agissant de la compétition, où (sans doute, en partie, d’une trésorerie qui s’assèche de plus en plus) les victoires se font beaucoup plus rares que par le passé, surtout dans les grandes courses nationales. Bien que la firme soit toujours présente aux différentes éditions des 24 Heures du Mans, aucune des voitures inscrites ne réussira plus à se hisser sur le podium. Si BNC peut toujours compter sur un certain nombre de pilotes amateurs pour remporter encore des trophées dans les épreuves locales et régionales, malheureusement pour le constructeur, ce ne sont pas celles-ci qui font vendre le plus. Les seules victoires significatives remportées par des pilotes au volant d’un modèle BNC étant le Bol d’Or en 1930 et 1932.

Les liens avec ceux qui étaient auparavant ses principaux fournisseurs pour les moteurs, SCAP et Ruby, ont été rompus, alors qu’un autre de ses fournisseurs dans ce domaine, Chapuis-Dornier, s’est vu contraint, de son côté, de mettre la clé sous la porte. Le bureau d’études ainsi que la direction de BNC se voient alors, ainsi, mis, d’une certaine façon, « au pied du mur », en réalisant qu’ils n’ont plus guère le choix et que s’ils veulent poursuivre la production de leurs modèles sportifs et populaires, ils doivent donc mettre, aussitôt, en chantier l’étude d’un nouveau moteur 100% « maison ». Malheureusement pour BNC ainsi que pour Charles de Ricou, qui y a investi le peu qu’il lui restait de sa fortune d’antan, ce projet n’aboutira pas.

Si le Salon automobile de Paris d’octobre 1931 verra la présentation du Type AER Vedette, motorisé par un 6 cylindres de 2 litres d’origine Rolland-Pilain, équipé d’une culasse à 18 soupapes, celui-ci, toutefois, sera le dernier auquel participera la marque, ce nouveau modèle de grand tourisme semblait, toutefois, condamné, dès le départ, à ne pas connaître un meilleur destin que les modèles Acacias et Aigle. Il s’agira d’ailleurs du dernier Salon auquel participera la marque. Un peu plus d’un an plus tard, à la fin du mois de décembre 1932, BNC doit faire aveu de faillite.

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Pourtant et contre toute attente, le constructeur aura droit à une nouvelle (et dernière) vie grâce à l’un de ses concessionnaires, le pilote André Sirejols. En 1934, ce dernier rachète les voitures restées invendues et les stocks de pièces ainsi que les droits d’utilisation du nom de la marque. Au sein de son garage, installé rue Anatole France, à Levallois-Perret, il continuera à assurer l’assemblage des modèles BNC (principalement le Type 527 et ses dérivés ou apparentés). Même si, une fois le stock de pièces dont il s’était porté acquéreur auprès des créanciers de Charles de Ricou, aura été épuisé, il sera alors contraint de trouver de nouvelles sources d’approvisionnements. C’est ainsi que l’on verra, surtout après la Seconde Guerre mondiale, des BNC construites par Sirejols avec, sous leur capot, des mécaniques quatre cylindres d’origine Ford. André Sirejols assurant également, en parallèle, l’entretien des anciens modèles de la marque.

Si l’on ignore le nombre exact de voitures qui ont été réalisées par ce dernier, ce qui est certain, ce que (plus encore qu’auparavant, du temps de Jacques Muller, Lucien Bollack et Charles de Ricou), leur assemblage devient entièrement artisanal. Sirejols ne disposant, en tout état de cause, au sein de ses ateliers de Levallois, ni de la place ni des moyens (matériels comme financiers) de produire les voitures BNC à une échelle plus grande que ce qu’elle avait été dans le passé, bien au contraire. En outre et indépendamment du contexte économique morose que connaît la France des années 1930, la mode des petites sportives « pures et dures » ou « à l’ancienne », tels que l’incarnait les BNC (ainsi que d’autres véhicules du même genre, à l’image des tricyclecars produits par Darmont et Sanford) semble bien être, en grande partie, révolue. Heureusement pour André Sirejols, outre ce dernier, il subsiste toujours un certain nombre de clients, souvent des pilotes amateurs, qui, comme lui, continueront d’entretenir la flamme, notamment à travers leur participation à différentes épreuves locales et régionales, un peu partout en France. C’est d’ailleurs au volant des BNC réalisées par Sirejols que certains futurs pilotes professionnels feront leurs premières armes au sein de l’école de pilotage ouverte à côté du circuit de Montlhéry.

Il poursuivra l’assemblage ainsi que l’entretien des modèles de la marque BNC jusqu’au milieu des années 50. (Même si, sur ce point, certaines autres sources mentionnent que l’activité n’a pris fin qu’à la fin des années soixante, voire même qu’elle se serait poursuivie jusqu’en 1976, année du décès d’André Sirejols à l’âge de 73 ans). Lucien Bollack, l’homme qui fut à la tête de BNC durant l’âge d’or de la marque, quant à lui, est décédé en 1969, à l’âge de 77 ans.

Philippe ROCHE

Photos WKIMEDIA WHEELSAGE

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