TOYOTA LAND CRUISER J50

TOYOTA LAND CRUISER STATION WAGON – Le premier SUV japonais.

Si « l’invasion » des constructeurs japonais a réellement débuté en Occident (tant au sein de l’Ancien que du Nouveau Monde) dans le courant des années 70, ce que beaucoup oublient ou ignorent, c’est que, la véritable « carte maîtresse » des constructeurs nippons fut, bel et bien, les tout-terrains. Il est vrai que, dans ce créneau, la tâche leur fut d’autant plus facilitée par le fait que, en ce qui concerne les marques européennes, à l’exception notable du Land Rover, le marché était presque entièrement vierge. En particulier en ce qui concerne les 4×4 dits « de haut de gamme » ou de « classe supérieure », c’est-à-dire ceux offrant des capacités en hors piste digne de celles des engins militaires ainsi qu’un niveau d’équipement et de confort qui n’avait rien ou presque à envier à celui d’une berline grande routière.

Au début des années 60 (soit presque dix ans avant le Range Rover), le Jeep Wagoneer avait été le pionnier du genre et les autres constructeurs américains, comprenant, eux aussi, rapidement, que, bien que le genre soit entièrement nouveau, le marché énorme que celui-ci pouvait représenter, n’ont pas tard, eux aussi, à s’engouffrer dans la brèche. Il en sera ainsi de General Motors avec le Chevrolet Blazer, Ford avec le Bronco, Chrysler avec le Dodge Ramcharger ainsi que d’autres constructeurs, peu voire inconnus chez nous, comme International Harvester (surtout actif jusque-là dans le secteur des poids lourds et des machines agricoles avec le Scout. La plupart d’entre-eux restant toutefois réservés aux marchés d’Amérique du Nord ou n’étant importés en Europe qu’au compte-goutte, leur gabarit ainsi que leurs prix d’achat comme leur consommation les rendant souvent inadaptés ou hors de portée des usages et du pouvoir d’achat du public européen.

Lorsque les Japonais commencent à produire leurs premiers tout-terrains, au début des années 50 (alors que le pays est toujours sous occupation américaine, après sa défaite cuisante à l’issue de la Seconde Guerre mondiale), ceux-ci ne sont quasiment que des « copiés-collés » des Jeep de l’Armée américaine. Etant avant tout destinés à la Police ainsi que la Garde Civile japonaise, elles ne sont guère destinés et n’ont d’ailleurs pas vraiment de quoi séduire la clientèle civile. En Europe comme au Japon, si vous n’étiez pas gendarme ou pompier dans les zones rurales ou au fin fond de la cambrousse, garde ou exploitant forestier ou encore militaire de carrière, vous n’aviez l’occasion de prendre le volant de ce genre de véhicule que durant votre service militaire. Imaginez un tout-terrain capable de gravir ou descendre les collines les plus escarpées tout en étant équipé de sièges en cuir, de vitres électriques ou encore de la climatisation relevait carrément de la science-fiction.

Il faudra attendre le lancement du Range Rover, en 1970, pour que l’idée d’un tout-terrain « de luxe » commence à faire son chemin au sein des bureaux d’études et des dirigeants des constructeurs européens. Ces derniers ne semblant, toutefois, pas avoir observé l’ampleur du phénomène que ceux que l’on appelait pas encore à l’époque les SUV avait pris de l’autre côté de l’Atlantique, car le premier vrai concurrent européen du Range, le Mercedes Classe G, entendra près de dix ans (jusqu’en 1979) pour faire son entrée. La mode de ce que l’on appelle alors couramment, à cette époque, les recreative vehicles, se répand comme une traînée de poudre au pays  de l’oncle Sam et au sein de l’empire du Soleil Levant, les constructeurs, très attentifs à ce qui se passe chez leurs vainqueurs et anciens ennemis (et pour cause, car ils commencent déjà à nourrir l’ambition de réussir à se faire une place dans ce qui représente alors le premier marché automobile du monde).

Si leurs modèles de production courante ne sont alors que des « ersatz » d’américaines et s’ils passent déjà à l’époque pour de « vils copieurs » de ce qui se fait chez les constructeurs occidentaux (un cliché qui plus est teinté d’une certaine dose de racisme), cela ne les empêchera pourtant pas, assez rapidement, de trouver leur place sur les marchés étrangers et ce, partout dans le monde. En tout cas, le marché japonais, bien qu’encore à cent lieues de l’importance de celui des Etats-Unis, est alors, lui aussi, en pleine expansion et présente plus de similitudes qu’il n’y paraît avec ceux des pays occidentaux. C’est pourquoi Toyota, qui occupe déjà en ce temps-là la première marche du podium des constructeurs nippons est bientôt persuadé qu’il y a aussi, sur le marché intérieur ainsi que dans ceux des autres pays d’Extrême-Orient, un marché ainsi qu’une demande réelle pour un véhicule « deux en un » qui, à l’image des gros breaks à quatre roues motrices produits en masse par les grands constructeurs de Detroit, pourraient permettre de traverser les terrains les plus difficiles sans pour autant faire souffrir le martyr aux vertèbres de ses occupants en cas d’utilisation prolongée hors des sentiers battus.

TOYOTA LAND CRUISE J60 et SERIE 4

C’est en 1967 qu’est ainsi dévoilé celui qui sera le premier tout-terrain japonais à pouvoir prétendre concurrencer les SUV américains : le Land Cruiser Station Wagon (ou SW en abrégé, une appellation choisi afin de le différencier du Land Cruiser originel, le Série 4. Ce dernier restant très proche, pour l’esprit comme dans les lignes, de la Jeep de la Seconde Guerre mondiale et qui reste donc bien ce que l’on peut appeler un 4×4 « pur et dur ».

A signaler que si le terme de SUV est employé ici, c’est avant tout parce qu’il est plus parlant aux esprits d’aujourd’hui que celui de Recrative Vehicles, il n’a toutefois pas véritablement la même signification pour les tout-terrains des années 60 et 70 que pour ceux d’aujourd’hui. Si un grand nombre de tout-terrains d’aujourd’hui (quels que soient leurs constructeurs, leur origine ainsi que leur gabarit ou le moteur que l’on trouve sous leur capot), malgré leur allure de chars d’assaut et leur garde au sol à la hauteur non négligeable, leurs propriétaires hésiteraient sans doute fortement à s’aventurer avec eux hors des routes goudronnés. Non seulement par peur d’abîmer la peinture ou de cabosser leur belle carrosserie mais aussi parce qu’ils craignent que, hors des sentiers battus, ils y avoueraient assez vite leurs limites. Pour ne pas dire que leur allure n’est guère (voire pas du tout) en rapport avec leur vocation et qu’ils n’ont donc de baroudeur que le look. Contrairement à la plupart de leurs descendants, le Land Cruiser « XXL », à l’image de ses concurrents américains (et comme le sera, elle aussi, la première génération du Range Rover) peut, cependant, encore revendiquer d’être un tout-terrain « digne de ce nom ». C’est-à-dire qui n’a pas peur de se salir les roues ni la carrosserie et que rien (ou presque n’arrête lorsqu’il s’agit de tracer sa route à travers champs, bois et forêts. Ni les rivières ni les pentes escarpées, ni les rochers, ni les troncs d’arbre.

Recevant l’appellation J50, ce premier 4×4 familial de haut de gamme produit par un constructeur nippon présente une allure archi-classique de gros break utilitaire pour l’habitacle ainsi qu’une proue dont les deux phares ronds placés aux extrémités supérieures de la calandre ainsi que le museau en forme de « groin » en font un fameux bestiau à l’allure plutôt impressionnante. Si son allure s’avère plus moderne que celui des précédents tout-terrains produits par Toyota, il conserve toutefois encore, au niveau du capot, des ailes séparées (qui se fondent avec les bas de caisses au niveau des portières), une réminiscence esthétique de ses prédécesseurs. S’il présente déjà un potentiel non négligeable et même fort intéressant en usage hors piste (notamment avec son imposant six cylindres de quatre litres de cylindrée), ce Land Cruiser SW premier du nom ne sera toutefois jamais vendu (en tout cas officiellement) en France (même si certains catalogues de la marque en font pourtant mention, aux côtés du Land Cruiser Série 4). A la fois par le fait qu’il est essentiellement destiné aux marchés japonais ainsi qu’à ceux des pays émergents et aussi qu’en cette fin des années 60 et même durant la plus grande partie des années 70, la notoriété des constructeurs japonais dans l’hexagone n’en est encore (pour employer le terme en vigueur dans le secteur de la construction) qu’au niveau des fondations.

Si La société SIDAT, qui s’occupe à l’époque de l’importation et de la diffusion des modèles de la marque dans l’hexagone a parfaitement conscience du potentiel des tout-terrains de la marque (surtout en France, où, en dehors de quelques courageux artisans comme Cournil, il n’existe alors aucun 4×4 « tricolore »). L’importateur considérant qu’en plus de cela, au vu des dimensions conséquentes du « J50 » ainsi que sa gourmandise assez conséquente en carburant, celui-ci n’aurait guère de chances sur le marché français. Le « petit » Land Cruiser ne débutera d’ailleurs sa carrière dans l’hexagone qu’à partir de 1974 et s’il rencontre rapidement un succès certain, tant dans les campagnes que sur les routes de montagne aux quatre coins de la France, sa diffusion reste toutefois sans comparaison avec celle que connaissent les RAV4 et Land Cruiser actuels. Dans la France giscardienne, les 4×4 (tous genres confondus) restent des véhicules de niche. Les qualités de franchissement ainsi que la robustesse des Land Cruiser HJ et BJ 40 (qui égalent, voire surpassent même sur certains points, ceux des Jeep et Land Rover) ainsi que l’image de marque de Toyota comme des autres constructeurs nippons qui se construit et s’élèvent rapidement tout au long des années 70 finissent toutefois par convaincre la direction de la SIDAT qu’il y a désormais une clientèle suffisamment importante sur le marché français pour les SUV « made in Japan ».

Lorsque le J50 prend finalement sa retraite en 1980 et cède alors sa place à la nouvelle génération du Land Cruiser SW (lequel reçoit, en toute logique, la dénomination J60), celui-ci est intégré à la gamme française dès l’automne 1981. Plus qu’un modèle entièrement nouveau, il s’agit plus et avant-tout d’un J50 habillé d’une carrosserie aux lignes modernisées. Il n’y a qu’à observer sa fiche technique pour le constater : même architecture à châssis séparé « taillé dans le granit », tout comme les suspensions (qui restent confiés à de solides mais tout aussi antiques essieux rigides et ressorts à lames). Si le Land Cruiser « small » n’a jamais pu se vanter et semblait même rejeter énergiquement toute notion de modernité, son « grand » frère (en terme de taille, pas d’ancienneté) ne peut guère prétendre à mieux. En dehors d’offrir une plus grande habitabilité (que ce soit pour les passagers ou les bagages) ainsi qu’un physique plus dans l’ère du temps, il se contente d’y ajouter des sièges et des banquettes aux assises et aux dossiers plus épais ainsi qu’un équipement à la page. Sans oublier une puissance en rapport avec son gabarit.

TOYOTA LAND CRUISER J60

Si, comme son prédécesseur, le J60 reste fidèle au six cylindres en ligne, ce dernier y ajoute une évolution bienvenue, surtout sur le marché français : l’apparition d’une version Diesel (nom de code HJ60), qui sera d’ailleurs la seule disponible dans l’hexagone. Ayant su analyser avec attention et pertinence les habitudes ainsi que les attentes et les besoins du public en France, les Japonais avait parfaitement compris et très tôt que pour pouvoir pétendre devenir les égaux complets des constructeurs européens, l’une des clés essentielles était de proposées, sur tous leurs modèles populaires, au moins une motorisation fonctionnant au gazole. En particulier sur les véhicules utilitaires (au sens large du temre) et en France, de plus en plus d’usagers s’y étant, en effet, convertis après les deux chocs pétroliers et la flambée des prix de l’essence. Toyota ayant également compris que si l’importateur SIDAT a préféré renoncer à commercialiser le « grand » Land Cruiser sur le marché hexagonal, c’est, notamment, à cause de l’absence de ce genre de mécanique Avec, comme sur le J50, une cylindrée confortable de près de quatre litres pour une puissance de 105 chevaux et une vitesse de 130 km/h, ce qui représente un rapport ch/l assez « confortable » pour une motorisation Diesel au début des années 80.

Contrairement à ce qui avait le cas sur les premières voitures de tourisme équipées de ce type de moteur (telles que les Peugeot 403 et 404 dans les années 50 et 60), le Land Cruiser HJ60 ne doit pourtant pas se contenter d’un équipement et d’une présentation au rabais. La direction assistée ainsi que le garnissage intégral en moquette des planchers font ainsi partie de la dotation de série, ce qui (il faut le rappeler) représente un vrai luxe pour un tout-terrain à l’époque. Il suffit d’ailleurs de comparer son habitacle avec celui d’un Range Rover ou d’un Mercedes Classe G pour se rendre compte que leur rival japonais n’a rien (ou, en tout cas, pas grand-chose) à leur envier. S’offrant même le luxe d’offrir des prestations identiques en tout-terrain avec un confort tout aussi grand, le tout, cependant, pour un prix et une consommation en carburant nettement moins élevées.

Comme ce fut longtemps le cas pour Land Rover après le lancement du Range, la principale préoccupation pour Toyota pour le Land Cruiser HJ60, durant les premières années de sa carrière, sera de satisfaire la demande. Même si la plus grande partie de celle-ci ne concerne pas le marché français ni même européen, mais ceux de pays ou continents souvent beaucoup plus reculés, comme le Sud-Est Asiatique, l’Afrique, l’Inde, l’Australie et l’Amérique Latine, où ses capacités, tant en terme de charge utile que de franchissement ou d’endurance, feront merveille. Les marchés occidentaux ne sont toutefois pas oublier pour autant et, conscient que si la concurrence reste encore assez clairsemée, le marché du tout-terrain de « standing », sous l’impulsion du Range Rover ainsi que Mercedes Classe G, qui furent les pionniers en la matière au sein des constructeurs européens, commence à prendre de l’ampleur.

L’arrivée en France des concurrents directs du Land Cruiser, le Datsun/Nissan Patrol et le Mitsubishi Pajero, montre d’ailleurs que, dans un avenir qui pourrait bien être assez proche, la concurrence et donc la lutte pour conquérir de nouvelles parts de marché sera rude. C’est pourquoi Toyota s’emploie, au fil du temps, à peaufiner le Land Cruiser Station Wagon, en l’équipant, à partir de l’année-modèle 84, d’une boîte à cinq rapports et en proposant même, à partir du millésime suivant, avec une transmission automatique à quatre rapports. Apportant ainsi la preuve que, à l’époque déjà et y compris sur ses tout-terrains, le constructeur japonais savait faire preuve d’innovations parfois inattendues. Le Land Cruiser J/HJ 60 étant, en effet, parmi les tout-terrains made in Japan, le premier à être équipé d’une transmission de ce type. Celle-ci est, évidemment, avant-tout destiné à certains marchés étrangers (au premier rang desquels figure, bien entendu, celui d’Amérique) et, en France (aussi bien sur les 4×4 que sur les voitures de tourisme), elle ne sera jamais fort prisée par la plus grande partie de la clientèle.

TOYOTA LAND CRUISER J60

Néanmoins, celle-ci constitue l’un des premiers signes, ou « indices », indiquant clairement que le Land Cruiser (à l’image, d’ailleurs, de ses concurrents, toutes origines confondues) ne restera sans doute pas éternellement, sur bien des points, une « simple version XXL » du Land Cruiser Série 4. Le 4×4 « pur et dur » qu’il était à ses débuts, encore très emprunt (malgré les progrès notables qu’il a apporté par rapport à ses prédécesseurs) de l’esprit baroudeur des tout-terrains des origines, va, en effet, finir se muer en une véritable limousine à quatre roues motrices. Sur le plan esthétique aussi, le Land Cruiser J60 commence à évoluer, bien que ce soit surtout par petites touches. Pour l’année-modèle 86, les pare-chocs sont à présent chromés, celui à l’arrière étant redessiné, devient plus proéminent et intègre à présent, en son centre, un marchepied ainsi que des feux antibrouillard sur ses côtés. Les roues recevant également des jantes au dessin plus travaillé et donc d’aspect moins « utilitaire ». Les flancs recevant, quant à eux de nouvelles décorations adhésives apportant un (léger soupçon de) caractère plus « fun » à ce baroudeur aux lignes encore presque taillées à la hache et qui, même lorsqu’il revêt une teinte plus vive comme le rouge écarlate ou le bleu « azur », demeure aussi sexy que Rambo. L’habitacle restant, lui, pour le moment inchangé, le seul changement notable étant le montage d’un nouveau volant comportant seulement deux branches au lieu de trois précédemment.

La première évolution significative interviendra cependant à l’occasion du millésime 1987. Celle-ci étant d’ailleurs suffisamment importante pour que le Land Cruiser « SW » change de dénomination et reçoive ainsi le nouveau nom de code interne HJ61. Une évolution qui, dans un premier temps, ne concerne que l’aspect technique, le six cylindres en ligne, (toujours Diesel mais recevant, à présent, un turbocompresseur) voyant ainsi sa puissance passée à 136 chevaux et sa vitesse de pointe atteindre les 155 km/h. Un gain de puissance qui n’est pas inutile et même fort bienvenu, non seulement en raison des terrains difficiles que le bestiau est souvent amené à affronter (surtout dans les pays les plus lointains et les recoins les plus inhospitaliers de la planète) mais aussi, tout simplement, en raison de son poids à vide qui reste conséquent. Cette évolution mécanique bénéficiant d’ailleurs également à la consommation, en baisse sensible grâce à une alimentation désormais assurée par un système d’injection directe, ce qui est alors une première mondiale pour un véhicule roulant au gazole (la première voiture de tourisme Diesel à en être équipée sera la Fiat Croma Turbo D i.d., qui ne sera toutefois présentée que près de deux ans plus tard).

Esthétiquement, cette nouvelle version se reconnaît aux inscriptions « Turbo » apposées sur la calandre et sur les flancs. Dans l’habitacle, l’équipement s’enrichit sensiblement, avec l’apparition de glaces électriques, du verrouillage centralisé, ainsi que des sièges avant dotés d’une suspension réglable (similaire à celle que l’on trouve dans les cabines des poids lourds). Extérieurement, le changement le plus significatif a cependant lieu à l’automne 87, avec le remplacement des deux phares ronds par quatre phares carrés et l’habitacle reçoit un nouveau tableau de bord adoptant un style plus moderne et moins carré (surtout dans sa partie supérieure, avec une casquette formant une sorte de « vague » au dessus des cadrans, même s’il conserve un grand nombre d’éléments de l’ancienne planche de bord). C’est sous cette forme que le Land Cruiser J60/HJ61 quittera la scène à la fin de l’année 1989, en tout cas en ce qui concerne les marchés occidentaux, puisque sa production se poursuit au Venezuela et qu’il continuera ainsi sa carrière en Amérique Latine jusqu’en 1992.

A l’aube des années 90, sur le marché français comme européen, l’offre en matière de tout-terrains de prestige n’est guère plus développée que ce qu’elle était lorsque le Land Cruiser Station Wagon y a débarqué, dix ans plus tôt. Parmi les modèles qui occupent celui-ci, le Range Rover et le Mercedes Classe G sont alors à couteaux tirés dans ce segment et jouent, à présent, ouvertement la carte de la surenchère. Celle-ci ne concernant d’ailleurs pas que l’habitacle mais aussi les motorisations, avec, pour le premier, toujours plus de cuir fait main, d’appliques en bois précieux ainsi que d’équipements électriques (vitres, toit ouvrant et sièges avant, lesquels deviennent même chauffants et massants) et, pour les secondes, des 6 cylindres et, surtout, V8 qui ne cessent de gagner des chevaux.

Si le Land Cruiser Station Wagon, bien que figurant dans la même catégorie que ces derniers, se placent un cran en-dessous, tant en terme de puissance que de niveau d’équipement, Toyota a, cependant, bien compris que, désormais, s’ils se doivent de toujours offrir de véritables capacités en tout-terrain, aux yeux de la clientèle, c’est bien le confort et l’équipement qui priment. Plus encore sur le marché américain, qui reste évidemment le premier marché mondial pour les 4×4 de haut de gamme et où, si un constructeur étranger veut avoir une chance de se faire une place, il n’a d’autre choix que de suivre le mouvement. En clair de se faire plus costaud et de s’embourgeoiser.

TOYOTA LAND CRUISER J80

Bien que les SUV américains n’aient, en dehors de quelques exceptions notables, jamais franchis l’Atlantique, ou, en tout cas, n’y étaient importés qu’au compte-goutte, l’arrivée de la nouvelle (et première) génération de la Jeep Grand Cherokee (qui succède à la première génération de la Wagoneer, laquelle a pris une retraite bien méritée après une carrière longue de près de trente ans) illustre bien que les constructeurs américains avaient compris qu’il pouvait aussi y avoir en Europe un marché pour certains de leurs modèles. Autant de raisons pour lesquelles le Land Cruiser SW nouvelle génération se doit de se mettre à la page afin de pouvoir soutenir la comparaison face à ses rivaux.

Commercialisé sur le marché français à l’été 1990 (après avoir été dévoilé, en avant-première, au Salon de Tokyo en octobre de l’année précédente), l’évolution par rapport est significative. D’abord en termes de taille (avec un empattement rallongé de 12 cm mais avec, toutefois, une longueur totale qui augmente de seulement 9 cm, à cause de porte-à-faux sensiblement réduits ; ainsi que 10 cm de plus en largeur). Une augmentation en taille qui, évidemment, ne manque pas d’avoir un impact non négligeable sur la balance, le nouveau Land Cruiser SW J80 accusant pas moins de 2,3 tonnes sur la balance !

Comme pour son prédécesseur, il n’est commercialisé chez nous qu’avec une motorisation Diesel (prenant alors l’appellation HDJ80), laquelle, étant donné le poids conséquent de cette nouvelle monture, voit sa cylindrée ainsi que sa puissance augmentées, passant ainsi à 4,2 litres et 167 chevaux. Concernant la suspension, si elle comprend toujours deux essieux rigides, ceux-ci sont désormais assistés par des ressorts hélicoïdaux (bien plus modernes que les antiques ressorts à lames) ainsi qu’un guidage par quatre bras, à l’avant comme à l’arrière, cette dernière étant également complétée par une barre de type Panhard). Quant au système de freinage, il est constitué de disques, qui plus est, ventilés, sur les quatre roues (une caractéristique que la plupart des tout-terrains, y compris ceux de classe supérieure, sont encore loin d’offrir).

TOYOTA LAND CRUISER J60

Cette évolution vers toujours plus de luxe et de puissance éloigne toutefois, assez fortement, le J/HDJ80 de l’esprit d’origine de deux premières générations du Land Cruiser Station Wagon, celui d’un baroudeur, un vrai. Même s’il ne fait, en cela, que suivre le même chemin que prennent, à la même époque, ces principaux concurrents. Est-ce parce que son constructeur a conscience qu’il est peut-être devenu « un peu » trop luxueux ou afin de suivre, là aussi, la même évolution que la concurrence ? Toujours est-il que, contrairement à l’ancien J60, qui ne fut vendu que dans une seule et unique version, son remplaçant, de son côté, se voit proposé en deux niveaux de finition : GX et VX. Cette dernière, représentant évidemment la version haut de gamme, se voyant dotée d’un équipement qui n’a pas grand-chose à envier à celui de ses rivaux : volant en cuir, climatisation, chauffage individuel des places arrière, jantes en alliage, toit ouvrant et rétroviseurs électriques, treuil mécanique ainsi qu’un troisième rangée de sièges, portant ainsi la capacité d’accueil du Land Cruiser à sept passagers (chauffeur compris). A l’exemple du Range et du Classe G, le vaisseau amiral de la gamme tout-terrain de Toyota passe à présent le plus clair de son temps sur le macadam des autoroutes et des nationales voire même des beaux quartiers des grandes villes plutôt que dans les chemises caillouteux ou boueux des campagnes ou le sable du désert.

TOYOTA LAND CRUISER J80

L’année-modèle 1993, qui voit l’entrée en vigueur de nouvelles normes antipollution qui ont pour effet de faire baisser sensiblement la puissance du six cylindres, de 167 à seulement. Au début de l’été de la même année, le Land Cruiser J80 voit sa vocation première de « limousine à quatre roues motrices » encore accrue par l’apparition d’une nouvelle finition encore plus luxueuse, la VXV. Le dernier V de l’appellation faisant référence au viscocoupleur qui équipe sa transmission. C’est avec cette nouvelle version que le Land Cruiser roule désormais en permanence en quatre roues motrices. Au niveau de l’équipement, celle-ci se distingue par le montage en série d’une sellerie en cuir, de sièges avant à réglage électrique, d’une transmission automatique ainsi que de l’ABS.

TOYOTA LAND CRUISER J80

Si, notamment en ce qui concerne l’esthétique, le Land Cruiser J80 pouvait se targuer d’être plus moderne que ses concurrents anglais et allemands, la mise à la retraite, en 1995, du Range Rover « Classic » et de son remplaçante par une nouvelle génération (nom de code P38), si elle ne va pas jusqu’à obliger Toyota d’en faire de même, amène toutefois celui-ci à procéder à une légère remise à niveau du Land Cruiser Station Wagon. Sur le plan esthétique, celle-ci se limite toutefois, extérieurement, à une calandre ainsi qu’un pare-chocs avant redessinés et, à l’intérieur, à une nouvelle planche de bord qui (nouvelles normes sécuritaire obligent) est à présent doté de deux airbags frontaux pour le conducteur et le passager.

TOYOTA LAND CRUISER J80

Faut-il y voir un moyen de lutter contre une concurrence qui, en ce milieu des années 90, sur le marché européen, commence alors (vingt-cinq ans après l’apparition du Range Rover) à se développer et donc de la nécessité de monter toujours plus en gamme afin de rester dans la course (et surtout en tête du peloton) ? En tout cas, si, jusqu’ici, il n’avait été vendu sur le marché français qu’avec une unique motorisation Diesel, la version essence du six cylindres fait finalement son apparition chez nous. Affichant une confortable cylindrée de 4,5 litres et une puissance alors tout aussi respectable de 205 chevaux, il va sans dire que le niveau de sa consommation en carburant est évidemment en rapport et que ses ventes dans l’hexagone demeureront assez « anecdotiques » (pour ne pas dire confidentielles). La version Diesel, grâce au montage d’une nouvelle culasse à quatre soupapes par cylindre, voit sa puissance augmentée à 170 chevaux.

TOYOTA LAND CRUISER J80

A l’image de son prédécesseur, si la carrière du Land Cruiser SW J80 cesse au Japon ainsi que sur les marchés occidentaux (Etats-Unis et Europe) en 1998, il restera en production au Venezuela pendant encore pas moins de dix ans, jusqu’en 2008 Une prolongation de carrière, au pays de Hugo Chavez comme dans celui des pays voisins d’Amérique du Sud sans doute due, en grande partie, au fait que, bien qu’il fasse, là-bas aussi (et peut-être plus encore que chez nous) figure de tout-terrain de luxe, ses capacités en tout-terrain étaient suffisamment grande pour y affronter l’état du réseau routier (ou de ce qui en tenait souvent lieu). Plus, en tout cas, semble-t-il que celles de son successeur, le J100, qui arrive en France au printemps 98.

TOYOTA LAND CRUISER J100

Comme cela été le cas pour celle qui l’avait précédé, cette nouvelle génération du « grand » Land Cruiser a été conçue, avant-tout et surtout en fonction des attentes et des goûts du marché américain (lequel reste, à l’époque et aujourd’hui encore) le premier marché des gros tout-terrains haut de gamme ainsi que les nouveaux modèles dévoilés, entretemps, par la concurrence, les nouveaux venus dans la catégorie des SUV de prestige ayant, entre autres, pour noms Mercedes ML et BMW X5. Outre le fait que ses rivaux « historiques » en étaient déjà équipés (souvent, comme dans le cas du Range Rover « Classic » depuis son lancement) et que ces nouveaux concurrents en sont aussi équipés dans leurs versions les plus puissantes, le « maître-étalon » en matière d’architecture mécanique pour les plus cossus des tout-terrains n’est plus (et depuis longtemps déjà) le six cylindres mais bien le V8.

TOYOTA LAND CRUISER J200

Ce qui explique que ce sera cette motorisation que l’on retrouvera sur la version la plus puissante et luxueuse du J100 En l’occurence, un imposant bloc de 4,7 litres développant 235 chevaux, qui ne provient d’ailleurs pas de la gamme de motorisations de Toyota mais de celle de sa filiale haut de gamme Lexus (plus exactement de la berlien LS400). C’est d’ailleurs sous ce nom qu’il sera vendu sur le marché américain, recevant au pays de l’Oncle Sam le nom de baptême LX 470. Si les six cylindres sont toujours au programme, il ne constitue plus, maintenant, que les versions d’entrée de gamme, ce qui ne l’empêche toutefois pas de bénéficier d’une remise à niveau qui permet de faire grimper sa puissance au-dessus de la barre des 200 chevaux (203 exactement). Ce qui représente alors un record sur ce genre de véhicules pour une motorisation Diesel. Dans les deux cas, comme le résume très clairement l’un des slogans publicitaires de l’époque : « Le Land Cruiser Station Wagon franchit un nouveau sommet du tout-terrain » !

TOYOTA LAND CRUISER J300

Cette quatrième génération du Land Cruiser SW sera remplacée, à son tour, en 2002, par une cinquième mouture. Celle-ci connaîtra la plus longue carrière de toutes les générations du « grand » Land Cruiser, puisqu’elle durera pas moins de 13 ans, jusqu’à l’été 2021. Un signe qui indique clairement à quel type de marché elle est à présent destinée en priorité, ce sera à Dubaï que sera dévoilée la sixième et actuelle génération du Land Cruiser Station Wagon, le J300, en juin dernier.

Philippe ROCHE

Photos DR

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