ZIL 111G à 41107 –Luxe capitaliste dans la patrie du communisme (II)

En 1963, alors que les débuts de sa carrière remontent à sept ans déjà (en tenant compte de la date de sa première présentation en 1956), même si, en tout cas en ce qui concerne la production automobile a moins d’importance et d’effets que dans les pays occidentaux, le bureau d’études et les dirigeants de la marque, décident d’offrir une cure de rajeunissement à la ZIL 111. Un lifting qui touche surtout la partie avant. Recevant pour l’ occasion la nouvelle appellation 111G, le dessin de sa proue s’ inspire désormais de celui des Cadillac 1961 et 1962. En plus de la nouvelle calandre à l’ avant, qui comporte à présent quatre phares, à l’ arrière, les ailerons, qui, aux Etats-Unis, sont déjà passés de mode et dont la taille tend à se réduire sans cesse un peu plus au fil des années, avant de disparaître complètement sur les voitures américaines au milieu de la décennie) sont, à présent, de taille moins grande et la décoration latérale (moulures et baguettes chromées) sur les flancs est maintenant simplifiée. La production de cette seconde génération de limousines ZIL sera toutefois fort limitée, puisque, malgré une carrière longue de onze ans, 112 exemplaires seulement en seront construits jusqu’ en 1967. A cette date, la limousine 111G, ainsi que le cabriolet 111V s’effacent tous deux pour laisser la place à la nouvelle ZIL 114.

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Dévoilée à l’automne 1967, le nouveau vaisseau amiral de la production automobile russe s’est, là aussi, inspirée, pour le dessin de ses lignes, des américaines full-size contemporaines, en particulier les modèles haut de gamme du groupe Chrysler comme les Imperial. Recevant, comme la 111, sous son capot, un moteur V8 en alliage léger, le moteur qui équipe la ZIL 114 semble suivre une évolution similaire à celle des modèles de Detroit, puisque sa cylindrée suit une courbe ascendante, celle-ci atteignant maintenant près de 7 litres (6 959 cc) et une puissance de 300 chevaux. Une puissance qui, malgré un poids à vide de plus de trois tonnes (3 085 kg exactement), atteint sans grande difficulté les 190 km/h. Le reste de la fiche technique, elle, en dehors de l’ adoption de freins à disques sur les quatre roues, demeure, globalement, inchangée par rapport à celle de sa devancière. Si, dans un premier temps, elle n’est disponible qu’en une seule version, la limousine longue (pas moins de 6,30 mètres), en juin 1971, le catalogue s’enrichit d’une nouvelle version à empattement raccourci, la ZIL 117 (dont la longueur entre les deux essieux n’est plus que de 3,26 m contre 3,88 m). Bien que plus courte que la limousine 114, la ZIL 117 affiche tout de même une longueur totale de 5,78 mètres, soit autant que les plus grandes berlines américaines telles que les Cadillac ou les Lincoln). L’ancienne décapotable 111V, elle, restera pendant plusieurs années sans descendance au sein de la gamme ZIL, sa remplaçante, la 117V n’ étant présentée qu’ en 1972. Comme son appellation le laisse indiquer, contrairement à celle dont elle prend la succession, qui avait toujours bénéficier de l’empattement le plus long des modèles de la gamme, le nouveau cabriolet ZIL, lui, est réalisé sur base de la version à empattement court. Si les ZIL décapotables, bien que figurant inévitablement dans toutes les cérémonies officielles de l’Union Soviétique ainsi que dans de la plupart des pays du bloc de l’ Est, toujours été plus rares que les limousines, la carrière de la 117V sera plus confidentielle encore que celle de sa devancière, puisque, selon certaines sources, il n’en aurait été construit, en tout et pour tout, que neuf exemplaires entre 1972 et 1985. Après la présentation de la 117V, les ZIL 114 et 117 ne connaîtront plus guère de changements notables jusqu’ à la fin de leur carrière.

Si les modèles de la série 114 et 117 furent produits jusqu’ en 1985, sa remplaçante fut présentée dès 1978. Recevant l’appellation 115, cette quatrième génération des limousines ZIL (Aussi connue sous sa dénomination d’usine, Type 4104) reprenait, dans les grandes lignes, le dessin de sa devancière, même si la carrosserie présentait des formes encore plus anguleuses que celles de l’ancien modèle. Comme pour tous les précédents modèles du constructeur, l’inspiration était, une fois encore, à chercher du côté des grandes berlines produites par les constructeurs américains. A tel point que si, à cette époque, l’une de ces limousines russes s’était un jour égarée dans les rues d’une grande ville américaine, comme New York, elle n’aurait eu aucun mal à se fondre dans la circulation, les autres conducteurs risquant facilement de la confondre avec une Lincoln Continental ou Town Car, tant la similitude de lignes entre les deux étaient frappantes. Encadrée par quatre phares ronds enchâssés dans des logements de forme rectangulaire, la calandre, elle aussi de forme rectangulaire, imposante et proéminente, vise sans doute à renforcer encore un peu plus l’air statutaire de la voiture. Si son dessin, qui inspirera aussi celui de la calandre de la Lada 2107 (présentée en 1982), a probablement puisée son inspiration auprès des Rolls-Royce, ainsi que celles des luxueuses américaines de l’ époque, le résultat de son adaptation par les stylistes russes n’est toutefois pas non plus sans évoquer (pour la ZIL comme pour la Lada) la grille d’un appareil de climatisation industrielle.

Il semble toutefois que, durant les sept premières années de sa carrière, elle n’ait été produite qu’en un faible nombre d’exemplaires. Ce n’est qu’en 1985, lorsque les anciennes ZIL 114 et 117 quittèrent la scène, que la production de la ZIL 115, qui reçue alors la nouvelle dénomination 41041, démarra véritablement. Deux autres versions firent, au même moment, leur apparition au catalogue : La 41047, une dénomination désignant la berline à cinq places et celle de 41044 pour le cabriolet. Comme pour la précédente 117V, bien que sa vocation soit, elle aussi, de véhiculer les hauts personnages lors des cérémonies officielles, elle est, établie sur la base de la berline à empattement court. En plus de ces trois versions, un immense break (station wagon comme disent les Américains), équipé de quatre glaces latérales (dont deux pour les vitres de custode) ainsi que d’un toit surélevé, a aussi été réalisé à la même époque. On peut toutefois se poser des questions quant aux raisons qui ont motivé le bureau d’études du constructeur a réaliser une telle version « utilitaire » de la plus prestigieuse des voitures russes. Probablement s’agissait-il là du prototype d’une version d’ambulance, comme celle qui avait été réalisée sur base de la ZIS 110 dans les années 40 et 50. En tout état de cause, ce break ZIL (connu sous la désignation 41402) restera un exemplaire unique et ne connaîtra aucune suite en série. En ce qui concerne la fiche technique de la ZIL 115, le V8 atteint ici 7 695 cc et 311 chevaux, soit le plus haut niveau de cylindrée et de puissance jamais atteint par un moteur construit par la marque ZIL.

Même si, au fil des ans, sa production devint de plus en plus confidentielle. Si, à la fin des années 80, le bureau d’études, un prototype pour une nouvelle génération de limousines ZIL, présentant, cette fois, une fiche technique assez moderne avec, notamment, la traction avant. Malgré une série d’essais assez concluants, ce projet fut finalement abandonné car jugé trop cher par la direction de l’usine. Il est vrai qu’à cette époque, la Russie connaissait une période de grands bouleversements. Le nouveau gouvernement soviétique, dirigé par Mikhael Gorbatchev, avait, manifestement, d’autres priorités. Bien que la berline 5 places (Modèle 41041) et la limousine (41047) soient toujours disponibles, comme les versions break et cabriolet, ils ne sont désormais plus produits que sur commande spéciale, leur production en série ayant cessée en 2001. Le prix d’un tel carrosse étant évidemment en rapport avec le prestige que les ZIL entendaient incarner : L’équivalent de 300 000 et 425 000 Euros, selon le modèle et l’équipement souhaité par le client. (Il va sans dire qu’ à l’exemple d’ une Rolls-Royce, une telle voiture est réalisée entièrement sur mesures, selon les desiderata de son commanditaire et que, en dépit des apparences, il n’existe sans doute pas deux limousines ZIL qui soient entièrement identiques).

Aujourd’hui, malheureusement pour le constructeur, il n’y a guère que les nostalgiques de l’Empire soviétique pour passer commande d’une de ces voitures. Il est vrai que dans la Russie d’ aujourd’hui, les nouveaux oligargues russes, dans leur grande majorité, ne se soucient guère de la « grandeur passée » et des vestiges en tous genres qui, à Moscou ou à Saint-Pétersbourg ainsi qu’aux quatre coins de la Russie, témoignent encore aujourd’hui d’ un temps révolu. Plus de vingt-cinq ans après la chute de l’ URSS, il est vrai que, tant par leurs lignes, leur conception technique comme le symbole qu’elles représentent, les limousines ZIL ont tout de reliques qui auraient sans doute plus leur place dans un musée que dans les rues de la Russie d’ aujourd’hui. Au lendemain de la chute du Mur de Berlin et du Rideau de fer, les anciennes républiques soviétiques (Lituanie, Lettonie, Estonie qui constituent aujourd’hui les pays Baltes ou l’ Ukraine) n’ont d’ ailleurs pas mis longtemps à s’en débarrasser, comme les Allemands de l’Est (ceux de l’ex-R.D.A.) se sont empressé de se débarrasser de leurs anciennes Trabant et Wartburg, car celles-ci leur rappelaient trop une époque assez sombre que beaucoup voulaient oublier. Si, de nos jours, les limousines et cabriolets de parade ZIL ont toujours les honneurs des plus hautes cérémonies officielles organisées sur la Place Rouge, même si l’autocratique et omnipotent maître du Kremlin Vladimir Poutine ne se prive pas d’entretenir la flamme de la nostalgique de l’ URSS et appelle à rendre à la Russie sa grandeur passée, l’image des hauts gradés militaires et autres dirigeants russes défilant et saluant les troupes à bord de voitures dont la genèse remonte à il y a trente ou quarante ans relève d’un véritable anachronisme. A tel point qu’en regardant ces images aux actualités, le spectateur a presque l’impression de remonter le temps et de se retrouver dans les années 70 ou 80, au temps de la Guerre froide !

Depuis 2007, l’entreprise reçoit, de temps à autre, des demandes des autorités russes (de la Douma ou du Kremlin) pour l’étude d’ un projet pour un nouveau modèle. A ce jour, environ plusieurs dizaines d’études (le plus souvent restées à l’état de dessins) ainsi que plusieurs prototypes roulants ont été réalisés, mais, jusqu’ici, tous sans restés sans suite, aussi bien faute de perspectives commerciales suffisantes que de volonté politique du gouvernement russe. Aujourd’hui, bien que, ces dernières années, plusieurs designers aient réalisé et proposé auprès du constructeur des études de style pour une limousine ZIL de nouvelle génération, le constructeur AMO-ZIL préfère, manifestement, se focaliser sur la production des poids lourds, minibus et autres utilitaires qui constituent, depuis maintenant des décennies, l’essentiel de sa production.

Philippe Roche

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